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02/11/2010 | FRANCE | N°09VE00195

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 novembre 2010, 09VE00195


Vu I°) la requête enregistrée sous le n° 09VE00195 le 23 janvier 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Wajih A, demeurant ..., par Me Delesse, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, le jugement n° 0610031 du 25 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 32 365,68 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge tardive de son affection hépatique à l'h

pital Beaujon ;

2°) de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Pa...

Vu I°) la requête enregistrée sous le n° 09VE00195 le 23 janvier 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Wajih A, demeurant ..., par Me Delesse, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, le jugement n° 0610031 du 25 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 32 365,68 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge tardive de son affection hépatique à l'hôpital Beaujon ;

2°) de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 1 333 800 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- des fautes ont été commises par le service d'hématologie dès le mois de mars 1990 dans la mesure où des examens complémentaires, notamment le dosage HBV ADN, n'ont pas été effectués ; leurs résultats auraient suscité une biopsie et un traitement par Interféron dès mai 1990 ;

- la perte de chance de se soustraire au risque de voir son état de santé se dégrader doit être estimée à 90 % ; le traitement par Interféron qui lui a été administré de mars à septembre 1991 a été très bien supporté et s'est révélé efficace ; l'aggravation de son état de santé est dû au fait qu'à la date à laquelle le traitement a été mis en place, la cirrhose était constituée ; la survenue d'un hépatoblastome à défaut d'être totalement écartée, aurait été retardée ;

- le premier praticien hospitalier a refusé de le soigner, engageant ainsi sa responsabilité personnelle et a dissimulé la gravité du tableau clinique ; il aurait dû constater la réactivation de la maladie lors de la consultation du 31 janvier 1991, au vu du compte-rendu des biopsies pratiquées en novembre 1990 et janvier 1991 ; le docteur Pessayre a transmis de façon incomplète à son collègue les conclusions des analyses en sa possession ;

- l'aggravation de son état de santé a rendu impossible la carrière universitaire à laquelle il pouvait normalement prétendre, compte tenu de ses diplômes et du niveau de ses recherches ; à l'âge de cinquante-huit ans, ses perspectives de retrouver une vie professionnelle sont inexistantes ; il avait de grandes chances d'être titularisé à un poste de maître de conférences en 1990-1991 ; la perte de salaires doit être évaluée à 900 000 euros et la perte de ses droits à la retraite à 360 000 euros ;

- ses souffrances physiques, compte tenu d'une perte de chance évaluée à 90 %, doivent être réparées par une somme de 13 500 euros et son préjudice esthétique par une somme de 7 000 euros ;

- les premiers juges ont procédé à une évaluation insuffisante de troubles dans les conditions d'existence qu'il a connus ; ce préjudice doit être fixé à 150 000 euros ;

- le refus de soins qui lui a été opposé par le premier praticien de l'hôpital Beaujon lui a causé un préjudice moral particulièrement grave qui doit être évalué à 50 000 euros ;

.................................................................................................

Vu II°) la requête introductive et le mémoire complémentaire, enregistrées respectivement le 27 janvier 2009 et le 9 mars 2009 sous le n° 09VE00261, présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est 3 avenue Victoria à Paris (75004), par Me Tsouderos, avocat ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0610031 en date du 25 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à M. Wajih Harira une somme de 32 365,68 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis du fait de la prise en charge tardive de sa pathologie hépatique à l'hôpital Beaujon et 955 euros au titre des frais d'expertise et une somme de 32 365,68 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, ainsi que 941 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à titre subsidiaire de réformer ce jugement et de réduire les indemnités qui devront être versées à M. Harira et à la caisse ;

2°) de rejeter la demande de M. Harira et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine présentées devant le tribunal administratif ;

L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'un dosage HBV DNA aurait dû être réalisé dès la consultation de mars 1990, dès lors qu'un récent dosage de l'ADN viral avait été effectué en février 1990 ;

- l'évolution anormale des transaminases était moindre le 29 mai 1990 qu'elle ne l'était le 27 février 1990, rendant moins impérative la ponction biopsie hépatique ;

- une diminution nette des SGPT constatée le 23 juillet 1990 justifiait de poursuivre la surveillance durant deux ou trois mois ;

- la biopsie réalisée le 24 novembre 1990 a mis en évidence une cirrhose B Child A avec un ADN viral bas ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le retard avec lequel aurait été réalisée la ponction hépatique serait constitutive d'une faute ;

- il n'est pas établi que la réalisation d'une ponction biopsie hépatique aurait conduit à l'indication d'un traitement par Interféron ; un tel traitement n'était alors nullement reconnu en matière d'hépatite B ; l'évolution de l'état de santé du requérant résulte vraisemblablement de l'inefficacité de ce traitement ;

- l'article du professeur Marcellin ne saurait être regardé comme correspondant à l'état des données de la science médicale dans les années 1990 à 1992 ; l'absence de mise en oeuvre entre mars 1990 et janvier 1991 d'un traitement par Interféron ne constitue pas une faute médicale ;

- le professeur Pessayre n'a pas commis de faute personnelle, qui au demeurant ne se détacherait pas de celle retenue par les premiers juges et n'a pas causé de préjudice objectivement établi ;

- en fixant la perte de chance à 25 %, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation ; les termes du rapport d'expertise relatif à une bonne efficacité de l'Interféron avec 50 % de réponse positive sont imprécis ; les études indiquent un taux de rechute de 85 % ; le risque du développement d'un hépatocarcinome a été évalué par l'expert à 85 % ; si la cirrhose s'est constituée entre novembre 1990 et janvier 1991, rien ne permet d'affirmer qu'elle était absente en juin 1990, date à laquelle le traitement par Interféron aurait dû être entrepris ; la perte de chance de développer un hépatocarcinome ne doit pas excéder 15 % ; c'est le simple retard et non l'absence de mise en oeuvre du traitement par Interféron qui doit être apprécié ;

- il n'est pas établi que la mise en oeuvre plus précoce d'un traitement par Interféron lui aurait permis de se présenter le 22 mars 1991 au concours ouvert à un poste de maître de conférences ; son préjudice professionnel trouve son origine dans sa pathologie à compter de 1989 et non dans le retard de quelques mois avec lequel il a bénéficié d'un traitement par Interféron ; s'agissant de la perte de chance d'obtenir des revenus afférents à une situation professionnelle espérée, elle ne peut constituer qu'une fraction de préjudice qui se cumule avec la fraction correspondant à la perte de chance de nature médicale ; le montant du salaire retenu par M. Harira n'est établi par aucune pièce du dossier ;

- M. Harira n'établit pas que l'expert aurait sous-évalué le préjudice esthétique subi ;

- les premiers juges ont procédé à une exacte évaluation des troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressé ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Delesse, pour M. A ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 09VE00195 et 09VE00261 présentent à juger les mêmes questions relatives à un traitement médical et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Considérant que M. A a été suivi du 22 mars 1990 au 31 janvier 1991 par un premier praticien du service d'hématologie de l'hôpital Beaujon, après que son médecin traitant a diagnostiqué sa contamination en novembre 1989 par le virus de l'hépatite B et que les analyses pratiquées le 25 février 1990 ont relevé un taux anormalement élevé de transaminases ; que bien qu'un diagnostic de cirrhose ait été posé au vu des résultats de la biopsie effectuée le 24 novembre 1990, il n'a fait l'objet d'un traitement antiviral Interféron qu'en mars 1991 après avoir été pris en charge par un second praticien hospitalier du même service ; que si cette prise en charge thérapeutique a entraîné dans un premier temps une amélioration de l'état de santé du patient, la cirrhose dont il était atteint a toutefois évolué en hépatocarcinome en 1994, rendant nécessaires une résection hépatique en avril 1995 et une transplantation hépatique en février 2002 ; qu'estimant que ces complications trouvent leur origine dans le caractère tardif du traitement antiviral qui lui a été dispensé, M. A a mis en jeu la responsabilité du centre hospitalier et demande à la Cour la réformation du jugement du 25 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires après avoir retenu la responsabilité de ce centre hospitalier ; que, par la voie de l'appel incident et de l'appel principal, l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS conclut à titre principal à l'annulation du jugement, les premiers juges ayant à tort estimé que des manquements fautifs avaient été commis dans le suivi de ce patient dans le cadre des consultations externes de l'hôpital Beaujon ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif le 22 mars 2005, que le traitement antiviral par Interféron, malgré des résultats très aléatoires, est susceptible, dans certains cas, de ralentir voire de stopper la multiplication virale pour des patients atteints d'une hépatite B chronique ; que par suite sa mise en oeuvre plus rapide aurait été de nature à prévenir ou à atténuer le processus cirrhotique dont M. A a été affecté et qui a conduit à un hépatocarcinome ; que dès lors, au regard de la littérature médicale contemporaine aux faits qui envisageait déjà la possibilité de recourir à l'Interféron alpha pour soigner certaines catégories d'hépatite B chronique, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en différant de dix mois la mise en oeuvre d'un traitement antiviral, qui aurait pu être entrepris dès mai 1990 ; qu'un tel retard, qui ne saurait être caractérisé comme un refus de soins de la part du premier praticien hospitalier, compte tenu de la difficulté de traiter une telle pathologie, a entraîné pour M. A une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé de voir son état de santé se dégrader ; que la réparation du dommage résultant de cette perte de chance doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que compte tenu du caractère aléatoire de ce traitement rarement efficace sur le long terme et qui vise surtout à retarder l'évolution péjorative de la pathologie, et compte tenu de la bonne réaction de M. A à l'administration de l'Interféron, cette fraction doit être fixée au taux retenu par l'expert, soit 25 % ; que dès lors M. A et l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé la perte de chance à ce taux ;

Sur les droits à réparation de M. A et de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

En qui concerne les dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine justifie avoir pris en charge, en raison des traitements dispensés à M. A du fait des complications de l'infection hépatique dont il était atteint, des frais d'hospitalisation s'élevant à 11 314,62 euros pour la période du 10 avril 1995 au 21 avril 1995 et à 118 148,12 euros pour la période du 20 février 2002 au 8 avril 2002 ; que, compte tenu de la confirmation de la fraction du montant du préjudice mise à la charge de l'établissement hospitalier, ses conclusions en appel qui tendaient au remboursement intégral de ses débours ne peuvent être que rejetées ;

En ce qui concerne le préjudice professionnel de M. A :

Considérant que M. A ne peut utilement soutenir que le retard dans la mise en oeuvre du traitement antiviral l'a empêché d'être reçu au concours pour le recrutement d'un maître de conférences le 22 mars 1991 à l'Université de Lille 3 dans la mesure où les fatigues d'un tel traitement, s'il avait été entrepris plus tôt, ainsi que les graves séquelles de cette infection hépatique, ne lui auraient pas permis, en tout état de cause, de concourir avec succès cette année là ; qu'en revanche, compte tenu de ses diplômes et de son expérience professionnelle, les complications survenues ultérieurement lui ont fait perdre une chance sérieuse d'intégration dans le corps enseignant des universités ; qu'en revanche, compte tenu de ses diplômes et de son expérience professionnelle, les complications survenues ultérieurement lui ont fait perdu une chance sérieuse d'intégration dans le corps enseignant des universités ; que dès lors, après avoir pris en compte le versement d'une allocation adulte handicapé par la Cotorep depuis 2004, les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de son préjudice professionnel en l'évaluant à 60 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant que les premiers juges ont également procédé à une juste appréciation des préjudices subis par M. A en évaluant le préjudice tiré de ses troubles dans ses conditions d'existence, son pretium doloris et son préjudice esthétique en lui allouant la somme de 57 500 euros ;

Considérant en outre que le préjudice moral allégué, tiré du comportement d'un précédent praticien hospitalier de l'hôpital Beaujon, n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSISTANCE PUBLIQUE HOPITAUX DE PARIS et M. A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a fixé le montant de l'indemnité due par l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à M. A pour réparer l'ensemble des préjudices qu'il a subis du fait de la prise en charge tardive de son affection hépatique à l'hôpital Beaujon à 32 365,68 euros ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à M. A et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que par suite leurs conclusions ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions présentées en application du 9ème alinéa de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant que ces conclusions doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance-maladie des Hauts-de-Seine tendant à la réformation du jugement attaqué ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. A et de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine sont rejetées.

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Nos 09VE00195-09VE00261 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE00195
Date de la décision : 02/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : DELESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-11-02;09ve00195 ?
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