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14/12/2010 | FRANCE | N°09VE03877

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 décembre 2010, 09VE03877


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Merdan A, demeurant ..., par Me Margerie-Roue, avocat ; M. A demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 0812408 en date du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2008 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salarié , l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire et a fix

é le pays de destination duquel il sera renvoyé ;

2°) d'annuler cet ...

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Merdan A, demeurant ..., par Me Margerie-Roue, avocat ; M. A demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 0812408 en date du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2008 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salarié , l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination duquel il sera renvoyé ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le montant dû au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il dispose d'une promesse d'embauche pour exercer en qualité d'électricien ; il a fourni une copie de son contrat de travail et son engagement à verser à l'ANAEM la redevance ou contribution forfaitaire pour emploi d'un salarié étranger ; la profession d'électricien fait partie des métiers connaissant des difficultés de recrutement ;

- le préfet a également méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour pour des raisons humanitaires ; il a participé à des manifestations politiques en faveur du PKK et pour la lutte contre les discriminations à l'encontre des kurdes ; il a été surveillé puis condamné ; ses proches ont subi des représailles ;

- par ailleurs, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ; il a des attaches en France où il réside depuis 2002 et est hébergé chez son frère ;

- l'arrêté méconnaît l'accord d'association conclu entre la communauté européenne et la Turquie le 12 septembre1963 aux termes duquel les travailleurs turcs bénéficient des mêmes garanties que les ressortissants communautaires dans leurs conditions de travail et dans le domaine de la sécurité sociale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui la prive ainsi de base légale ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes raisons qu'exposées précédemment ;

- elle est contraire à l'accord d'association conclu entre la communauté européenne et la Turquie du 12 septembre 1963 ;

- enfin, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que du fait des actions politiques qu'il a menées, il encourrait des risques de persécution en cas de retour dans son pays d'origine ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord d'association signé entre la communauté européenne et la Turquie le 12 septembre 1963 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public ;

Considérant que M. A ressortissant turc, qui serait entré en France, selon ses dires, le 23 avril 2002 à l'âge de 30 ans, a demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusée par un arrêté du 10 octobre 2008, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2008 :

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est donc suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) et qu'aux termes de l'article L. 341-2 du code du travail désormais codifiées à l'article L. 5221-2 du même code : Pour entrer en France en vue d'y exercer une activité professionnelle salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ;

Considérant que si M. A soutient qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié conformément aux dispositions précitées, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas présenté, à l'appui de sa demande, un contrat de travail visé par le ministère du travail et n'a pas produit le visa de long séjour exigé par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ;

Considérant M. A n'établit, ni même n'allègue, avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite le moyen tiré de ce qu'un tel titre aurait dû lui être accordé pour des raisons humanitaires, en raison des risques de persécutions auxquelles il serait exposé en raison de son engagement politique en Turquie, ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que si M. A soutient qu'il a des attaches en France, notamment son frère qui l'héberge, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où résident notamment ses parents ainsi que cinq de ses frères et soeurs ; qu'il est célibataire et sans enfants ; que dans ces circonstances l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'est pas, pour les mêmes motifs, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, enfin, que M. A ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'accord d'association conclu entre la communauté européenne et la Turquie le 12 septembre 1963, qui entend réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre les Etats membres et la Turquie et qui prohibe les discriminations entre les travailleurs fondées sur leur nationalité, dès lors qu'il ne soutient pas que la législation applicable aux étrangers et qui lui a été opposée était contraire à ces principes ou qu'il ait lui-même fait l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de sa nationalité ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A n'étant pas établie, l'exception d'illégalité dudit refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre ledit arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'en application de ces dispositions, qui ne font pas obstacle à l'exercice des droits garantis par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de l'absence de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

Considérant que les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste commise par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux opposés aux mêmes moyens articulés contre la décision de refus de titre de séjour ;

Considérant enfin que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'accord d'association conclu entre la communauté européenne et la Turquie le 12 septembre 1963 ne peut être utilement invoqué à l'appui d'une mesure d'éloignement prise à la suite d'un refus de titre de séjour opposé à l'intéressé et qui n'a pas méconnu les principes contenus dans cet accord ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que ce dernier texte énonce que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que les actes de poursuite produits par M. A ne présentent pas de garanties d'authenticité suffisantes pour établir qu'il serait exposé, en raison de son engagement politique, à des menaces et persécutions en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, M. A, dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et confirmée par la cour nationale du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant la Turquie comme pays de destination de la mesure d'éloignement dont il est l'objet, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A tendant à ce que la Cour ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai déterminé sous astreinte ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 09VE03877 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE03877
Date de la décision : 14/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : MARGERIE-ROUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-12-14;09ve03877 ?
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