Vu l'ordonnance du 4 décembre 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a transmis, en application du 1er er alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée par la société SODICO EXPANSION ;
Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris et le 18 décembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 08VE04065, présentée pour la société SODICO EXPANSION, dont le siège est rue des Belles Hâtes, zone des Boutries à Conflans-Sainte-Honorine (78700), par Me Boulogne ; la société SODICO EXPANSION demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0500822 en date du 13 octobre 2008 par laquelle le président de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003, pour un montant de 723 394,72 euros, assorti des intérêts moratoires ;
2°) de lui accorder la restitution des droits en litige ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes de questions préjudicielles portant sur la question de savoir, d'une part, si les articles 25 ou 95 du traité instituant la communauté européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'instauration d'une taxe qui, comme celle édictée par l'article 302 bis ZD du code général des impôts, est affectée à un service qui ne bénéficie qu'aux seuls producteurs d'animaux français et dont la charge compense essentiellement les avantages offerts aux produits concurrents et similaires importés des autres Etats de l'Union Européenne, d'autre part, si les juges nationaux doivent, au besoin de leur propre autorité, veiller à l'applicabilité directe des articles susvisés, ainsi qu'à leur effet utile, et s'ils doivent prendre les mesures qui relèvent de leur compétence afin d'empêcher la perception d'une taxe comme celle instituée par l'article 302 bis ZD du code précédemment cité et afin de permettre la restitution des sommes indûment perçues ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 050 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de le condamner aux dépens ;
Elle soutient que la taxe sur les achats de viande, malgré sa nouvelle affectation au budget général de l'Etat à compter du 1er janvier 2001, n'en constitue pas moins un système d'aide illégal, n'ayant pas été préalablement notifié à la commission européenne ; que la décision de compatibilité du 14 décembre 2004 de la Commission européenne ne peut pas régulariser a posteriori ce défaut de notification ; que le produit de la taxe continue, en fait, d'être affecté au financement du service de l'équarrissage et que l'absence de lien d'affectation ne suffit pas à écarter le caractère d'aide d'Etat ; qu'en outre, la taxe sur les achats de viande méconnaît le principe pollueur-payeur et est constitutive soit d'une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation, soit d'une imposition discriminatoire, toutes deux prohibées par les articles 23, 25 et 90 CE du traité de Rome modifié, ;
.............................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la communauté européenne ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :
- le rapport de M. Bruand, président,
- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne: Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions; qu'aux termes de l'article 88 du même traité: 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;
Considérant que l'invocation par la société requérante d'une corrélation constatée, après le 1er janvier 2001, entre le produit de la taxe et les dépenses à couvrir, n'est pas, à elle seule, suffisante pour établir le maintien d'un lien d'affectation de la taxe ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant plus, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de lien d'affectation contraignant entre elle et le service public de l'équarrissage, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant que compte tenu de l'absence susmentionnée de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, sont inopérants au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande en litige, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne et le moyen tiré de ce que le service public de l 'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle, que la société SODICO EXPANSION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe en litige ;
Sur les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. ;
Considérant que la présente instance ne comporte aucun dépens ; que les conclusions tendant à ce que la charge de ceux-ci soit imputée à l'Etat sont, par voie de conséquence, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie succombante, soit condamné à payer à la société SODICO EXPANSION la somme demandée sur ce fondement ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société SODICO EXPANSION est rejetée.
''
''
''
''
2
N° 08VE04065