Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE FRISQUET, dont le siège est 20 rue Branly ZI Beauval à Meaux (77100), par la SCP Touraut et Associés ; la SOCIETE FRISQUET demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0705939 en date du 26 janvier 2009 par laquelle le président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 2006 de l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autorisé le licenciement pour faute de M. A et de la décision du 16 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant ladite décision ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail ou au ministre de lui délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée ou, à défaut, de statuer à nouveau sur sa demande et ce, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que l'auteur de l'ordonnance attaquée a estimé que sa demande était tardive dès lors que le pli contenant cette demande, expédié en colissimo recommandé le 16 mai 2007, a été posté en temps utile pour pouvoir être enregistré au greffe du Tribunal avant le 22 mai 2007, date d'expiration du délai de recours contentieux ; qu'alors qu'il dispose d'un délai de quinze jours pour se prononcer, l'inspecteur du travail qui a statué à peine huit jours après le dépôt de la demande d'autorisation de licenciement n'a pas sérieusement mis en oeuvre la procédure contradictoire, notamment en procédant à des vérifications sur place ; que la décision du ministre est irrégulière pour avoir été notifiée le 20 mars 2007, soit après l'expiration, le 16 mars 2007, du délai de quatre mois imparti au ministre pour statuer sur son recours hiérarchique ; qu'elle n'a pas reçu communication de la procédure et, en particulier, des procès-verbaux d'audition ou de l'enquête réalisée à l'occasion du recours hiérarchique ; que les faits reprochés à M. A, eu égard à leur accumulation et leur gravité, sont de nature à justifier son licenciement ; qu'en effet, en premier lieu, le non-respect des procédures informatiques mises en place pour la facturation des clients et la correction manuelle des fiches d'intervention, en dépit des consignes de la hiérarchie, entraînent un surcroît de travail pour les services administratifs ainsi qu'un risque de sous-facturation ou de surfacturation au client ; qu'en deuxième lieu, le 13 juillet 2006, avant son départ en congés, l'intéressé n'a pas envoyé informatiquement au service après-vente ses fiches d'intervention, ce qui a conduit à une saisie manuelle par les services administratifs ; qu'en troisième lieu, le salarié a procédé chez un client au remplacement de deux pièces sous garantie alors que la garantie n'était plus applicable en soutenant à tort qu'il aurait reçu l'accord de son responsable d'équipe ; qu'en quatrième lieu, faute d'avoir fait le point avec les services administratifs le 6 juillet 2006, ce n'est que le 12 juillet suivant qu'un chèque manquant sera retrouvé dans le véhicule d'intervention du salarié ; qu'en cinquième lieu, contrairement à ses collègues, M. A n'effectue pas ses passages au bureau durant les heures d'ouverture et témoigne d'un manque de communication avec les services administratifs ce qui nuit à la coordination et à la qualité des prestations de l'entreprise ; qu'en sixième lieu, l'intéressé est le seul technicien qui refuse de former des jeunes recrues ou stagiaires ; qu'en septième lieu, M. A n'a pas respecté les consignes de sécurité en s'abstenant de porter un masque de protection lors de ses interventions sur les chaudières contenant de l'amiante alors qu'il avait exercé son droit de retrait en 2004 pour des interventions analogues et qu'en sa qualité de membre du CHCST, il a participé aux réunions ayant conduit à établir un protocole de sécurité ; que le licenciement envisagé est dépourvu de lien avec le mandat de M. A ; qu'en effet, les faits reprochés à l'intéressé lors des entretiens des 9 septembre 2004, 2 décembre 2004, 13 avril 2006 et 28 août 2006 sont en relation directe avec son travail et n'ont aucune relation avec l'exercice de ses fonctions représentatives ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2010 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE FRISQUET relève appel de l'ordonnance du 26 janvier 2009 par laquelle le président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 2006 par laquelle l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autorisé le licenciement pour faute de M. A et de la décision du 16 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant ladite décision ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 222-1 et R. 611-7 du code de justice administrative, les présidents de formations de jugement des cours administratives d'appel peuvent, par ordonnance, rejeter les requêtes entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, sans être tenus d'informer au préalable les parties de leur intention de relever d'office un tel moyen d'ordre public ;
Considérant que, par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 précité, le président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, comme entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, la demande présentée par la SOCIETE FRISQUET, par le motif, relevé d'office, que celle-ci n'avait été enregistrée au greffe du tribunal que le 24 mai 2007, soit plus de deux mois après la date du 22 mai 2007 à laquelle lui avait été notifiée la décision précitée du 16 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;
Considérant, toutefois, que la lettre contenant la demande de la SOCIETE FRISQUET qui, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, avait été postée à Meaux par colissimo recommandé le mercredi 16 mai 2007, avait été expédiée en temps utile pour parvenir au greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise avant l'expiration, le mercredi 23 mai 2007 à minuit, du délai de recours fixé par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que, dans ces conditions, le président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a entaché son ordonnance d'erreur de droit en se référant à la date d'enregistrement, au greffe du tribunal, de la requête de la SOCIETE FRISQUET pour la juger tardive et, comme telle, manifestement irrecevable ; que, par suite, la SOCIETE FRISQUET est fondée à demander l'annulation de cette ordonnance ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE FRISQUET devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :
Considérant qu'au soutien de sa demande d'autorisation de licenciement, la SOCIETE FRISQUET, qui a pour objet la fabrication, la commercialisation et l'entretien de chaudières à gaz a fait valoir que M. A, technicien de maintenance et investi des mandats de délégué syndical, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise, ne respectait pas les règles relatives à l'enregistrement des opérations de maintenance et aux échanges d'informations avec les services administratifs, avait refusé de former des jeunes stagiaires et avait contrevenu aux consignes de sécurité en vigueur dans l'entreprise ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE FRISQUET a, à titre préventif, imposé à ses techniciens le port de masques de protection lors des interventions sur les chaudières fabriquées antérieurement à 1980, dont le calorifuge du corps de chauffe contient de l'amiante ; qu'il n'est pas non plus contesté que, si M. A est intervenu à huit reprises sur des chaudières de ce type au premier semestre 2006, il n'a jamais utilisé de masque de protection et ce alors qu'il avait exercé son droit de retrait pour des interventions analogues en 2004 et que, pour avoir participé aux réunions du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ayant conduit à l'élaboration d'un protocole de sécurité, il ne pouvait ignorer les règles mises en place dans l'entreprise dans ce domaine ; que si les mesures effectuées en septembre 2004 par le laboratoire Apave sur quatre chaudières à risque ont révélé un nombre de fibres inférieur au seuil de 0,1/cm3 n'imposant pas le port de masque, il n'en demeure pas moins, ainsi que l'a d'ailleurs relevé l'inspecteur du travail, qu'il s'agissait d'amiante friable de sorte que tout risque de contamination ne peut être écartée surtout en cas d'intervention impliquant une manipulation du calorifuge ;
Considérant que, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs formulés à l'encontre du salarié, les faits rappelés ci-dessus se traduisant par le non-respect des consignes de sécurité applicables à la manipulation de certains matériels justifiées par la nécessité de protéger la santé des salariés, sont constitutifs de fautes d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance, relevée par l'inspecteur du travail que les différentes sanctions visant M. A soient intervenues à des dates proches des élections professionnelles ou, s'agissant de celle du 9 mai 2006, concomitamment à la négociation annuelle salariale obligatoire ne révèle pas, par elle-même, une discrimination à l'égard de M. A ; qu'ainsi, et tandis que le ministre a lui-même relevé que le comportement du salarié avait excédé l'exercice de ses mandats, il ne peut être tenu pour établi que la mesure de licenciement litigieuse présenterait un lien avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale du salarié ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est par une inexacte qualification des faits de l'espèce que, par les décisions attaquées, l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis puis le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ont refusé d'autoriser le licenciement pour faute de M. A ; que la SOCIETE FRISQUET est, par suite, fondée à demander l'annulation desdites décisions ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;
Considérant que l'annulation par le présent arrêt des décisions du 20 septembre 2006 de l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis et du 16 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant ladite décision implique que l'administration procède à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation de licencier M. A ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'enjoindre à l'inspecteur du travail compétent de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que, par application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE FRISQUET et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : L'ordonnance du 26 janvier 2009 du président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 2 : La décision du 20 septembre 2006 de l'inspecteur du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis refusant d'autoriser le licenciement pour faute de M. A et la décision du 16 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant ladite décision sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail compétent de réexaminer la demande de licenciement de M. A présentée par la SOCIETE FRISQUET dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE FRISQUET une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la demande présentée par la SOCIETE FRISQUET devant le Tribunal administratif et des conclusions de sa requête présentée devant la Cour est rejeté.
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N° 09VE01033 2