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07/12/2010 | FRANCE | N°09VE01118

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 décembre 2010, 09VE01118


Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société BNP PARIBAS, dont le siège est, 16, boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Espasa-Mattei et Me Boutemy, avocats à la Cour ; la société BNP PARIBAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606511 en date du 23 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1998 à raison du r

efus, par l'administration fiscale, d'admettre l'imputation sur la cotisatio...

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société BNP PARIBAS, dont le siège est, 16, boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Espasa-Mattei et Me Boutemy, avocats à la Cour ; la société BNP PARIBAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606511 en date du 23 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1998 à raison du refus, par l'administration fiscale, d'admettre l'imputation sur la cotisation à l'impôt sur les sociétés au taux réduit dont elle était seule redevable sur cette année, des crédits d'impôt de source étrangère dont elle était, selon elle, titulaire ;

2°) de prononcer la décharge du supplément d'impôt indûment mis à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en application de l'article 220-1-b du code général des impôts et des conventions fiscales signée entre la France et les pays tiers, rédigées sur le modèle type de l'OCDE, elle est en droit, en l'absence de bénéfice taxable au taux de droit commun, d'imputer les crédits d'impôt de source étrangère, dont elle est titulaire à raison de revenus ayant subi dans les autres Etats contractants une retenue à la source, sur la cotisation d'impôt sur les sociétés calculée au taux réduit dont elle s'est acquittée en 1998 ; que ce droit à imputation ne dépend pas du taux en fonction duquel la cotisation d'impôt sur les sociétés exigible est calculée ; que la doctrine administrative référencée 4 H 5411 du 30 octobre 1996 ne fait pas davantage dépendre ce droit du taux auquel les bénéfices ont été imposés à l'impôt sur les sociétés ; que si cette doctrine, qui prévoit expressément que les crédits d'impôt de source française peuvent s'imputer sur la cotisation d'impôt sur les sociétés calculée au taux réduit, doit s'interpréter comme n'ouvrant pas une telle possibilité aux crédits d'impôt de source étrangère, elle doit dès lors être regardée comme contrevenant, tant aux stipulations de la clause de non-discrimination prévue dans les conventions fiscales bilatérales concernées qu'aux principes du droit communautaire qui prohibent toute discrimination et protègent la liberté de circulation des capitaux ; qu'en outre, la Cour de justice des Communautés européennes juge que ce dernier principe s'applique de manière identique entre les Etats membres de la Communauté européenne et entre les Etats membres et les Etat tiers ; qu'une société titulaire de crédits d'impôt de source française et une société titulaire de crédits d'impôt de source étrangère sont placées dans des situations identiques ; que, dès lors, tout régime qui aurait pour objet ou pour effet de diminuer la taxation d'une société prêteuse déficitaire exclusivement lorsque celle-ci investit ses capitaux en France serait de nature à rendre moins attrayant le placement de ses capitaux dans des Etats tiers et constituerait, de ce seul fait, une discrimination prohibée et porterait atteinte à la liberté de circulation des capitaux ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention modifiée, signée à Jakarta le 14 septembre 1979, entre la France et l'Indonésie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention modifiée, signée à Paris le 30 mai 1984, entre la France et la Chine tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention modifiée, signée à Buenos Aires le 4 avril 1979, entre la France et l'Argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention modifiée, signée à Bruxelles le 10 mars 1964, entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique en matière d'impôts sur les revenus ;

Vu la convention modifiée, signée à Paris le 24 avril 1975, entre la France et la Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention modifiée, signée à La Valette le 24 juillet 1977, entre la France et la République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention modifiée, signée à Paris le 14 janvier 1974, entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;

Vu la convention modifiée, signée à Paris le 18 février 1987, entre la France et la Turquie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention modifiée, signée à Paris le 2 mai 1975, entre la France et le Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention modifiée, signée à Paris le 29 mai 1970, entre la France et le Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative mutuelle administrative en matière fiscale ;

Vu la convention modifiée, signée à Paris le 15 juin 1994, entre la France et le Pakistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention modifiée, signée à Kingston le 9 janvier 1976, entre la France et les Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 12, 43 et 56, correspondant aux articles 18, 49 et 63 nouveaux du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne entré en vigueur le 1er décembre 2009 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 novembre 2010 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouffil, substituant Me Boutemy, pour la société BNP PARIBAS ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1998 au 20 mai 2000 la société BNP PARIBAS a notamment été assujettie à un supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 1998, à raison du refus de l'administration d'admettre l'imputation sur la cotisation d'impôt sur les sociétés calculée au taux réduit de 19 % dont elle était alors seule redevable, de crédits d'impôt résultant de retenues à la source prélevées sur des revenus de source étrangère par les autorités fiscales de ces pays alors que ces revenus étaient également imposables en France à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun ; que la société BNP PARIBAS relève régulièrement appel du jugement en date du 23 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1998 ;

Sur la loi fiscale :

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 205 et 219 du code général des impôts, l'impôt sur les sociétés au taux de 33,1/3 % est dû par les sociétés anonymes à raison de l'ensemble des bénéfices qu'elles réalisent au cours d'un exercice ; que, toutefois, l'article 219, dans sa rédaction en vigueur à la clôture de l'exercice 1998, dispose que le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 % dans les conditions prévues au 1. du I. de l'article 39 quindecies pour lequel ce montant net s'entend de l'excédent de ces plus-values sur les moins-values de même nature constatées au cours du même exercice ; qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice net d'un exercice qui, aux termes de l'article 38 du code est déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises au cours de l'exercice, doit, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés au taux de 33,1/3 %, être calculé abstraction faite des profits et des pertes ou charges que la loi a placés sous le régime des plus-values ou des moins-values à long terme et qui doivent, à concurrence de leur montant net, si celui-ci est bénéficiaire, être imposées séparément au taux de 19 % ; qu'ainsi, les intérêts concernés, dès lors qu'ils relevaient, en vertu des articles 38 et 219 du code, des bases de l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, se sont trouvés nécessairement exclus des bases à retenir pour le calcul des plus-values à long terme taxables au taux de 19 % et pris en compte pour la détermination du résultat net imposable au taux de 33,1/3 % ;

Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne les revenus de source étrangère, dont participent les revenus litigieux, l'article 220 du code général des impôts dispose, au b du 1., que : l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger (...) tel qu'il est prévu par les conventions internationales ;

Considérant que les conventions internationales conclues entre la France et, respectivement, l'Indonésie, la Chine, l'Argentine, la Belgique, la Malaisie, Malte, le Maroc, le Pakistan, le Portugal, les Philippines, le Canada et la Turquie, stipulent que les résidents français qui ont acquitté dans ces pays un impôt sur les revenus en provenance de ces Etats bénéficient en France d'un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt perçu par ces pays, lequel peut s'imputer sur l'impôt français afférent à ces mêmes revenus dans la limite du montant de ce dernier ; qu'il résulte des stipulations de ces conventions, rédigées selon le modèle type de l'OCDE et qui n'ont d'autre objet que d'éviter une double imposition d'un même revenu, que le crédit d'impôt qu'elles prévoient doit s'imputer sur l'impôt qui, en France, frappe le revenu dont il s'agit et que, par suite, l'imputation n'est possible que dans la mesure où l'impôt français frappant ce revenu est d'un montant supérieur à celui du crédit d'impôt auquel ce revenu ouvre droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les revenus en cause n'ayant pas été pris en compte pour le calcul de l'assiette de l'impôt sur les sociétés au taux de 19 %, auquel la société requérante a seule été assujettie en 1998, le crédit d'impôt auquel ces revenus ouvrent droit ne peut donc pas s'imputer sur cet impôt, nonobstant la circonstance, sans influence, que leur incorporation aux résultats imposables de la société BNP PARIBAS à l'impôt sur les sociétés au taux de 33,1/3 % a diminué son déficit reportable sur les exercices bénéficiaires ultérieurs ;

Considérant, enfin, que c'est à tort que la société BNP PARIBAS fait valoir que l'article 135 de l'annexe II au code général des impôts permet l'imputation de crédits d'impôts à l'impôt sur les sociétés sans distinction de taux alors que, pour l'imputation des revenus litigieux, dont il résulte de l'instruction qu'il s'agit uniquement d'intérêts d'emprunt, la société SA Paribas n'ayant, en 1998, déclaré aucune autre catégorie de revenus, cet article ne fait que renvoyer, directement ou indirectement, aux dispositions précitées de l'article 220 du code général des impôts ;

Sur la doctrine administrative :

Considérant qu'en réservant aux seuls crédits d'impôt d'origine française mentionnés au a. du 1. de l'article 220 du code général des impôts, la faculté d'imputer l'excédent qui n'a pu être effectué sur le montant de l'impôt sur les sociétés au taux normal dans les bases desquelles des revenus de capitaux mobiliers sont normalement imposés, sur l'impôt sur les sociétés frappant les plus-values à long terme ou provenant de certaines opérations de construction, alors même que les revenus auxquels ces crédits d'impôt sont attachés ne sont pas compris dans la base d'imposition de ce dernier impôt, le paragraphe n° 93 de l'instruction 4 H 5411 du 30 octobre 1996 donne de la loi fiscale une interprétation différente et institue une différence de traitement selon que ces revenus sont de source nationale ou étrangère ; que cette différence de traitement, qui s'applique à une situation objectivement comparable et n'est pas justifiée par un motif impérieux d'intérêt général, est constitutive d'une discrimination prohibée par les droits prévues aux conventions fiscales bilatérales susvisées et de l'Union européenne ; que le fait de rendre plus difficile l'imputation d'un crédit d'impôt d'origine étrangère que celle d'un crédit d'impôt de source française introduit en outre une différence de traitement susceptible de dissuader les sociétés résidentes d'investir dans le capital de sociétés non-résidentes ; que cette circonstance méconnaît, par suite, également, le principe de libre circulation des capitaux protégé à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que les revenus déclarés par la SA Paribas au titre de l'année 1998 ont, dans leur intégralité, la nature d'intérêts d'emprunt, qui ne sont pas au nombre des revenus mentionnés dans les dispositions du a. du 1. de l'article 220 du code général des impôts seules commentées au paragraphe n° 93 de l'instruction 4 H 5411 du 30 octobre 1996 ; que, dans ces conditions, la société BNP PARIBAS n'est fondée, ni à se prévaloir d'une doctrine dans les prévisions desquelles elle n'entre pas, ni, en tout état de cause, à demander l'extension du bénéfice de celle-ci à une situation placée hors de son champ d'interprétation de la loi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BNP PARIBAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la société BNP PARIBAS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société BNP PARIBAS est rejetée.

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N° 09VE01118 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01118
Date de la décision : 07/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BOUTEMY ET ESPASA-MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-12-07;09ve01118 ?
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