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06/05/2010 | FRANCE | N°09VE00055

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 06 mai 2010, 09VE00055


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2009 au greffe de la Cour, présentée par la PREFETE DES YVELINES, par laquelle elle demande à la Cour l'annulation du jugement n° 0810023 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 juillet 2008 par lequel elle a refusé un titre de séjour à M. A et l'a obligé à quitter le territoire français ;

Elle soutient qu'elle n'a commis aucune erreur de droit ; qu'elle a examiné la demande de M. A au regard des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des ét

rangers et du droit d'asile ; que par ailleurs, M. A ne disposait pas d'u...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2009 au greffe de la Cour, présentée par la PREFETE DES YVELINES, par laquelle elle demande à la Cour l'annulation du jugement n° 0810023 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 juillet 2008 par lequel elle a refusé un titre de séjour à M. A et l'a obligé à quitter le territoire français ;

Elle soutient qu'elle n'a commis aucune erreur de droit ; qu'elle a examiné la demande de M. A au regard des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par ailleurs, M. A ne disposait pas d'un contrat de travail visé dans les conditions prévues par l'article L. 342-1 du code du travail et n'avait pas demandé son introduction auprès de l'agence national d'accueil des étrangers et des migrations et auprès des autorités consulaires ; qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour ; que la profession d'aide de cuisine ne figure pas dans la liste des métiers annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 ; qu'il ne remplissait donc pas les conditions prévues par le 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A n'a fait valoir aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel permettant sa régularisation et ne remplissait pas les conditions prévues par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale du travail n° 111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

Vu la charte sociale européenne révisée, faite à Strasbourg le 3 mai 1996, publiée par le décret n° 2000-110 du 4 février 2000 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2010 :

- le rapport de Mme Dioux-Moebs, premier conseiller,

- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,

- et les observations de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 341-2 du code du travail codifié depuis le 1er mai 2008 sous l'article L. 5221-2 du même code : Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a notamment sollicité un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entré sans visa en France, n'a pas présenté un contrat de travail visé dans les conditions susrappelées et a déclaré vouloir exercer le métier d'aide cuisinier qui ne figure pas sur la liste, annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008, des métiers ouverts, sans opposabilité de l'emploi, aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ; qu'ainsi, c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé, pour annuler l'arrêté du 17 juillet 2008 de la PREFETE DES YVELINES, sur la circonstance qu'elle n'avait pas examiné la demande de M. A au regard des dispositions de l'article R. 341-4-1 du code du travail, codifié depuis le 1er mai 2008 sous les articles R. 5221-20 et R. 5221-21 du code du travail, qui concernent uniquement les conditions de délivrance des autorisations de travail ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Considérant, en premier lieu, que M. A fait valoir que la distinction opérée par les arrêtés du 18 janvier 2008 entre, d'une part, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires et, d'autre part, les ressortissants des Etats tiers non membres de l'Union européenne en ce qui concerne les métiers qui leur sont ouverts, sans opposabilité de la situation de l'emploi, est discriminatoire et contraire au principe d'égalité, qu'en conséquence la PREFETE DES YVELINES n'était pas tenu de lui faire application de la liste applicable aux ressortissants des Etats tiers et aurait dû notamment prendre en compte les recommandations que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a adressées au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement solidaire dans sa délibération du 15 septembre 2008 et qu'ainsi, la PREFETE DES YVELINES a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en ne transmettant pas sa demande d'autorisation de travail à la direction départementale du travail ;

Considérant qu'en vertu des articles L. 341-2 et L. 341-4 du code du travail, aujourd'hui repris aux articles L. 5221-2 et L. 5221-5 du même code, pour entrer en France en vue d'y exercer une activité professionnelle salariée, l'étranger doit notamment présenter une autorisation de travail ; qu'aux termes de l'article R. 341-4-1 du même code, repris désormais aux articles R. 5221-20 et R. 5221-21 : I- (...) pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail (...), le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée (...) II- Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° du I ne sont pas opposables à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger postulant à un emploi figurant sur l'une des listes mentionnant soit les métiers, soit les métiers et les zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement respectivement établies en application de l'article L. 121-2 et du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du travail ;

Considérant que le régime d'accès au travail salarié des ressortissants de pays tiers non membres de l'Union européenne est fixé par les dispositions combinées de ces articles avec l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) ;

Considérant que pour les ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires, les traités d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de Lettonie, de Lituanie, de Hongrie, de Malte, de Pologne, de Slovénie et de la République slovaque signés le 16 avril 2003 et ceux de la Bulgarie et de la Roumanie signés le 25 avril 2005 ont ouvert la possibilité d'aménager, pendant une période transitoire de sept ans au plus, le principe de libre circulation des travailleurs prévu à l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'ils prévoient au point 14 des annexes relatives à la période transitoire que les Etats membres actuels donnent la préférence aux travailleurs qui sont ressortissants des Etats membres plutôt qu'aux travailleurs qui sont ressortissants de pays tiers en ce qui concerne l'accès à leur marché du travail durant les périodes d'application de mesures nationales ou de mesures résultant d'accords bilatéraux (...) ; que le législateur a fait usage de la faculté ouverte par ces traités en prévoyant à l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : (...) demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l'Union européenne qui souhaitent exercer en France une activité professionnelle. / Si les citoyens mentionnés à l'alinéa précédent souhaitent exercer une activité salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie, au plan national, par l'autorité administrative, ils ne peuvent se voir opposer la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341-2 du code du travail (...) ; que ces dispositions établissent, à titre transitoire, un régime propre aux ressortissants des Etats devenus membres de l'Union européenne du fait de l'entrée en vigueur des traités d'adhésion susmentionnés, à l'expiration duquel prendra effet le régime de libre circulation des travailleurs dans les Etats membres de l'Union européenne ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des dispositions conventionnelles, législatives et réglementaires précitées que les ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires relèvent d'un régime juridique spécifique et se trouvent dans une situation objectivement différente de celle des autres étrangers en ce qui concerne l'accès au travail salarié, dès lors notamment que les traités d'adhésion de ces pays prévoient que, pour l'accès à leur marché du travail, les Etats membres doivent instaurer un régime préférentiel pour les travailleurs issus de ces pays par rapport aux ressortissants issus de pays tiers ; que, par suite, les arrêtés du 18 janvier 2008 pouvaient établir des listes de métiers pour l'exercice desquels la situation de l'emploi n'est pas opposable qui soient différentes dans leur contenu selon que le demandeur d'emploi est un ressortissant d'un Etat de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires ou un ressortissant d'un Etat tiers sans méconnaître le principe d'égalité ou revêtir un caractère discriminatoire en méconnaissance des dispositions relatives à la non-discrimination contenues dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention n° 111 de l'Organisation internationale du travail, la charte sociale européenne révisée et l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen susanalysé doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la PREFETE DES YVELINES n'a pas refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif que celui-ci ne disposait pas d'un contrat de travail pour l'un des métiers figurant sur la liste annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ; que cette circonstance, qu'il était loisible à la PREFETE DES YVELINES de prendre en compte, n'est qu'un des éléments d'appréciation retenus par la décision, dès lors qu'il ressort des motifs de cette dernière que l'ensemble de la situation personnelle de M. A a été examiné ;

Considérant, enfin, que M. A, né le 10 octobre 1978 et de nationalité malienne, soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du fait qu'il serait en France depuis l'année 2000 ; que cependant, l'intéressé qui est célibataire et sans enfant, ne justifie pas de la date de son entrée en France et ne conteste pas qu'il n'est pas dépourvu de famille au Mali où résident ses parents et sa soeur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la PREFETE DES YVELINES aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle l'obligeant à quitter le territoire français doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la PREFETE DES YVELINES est fondée à demander l'annulation du jugement n° 0810023 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 juillet 2008 ; qu'il suit de là que les conclusions du requérant à fin d'injonction doivent être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 0810023 du 16 décembre 2008 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ensemble ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 09VE00055 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE00055
Date de la décision : 06/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Lydie DIOUX-MOEBS
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-05-06;09ve00055 ?
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