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15/07/2010 | FRANCE | N°08VE02423

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 juillet 2010, 08VE02423


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet 2008 et 12 décembre 2008 au greffe de la Cour, présentés pour Mme Luningning A née B, demeurant ..., par Me Rolf Pedersen ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803612 en date du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2008 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter l

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet 2008 et 12 décembre 2008 au greffe de la Cour, présentés pour Mme Luningning A née B, demeurant ..., par Me Rolf Pedersen ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803612 en date du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2008 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2008 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal administratif de Versailles a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle avait soulevé en première instance ; qu'ainsi le jugement est entaché d'irrégularité ; qu'elle souffre de douleurs dorsales, d'une sciatique en relation avec une scoliose, d'un syndrome anxio-dépressif et d'un ulcère à l'estomac nécessitant un suivi et un traitement médical régulier en France ; qu'elle a bénéficié de deux avis favorables du médecin inspecteur de la santé publique le 22 octobre 2004 et le 21 décembre 2006 lui permettant de séjourner régulièrement en France sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dès lors, le préfet des Yvelines a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est entrée en France en 2000 sous couvert d'un visa et y réside de manière continue ; qu'elle est intégrée à la société française par son activité professionnelle en qualité d'employée de maison ; qu'elle a tissé des liens personnels et familiaux denses en France ; qu'elle réunit les conditions d'obtention d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ledit arrêté et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ; que l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français laquelle a, en outre, méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, ressortissante philippine, relève appel du jugement du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2008 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal administratif de Versailles a omis de statuer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors, le jugement du 10 juillet 2008 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 18 mars 2008 du préfet des Yvelines :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouveler un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 (...) l'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ; que Mme A produit un certificat médical daté du 26 septembre 2007 établissant qu'elle souffre de douleurs dorsales, d'une sciatique en relation avec une scoliose, d'un syndrome anxio-dépressif et d'un ulcère à l'estomac nécessitant un suivi et un traitement médical régulier en France ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, dans lequel figure notamment l'avis émis le 19 février 2008 par le médecin inspecteur de santé publique, que l'intéressée souffre d'affections pour lesquelles l'absence de prise en charge pourrait entraîner des conséquences présentant une exceptionnelle gravité ni qu'elle ne puisse pas bénéficier effectivement, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié ; que si la requérante fait état du système médical de financement des frais de santé aux Philippines pour soutenir qu'elle ne pourrait bénéficier de soins adéquats dans son pays d'origine, elle n'apporte aucune précision à l'appui de ses allégations ; qu'en outre Mme A ne peut utilement se prévaloir des circonstances qu'elle aurait auparavant bénéficié de deux avis favorables du médecin inspecteur de santé publique, ces précédents avis ne lui conférant aucun droit au renouvellement d'un titre de séjour et n'impliquant pas, par eux-mêmes, que le préfet des Yvelines aurait inexactement appliqué les dispositions précitées à sa situation personnelle ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'autorité administrative saisie d'une demande de titre de séjour n'est pas tenue de rechercher si ce titre peut être délivré sur un autre fondement que celui invoqué par le demandeur ; que si Mme A soutient que le préfet aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision attaquée qui a été prise à la suite d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'application de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que si Mme A fait valoir qu'elle est entrée en France en 2000 sous couvert d'un visa et y réside de manière continue, elle n'a versé au dossier aucune pièce de nature à établir sa présence effective pour les années 2000, 2001 et 2002 ; que si elle soutient qu'elle est intégrée à la société française, notamment par son activité professionnelle en tant qu'employée de maison et fait valoir qu'elle a tissé des liens personnels et familiaux importants en France, elle n'établit pas l'intensité des liens amicaux et professionnels qu'elle aurait noués sur le territoire national, où elle vit célibataire et sans charge de famille, ni qu'elle serait dépourvue de toute attache aux Philippines où elle a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans et où résident ses cinq enfants dont elle n'établit pas qu'ils seraient, comme elle l'allègue, tous majeurs et détachés de tout lien avec elle ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. (...) ;

Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués, Mme A n'établit pas que la décision méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

Considérant, en second lieu, que Mme A, qui n'établit pas l'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour qui lui a été opposé, n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français en excipant de l'illégalité de ce refus ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté présentées par Mme A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0803612 du Tribunal administratif de Versailles du 10 juillet 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

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N° 08VE02423 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08VE02423
Date de la décision : 15/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GAILLETON
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : ROLF-PEDERSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-07-15;08ve02423 ?
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