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08/07/2010 | FRANCE | N°09VE00911

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 juillet 2010, 09VE00911


Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE, représentée par son président directeur général en exercice, dont le siège social est situé 10-11, rue des Malfourches, à Créteil (94000), par Me Defradas ; la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0710038 du 18 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction de la redevance de pollution des eaux assis

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Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE, représentée par son président directeur général en exercice, dont le siège social est situé 10-11, rue des Malfourches, à Créteil (94000), par Me Defradas ; la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0710038 du 18 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction de la redevance de pollution des eaux assise sur la production de mâchefers mise à sa charge au titre de l'année 2007, à hauteur de la somme de 46 528,30 euros ;

2°) de lui accorder le dégrèvement sollicité ;

3°) de condamner l'agence de l'eau Seine-Normandie à lui rembourser cette somme, majorée des intérêts au taux de droit commun et du montant de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'agence de l'eau Seine-Normandie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal administratif a fait une interprétation erronée des moyens soulevés devant lui ; que le jugement est entaché d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation ; que la redevance est dépourvue de base légale ; qu'elle aurait dû être réduite du montant de la prime d'épuration ;

Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 23 avril 2009, présenté pour la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE, représentée par son président directeur général en exercice, par Me Defradas, qui maintient ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et, en outre, que l'assujettissement de l'exploitant d'une usine d'incinération d'ordures ménagères à la redevance pollution au titre de la production de mâchefers est contraire aux articles 14 et 14-1 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964, dès lors que la production de ces derniers par l'usine n'entraîne aucun effluent qui contribuerait à la détérioration de l'eau ; que la redevance implique nécessairement l'existence d'un rejet qui constitue le fait générateur de la pollution et rend redevable de cette contribution l'exploitant de l'ouvrage en cause ; qu'à supposer même que la redevance pollution puisse être établie et recouvrée au titre des mâchefers produits dans une usine d'incinération, l'exploitant de cette dernière ne peut être redevable, en tout état de cause, que d'une somme nulle ; qu'en effet, les mâchefers de l'usine sont éliminés en centre de stockage ou transformés en graves de mâchefers dans une plate-forme de traitement ; que ces installations, qui permettent d'éviter que les mâchefers produits par l'usine ne détériorent la qualité de l'eau, constituent des dispositifs ouvrant droit à une prime d'épuration compensant totalement la quantité de pollution produite dans l'usine concernée ; que le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de base légale de la redevance assise sur la production de mâchefers qui n'entraînait, en l'espèce, aucun rejet ; que c'est donc par une erreur de droit et de qualification juridique des faits que le tribunal administratif a jugé qu'il y avait, en l'espèce, des rejets liquides relatifs aux mâchefers détériorant la qualité de l'eau et constituant le fait générateur de la redevance ; que c'est donc par une autre erreur de droit que le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu, en l'espèce, à l'application d'une prime d'épuration ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 modifiée, relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution ;

Vu le décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 relatif aux agences financières de bassin créées par l'article 14 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 ;

Vu le décret n° 75-996 du 28 octobre 1975 portant application de l'article 14-1 de la loi modifiée du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution ;

Vu l'arrêté du 28 octobre 1975 pris pour l'application du décret du 28 octobre 1975 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Defradas, avocat de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE ;

Vu, enregistrée le 24 juin 2010, la note en délibéré présentée pour la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE ;

Considérant que, par un état exécutoire du 2 mai 2007, l'agence de l'eau Seine-Normandie a mis à la charge de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE, qui exerce l'activité d'incinération de déchets ménagers et assimilés, le paiement d'une somme de 72 984 euros correspondant à l'acompte dû par cette société, pour l'année 2007, au titre de la redevance pour détérioration de la qualité de l'eau, en raison de l'activité de son usine de Créteil ; que la requérante a demandé la réduction de 46 528,30 euros de cette somme, correspondant à la part de la redevance assise sur la production de mâchefers de cette usine ; qu'elle interjette appel du jugement du 18 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'après avoir rappelé les textes applicables au litige, le tribunal administratif a énoncé que la quantité de pollution produite un jour normal du mois de rejet maximal permettait d'asseoir la redevance forfaitaire pour pollution de l'eau ; qu'il a écarté, par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que le principe de l'assujettissement à ladite redevance n'était pas conditionné par l'existence de rejets effectifs dans le milieu naturel, circonstance de nature seulement à réduire le montant de la redevance exigée par la prise en compte d'une prime dite d'épuration ; qu'il a, alors, procédé à la qualification des rejets de la société et jugé qu'en l'espèce, ces rejets entraient dans le champ de ladite redevance ; que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués, a motivé l'absence de prise en compte d'une prime d'épuration et écarté de manière suffisamment explicite l'ensemble des moyens développés par la requête ; que la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation ;

Au fond :

Sur le principe de l'assujettissement à la redevance :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : (...) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques (...) ; qu'aux termes de l'article 14 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, applicable en l'espèce : L'agence établit et perçoit sur les personnes publiques ou privées des redevances, dans la mesure où ces personnes publiques ou privées rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt. L'assiette et le taux de ces redevances sont fixés sur avis conforme du comité de bassin. ; et qu'aux termes des dispositions de l'article 14-1 de la même loi, alors en vigueur : En ce qui concerne la détérioration de la qualité de l'eau, les redevances prévues aux articles L. 213-5, L. 213-6 et L. 213-7 du code de l'environnement sont établies et perçues par les agences financières de bassin en fonction de la quantité de pollution produite par les personnes publiques et privées un jour normal du mois de rejet maximal (...) 3. Lorsqu'un dispositif permet d'éviter la détérioration de la qualité des eaux, une prime est versée au maître d'ouvrage public ou privé de ce dispositif ou à son mandataire. Elle est calculée en fonction de la quantité de pollution dont l'apport au milieu naturel est supprimé ou évité. 4. Un décret en Conseil d'Etat fixera la définition des pollutions constitutives de l'assiette des redevances et des primes, leur mode d'estimation et de mesure ainsi que les seuils de perception des redevances et d'attribution des primes. ; qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 75-996 du 28 octobre 1975, alors en vigueur, pris pour l'application des dispositions de cet article 14-1 : Les redevances dues chaque année au titre de la détérioration de la qualité de l'eau sont assises sur la quantité de pollution produite un jour normal du mois de rejet maximal. / Des arrêtés du ministre de la qualité de la vie définissent les éléments physiques, chimiques, biologiques et microbiologiques à prendre en considération pour évaluer la quantité de pollution ainsi que leur mode de détermination. Ces éléments sont constitués notamment par les matières en suspension, les matières oxydables, les sels solubles et les matières inhibitrices. Chaque agence ne prend en compte que ceux de ces éléments qui se rattachent à des interventions de son programme pluriannuel en matière de lutte contre la détérioration de la qualité de l'eau. Les primes sont assises sur la quantité journalière de pollution exprimée par les mêmes éléments dont l'apport au milieu naturel est supprimé ou évité. ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même décret : les quantités de pollution définies à l'article précédent sont déterminées par estimation forfaitaire (...) ; qu'aux termes de l'article 5 de ce décret : Pour la détermination de l'assiette des redevances en cas d'estimation forfaitaire, la quantité de pollution est calculée en multipliant les grandeurs caractéristiques de l'activité du redevable par les coefficients spécifiques de pollution de cette activité. Ces grandeurs et ces coefficients sont fixés par arrêté du ministre de la qualité de la vie sous forme d'un tableau d'estimation forfaitaire. Si une activité ne figure pas dans le tableau d'estimation forfaitaire, il est procédé par l'agence à la définition des grandeurs caractéristiques et des coefficients spécifiques propres à cette activité, notamment à l'aide de mesures. Au cas où il est procédé à des mesures de la pollution réelle, ces mesures servent à déterminer des coefficients spécifiques ainsi que, le cas échéant, de nouvelles grandeurs caractéristiques qui sont utilisées les années suivantes pour l'estimation forfaitaire de l'assiette des redevances tant que l'agence ou le redevable n'a pas demandé qu'il soit procédé à une nouvelle mesure de la pollution réelle. ;

Considérant qu'à l'occasion de son activité d'incinération d'ordures ménagères, la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE produit, notamment, des mâchefers dont il est constant qu'ils figurent au nombre des éléments physiques, chimiques, biologiques et microbiologiques à prendre en considération pour évaluer la quantité de pollution produite, définis à l'article 1er de l'arrêté susmentionné du 28 octobre 1975 ; que la production de tels rejets d'activité est en elle-même susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, au sens des dispositions combinées de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et de l'article 14-1 de la loi du 16 décembre 1964, et rend ainsi nécessaire ou utile l'intervention de l'agence de l'eau, au sens de l'article 14 de cette même loi ; que, par suite, la circonstance que l'ensemble du processus de production, puis d'élimination de ces rejets de mâchefers exclurait, de facto, toute contamination du milieu naturel est sans influence sur le champ d'application de la redevance litigieuse et serait seulement de nature, si elle était démontrée, à ouvrir droit, en application du 3 de l'article 14-1 de la loi précitée, à une prime dite d'épuration venant en déduction du montant de la redevance due pour, le cas échéant, réduire cette redevance à un montant nul ; que la société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été assujettie à la redevance pour détérioration de la qualité de l'eau en raison de cette production de mâchefers, au titre de l'année 2007 ;

Sur la prime d'épuration venant en déduction de la redevance exigible :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret du 28 octobre 1975 : Lorsque le bénéficiaire de la prime d'épuration est en même temps redevable d'une redevance, le versement à l'agence est égal à la différence entre le montant de la redevance et celui de la prime. ; qu'aux termes de l'article 12 de l'arrêté du 28 octobre 1975, pris pour l'exécution des articles 3, 5, 6, 10 et 15 du décret du 28 octobre 1975 : Les redevables et les bénéficiaires de la prime sont tenus de déclarer chaque année à l'agence tous les éléments nécessaires à l'établissement de l'assiette de la redevance et de la prime. ;

Considérant que la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE fait valoir qu'en application de l'article 8 du décret du 28 octobre 1975, elle avait droit, en tout état de cause, à une prime d'épuration venant en déduction du montant de la redevance exigible en raison de cette production de mâchefers ; que, cependant, bien qu'y ayant été invitée par lettre du 2 août 2007 de l'agence de l'eau Seine-Normandie, puis au cours de l'instruction, la société requérante s'est abstenue de produire les renseignements demandés sur les caractéristiques des plates-formes de maturation qu'elle aurait mises en place pour réduire le potentiel polluant des mâchefers à la sortie du four, ainsi que sur la nature et la quantité des mâchefers retraités, en méconnaissance de son obligation déclarative résultant des dispositions de l'article 12 de l'arrêté du 28 octobre 1975 ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'absence de prise en compte par l'agence de l'eau d'une prime d'épuration est irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction à hauteur de 46 528,30 euros du montant de la redevance à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les disposition de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'agence de l'eau Seine-Normandie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE la somme que celle-ci demande à ce titre ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE le versement à l'agence de l'eau Seine-Normandie d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE est rejetée.

Article 2 : La société CRETEIL INCINERATION ENERGIE versera à l'agence de l'eau Seine-Normandie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 09VE00911 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE00911
Date de la décision : 08/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Julien LE GARS
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : SCP BOIVIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-07-08;09ve00911 ?
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