Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Judebasilrajan A et Mme Anitha Jeyasree A, demeurant chez M. Robert Jenson, ..., par Me Meurou ; M. et Mme A demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08013244-08013245 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 3 juin 2009 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2008 par lesquels le préfet du Val-d'Oise a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Judebasilrajan A, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le Sri Lanka comme pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2008 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire vie privée et familiale dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'arrêté attaqué, en tant qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, méconnaît le 7° de article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où M. A réside habituellement en France depuis 1998, que ses deux frères, dont l'un est de nationalité française, y résident également et que son épouse, avec laquelle il s'est marié en France, attend un enfant ; qu'il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le Sri Lanka comme pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où le requérant et son épouse appartiennent à la minorité tamoule, où M. A a été arrêté et torturé par les autorités en 1997 et où son épouse appartient à une famille soutenant le mouvement LTTE, et où elle et son frère ont notamment été arrêtés à plusieurs reprises ; que la cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs demandé au gouvernement français le 23 octobre 2007 de suspendre les renvois à destination du Sri Lanka ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2010 :
- le rapport de M. Morri, premier conseiller,
- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,
- et les observations de Me Gorvitz, substituant Me Meurou, pour M. A ;
Considérant que par un jugement en date du 3 juin 2009, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande d'annulation des deux arrêtés du 30 octobre 2008 du préfet du Val-d'Oise portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A et de son épouse et fixation du pays de destination ; que M. et Mme A font appel de ce jugement uniquement en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté pris à l'encontre de M. A ;
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire vie privée et familiale est délivrée : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;
Considérant que M. A, né en 1973, ressortissant du Sri Lanka, est entré en France en 1998 et y réside depuis cette date ; qu'il indique également que l'un de des frères réside régulièrement en France et que l'autre est de nationalité française, que son épouse, avec laquelle il a contracté mariage en 2006 sur le territoire français, attendait un enfant à la date de la décision contestée ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. A, qui a également fait l'objet d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le 30 octobre 2008, se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français et ne résidait en France que depuis trois ans à la date de la décision contestée ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que M. A et son épouse seraient privés d'attaches familiales au Sri Lanka, où ils ont résidé respectivement jusqu'à l'âge de 25 ans et 27 ans ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, malgré l'ancienneté de la présence en France de M. A sur le territoire français et le fait qu'il détienne une promesse d'embauche, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale et méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, par ailleurs, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur la situation personnelle et familiale des intéressés ;
En ce qui concerne la décision fixant le Sri Lanka comme pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que, si la demande de statut de réfugié de M. A a été rejetée le 26 août 1999 et que ce rejet a été confirmé le 25 février 2000 par la commission de recours des réfugiés, l'évolution ultérieure des combats au Sri Lanka, opposant les autorités de ce pays aux séparatistes tamouls a été à l'origine, à compter du début de l'année 2007 et jusqu'au milieu de l'année 2009 d'une intensification du conflit interne à cet Etat ; que les combats en cours dans le nord-est de l'île s'accompagnaient de représailles à l'encontre des citoyens sri lankais d'origine tamoule et que la cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs sollicité du gouvernement français, en octobre 2007, l'arrêt de tout renvoi de ressortissant sri lankais d'origine tamoule à destination de l'île jusqu'à la fin du conflit ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant sri lankais, est d'origine tamoule et a vécu au Sri Lanka, notamment dans la région de Jaffna, jusqu'à l'âge de 25 ans ; que, dans ces conditions, M. A, qui a déclaré redouter des persécutions en raison de son origine au Sri Lanka, doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme établissant qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'il était reconduit à destination de ce pays ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont seulement fondés à demander l'annulation de la décision fixant le Sri Lanka comme pays de renvoi de M. A ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi n'implique, par elle-même, aucune mesure d'exécution au sens des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que les conclusions à fins d'injonction présentées par les requérants doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 08013244-08013245 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 3 juin 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 30 octobre 2008 fixant le Sri Lanka comme pays à destination duquel M. A pourra être éloigné.
Article 2 : L'arrêté du 30 octobre 2008 du préfet du Val-d'Oise est annulé en tant qu'il fixe le Sri Lanka comme pays de destination pour l'éloignement de M. A.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 09VE02542 2