Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le DEPARTEMENT DES YVELINES, par Me Labetoule, avocat ; le DEPARTEMENT DES YVELINES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0607880-0706972 en date du 14 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser à Mme A une indemnité de 383,07 euros par mois pour la période comprise entre le 27 juin 2006 et le 2 octobre 2007, une somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de Mme A ;
3°) de condamner Mme A à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les conclusions de Mme A tendant à l'indemnisation de son préjudice moral étaient irrecevables ; que les services du département n'étaient pas tenus de procéder à une enquête administrative parallèlement aux procédures judiciaires avant de procéder au retrait de l'agrément de Mme A en qualité d'assistante maternelle ; que la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques ne peut être valablement retenue en l'absence de préjudice anormal et spécial ; qu'à supposer la responsabilité du département établie, le préjudice pécuniaire de Mme A n'est pas établi et qu'elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral ;
...................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 2010 :
- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,
- et les observations de Me Donval, substituant Me Labetoule, pour le DEPARTEMENT DES YVELINES ;
Connaissance prise de la note en délibéré, présentée pour le DEPARTEMENT DES YVELINES, par Me Labetoule, enregistrée le 14 décembre 2010 au greffe de la Cour ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la personne qui a demandé à l'administration la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle lui impute est recevable à détailler ces conséquences devant le juge administratif, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état dans sa demande préalable, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée dans cette demande, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si Mme A a limité ses prétentions, dans sa demande préalable adressée le 17 avril 2007 au DEPARTEMENT DES YVELINES, à l'indemnisation de son préjudice financier, elle pouvait légalement devant les premiers juges demander l'indemnisation de son préjudice moral dès lors que ce chef de préjudice trouvait son origine dans le même fait générateur, procédait de la même cause juridique et que la demande demeurait dans les limites de l'indemnité chiffrée dans la demande préalable ; que le DEPARTEMENT DES YVELINES n'est donc pas fondé à soutenir que la demande présentée par Mme A d'indemnisation de son préjudice moral était irrecevable ;
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne la responsabilité du département :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles : La personne qui accueille habituellement des mineurs à son domicile, moyennant rémunération, doit être préalablement agréée comme assistant maternel par le président du conseil général du département où elle réside. L'agrément est accordé pour une durée fixée par voie réglementaire si les conditions d'accueil garantissent la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs accueillis ; que l'article L. 421-2 de ce code précise que : Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément. Toute décision de retrait ou de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées, il appartient à l'administration d'établir que la personne titulaire de l'agrément ne satisfait pas, à la date de la décision de retrait, aux conditions auxquelles la délivrance de l'agrément est subordonnée ;
Considérant qu'à la suite de propos tenus par une enfant gardée au domicile de Mme A et sur la base du compte-rendu d'un pédopsychiatre, le médecin du service de la promotion de la santé a procédé, le 7 avril 2006, à un signalement au procureur de la République des risques que le fils de Mme A se soit livré à des attouchements sexuels sur la fillette ; que le président du conseil général a alors suspendu l'agrément de Mme A en qualité d'assistante maternelle ; qu'après consultation de la commission consultative paritaire, ce dernier a retiré ledit agrément par une décision en date du 27 juin 2006 ; que le parquet a classé le signalement sans suites le 29 août 2006 ; que la décision de retrait de l'agrément de Mme A a finalement été retirée le 2 octobre 2007 ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'après la mesure de suspension prise à l'encontre de Mme A, les services du département aient fait procéder à des investigations complémentaires ou à une enquête approfondie tendant à confirmer l'existence de risques encourus par les enfants gardés au domicile de Mme A alors qu'aucun autre fait n'était venu corroborer les dires de l'enfant rapportés par le médecin consulté par ses parents ayant donné lieu au signalement précité finalement classé sans suite ; qu'ainsi, le président du conseil général des Yvelines ne pouvait légalement estimer réunies les conditions de retrait de l'agrément de Mme A ; que, par suite, le DEPARTEMENT DES YVELINES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a jugé que la faute ainsi commise était de nature à engager sa responsabilité à l'égard de Mme A ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la décision fautive de retrait de son agrément a engendré pour Mme A une perte de revenus ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et qu'il n'est pas contesté par Mme A que celle-ci a perçu pendant la période de suspension puis de retrait de son agrément un revenu de remplacement ; que, dès lors, le préjudice lié à la privation de revenu doit être effectivement calculé en retranchant du montant de l'indemnité due à ce titre le montant des sommes perçues par l'intéressée à titre de revenus de remplacement pendant la période considérée ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a condamné le DEPARTEMENT DES YVELINES à verser à Mme A la somme de 383,07 euros pour chaque mois écoulé entre le 27 juin 2006 et le 2 octobre 2007 ;
Considérant qu'il n'est ni démontré ni même allégué que le Tribunal aurait mal apprécié le préjudice moral de Mme A en condamnant le département à lui verser 1 500 euros au titre de ce chef de préjudice ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement nos 0607880-0706972 du Tribunal administratif de Versailles en date du 14 mai 2009 est annulé.
Article 2 : Le DEPARTEMENT DES YVELINES est condamné à verser à Mme A la somme représentant la différence entre les revenus qu'elle aurait perçus si elle avait poursuivi dans les mêmes conditions son activité d'assistante maternelle et les revenus qu'elle a effectivement perçus au cours de la période comprise entre le 27 juin 2006 et le 2 octobre 2007.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DES YVELINES est rejeté.
''
''
''
''
N° 09VE02252 2