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01/04/2010 | FRANCE | N°07VE01610

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 01 avril 2010, 07VE01610


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Philippe A, demeurant ..., par la SCP Doumerg, Gauthier, Kovac, avocat au barreau de Dijon ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0511020 du 9 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement admis sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer les conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamn

er l'Etablissement français du sang à lui verser la somme totale de 581 085,38 eu...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Philippe A, demeurant ..., par la SCP Doumerg, Gauthier, Kovac, avocat au barreau de Dijon ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0511020 du 9 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement admis sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer les conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme totale de 581 085,38 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que, si le Tribunal administratif de Versailles a, à bon droit, admis que sa contamination par le virus de l'hépatite C avait pour origine des transfusions sanguines administrées en 1979, l'indemnisation qui lui a été accordée est manifestement insuffisante ; qu'au titre de l'incapacité temporaire totale et de l'incapacité permanente partielle, il est fondé à demander que chacun de ces deux chefs de préjudices soit réparé par une somme de 10 000 euros ; que le pretium doloris comporte, selon l'expert, les souffrances dues au traitement et la douleur morale du patient ; que la somme de 2 000 euros qui lui a été accordée en première instance doit être portée à 7 000 euros ; qu'ayant dû renoncer à diverses activités, la réparation du préjudice d'agrément justifie le versement d'une somme de 15 000 euros ; que, dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle de viticulteur, il s'est trouvé dans l'obligation, en raison de son état de grande fatigue, d'avoir recours à de la main-d'oeuvre occasionnelle, puis à temps complet à partir de l'année 2002 ; qu'il a donc supporté des charges auxquelles il n'aurait pas été exposé s'il n'avait pas été contaminé ; que, lors de l'emprunt professionnel qu'il a souscrit en 2005, il n'a pu bénéficier de certaines garanties et a dû supporter un taux plus élevé de cotisations d'assurance ; que son préjudice professionnel doit être évalué à la somme de 489 085,38 euros ; qu'enfin, l'indemnisation du préjudice spécifique de contamination justifie l'octroi d'une indemnité de 50 000 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Vaillau, substituant Me Kovac, pour M. A ;

Considérant que M. A, victime d'un accident le 13 juillet 1979 alors qu'il conduisait un tracteur, a demandé réparation, devant les premiers juges, des préjudices que lui a causés sa contamination par le virus de l'hépatite C, imputée aux transfusions de produits sanguins qui ont été pratiquées à la suite de cet accident, alors que l'intéressé était hospitalisé au centre hospitalier Raymond Poincaré, situé à Garches ; que, par un jugement du 9 mai 2007, le Tribunal administratif de Versailles a reconnu la responsabilité de l'Etablissement français du sang et a accordé à M. A une indemnité de 15 000 euros ; que le requérant fait valoir en appel que le tribunal administratif s'est livré à une appréciation insuffisante des conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, dont l'imputabilité aux transfusions sanguines susmentionnées n'est pas contestée par l'Etablissement français du sang ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'Etablissement français du sang :

Considérant que, si la mention du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 9 mai 2007 ne figure pas sur le bordereau de communication des documents annexés à la requête de M. A, il ressort des pièces du dossier que ladite requête était effectivement accompagnée du jugement attaqué ; qu'ainsi, le moyen tiré par l'Etablissement français du sang du défaut de production de ce jugement manque en fait ; que, par suite, la fin de non-recevoir invoquée par l'Etablissement français du sang ne peut qu'être écartée ;

Sur les droits à réparation de M. A :

En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial :

Considérant, d'une part, que, selon le rapport de l'expert désigné par les premiers juges, l'incapacité temporaire totale ne peut être évaluée, en l'absence d'arrêt de travail ; que M. A n'établit et n'allègue d'ailleurs pas avoir subi une perte de revenus professionnels qui serait imputable à une période d'incapacité temporaire totale liée à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que sa demande doit, sur ce point, être rejetée ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte du rapport de l'expert désigné en première instance qu'à la suite de la découverte, en 2002, de sa contamination par le virus de l'hépatite C, M. A a dû suivre en 2003, pendant six mois, un traitement antiviral à base d'interféron associé à la ribavirine ; qu'il a demandé l'indemnisation de son préjudice financier en invoquant les répercussions de son état de santé sur l'exercice de son activité professionnelle de viticulteur ; que, contrairement à ce que soutient l'Etablissement français du sang, il conteste dans sa requête d'appel l'évaluation, par les premiers juges, de ce préjudice ; que si, par un certificat du 20 mars 2007, le médecin traitant de M. A a fait état d'une asthénie majeure empêchant toute activité professionnelle au cours des trois jours suivant une injection d'interféron, il résulte des termes mêmes du rapport de l'expert que le traitement a été très mal supporté pendant toute la période de la prescription, et non pendant trois jours seulement, provoquant de la fièvre, des douleurs, des nausées, des insomnies et des infections buccales ; que l'Etablissement français du sang n'est donc pas fondé à soutenir que le préjudice professionnel invoqué par M. A ne serait constitué que sur une durée de quelques jours ; que le requérant n'apporte, en revanche, pas la preuve de l'existence d'un lien direct et certain de causalité entre l'affection dont il souffre et l'obligation, dans laquelle il prétend se trouver, de recruter du personnel à temps plein et en permanence pour les besoins de son exploitation viticole, sur une période de vingt années à compter de 2002 ; que la demande d'indemnisation qu'il présente à ce titre, chiffrée à la somme de 489 085 euros, ne peut donc être accueillie ; que, par contre, il ne saurait être sérieusement contesté qu'il éprouve des difficultés dans l'exercice de son activité professionnelle de viticulteur en raison de la maladie dont il est atteint, qui provoque un état d'asthénie permanente, et compte tenu, en outre, de la pénibilité du traitement qu'il a suivi en 2003, auquel a succédé un nouveau traitement prescrit en décembre 2007 pour une durée de douze semaines, ainsi qu'il en est justifié ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de l'incidence de l'hépatite C sur l'activité professionnelle exercée par le requérant en fixant à 12 000 euros la réparation de ce chef de préjudice ;

Considérant, enfin, que M. A établit qu'à l'occasion d'un emprunt professionnel souscrit en 2005, l'assurance décès liée à cet emprunt lui a été consentie moyennant une majoration des cotisations d'assurance mises à sa charge, en raison de son état de santé ; que cette majoration s'est élevée à la somme de 2 449,44 euros, dont M. A est fondé à demander le remboursement ; qu'en revanche, s'il n'a pas bénéficié des garanties invalidité et perte d'autonomie , il n'est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre, s'agissant d'un préjudice purement éventuel qui ne saurait lui ouvrir droit à réparation ;

En ce qui concerne le préjudice à caractère personnel :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A, âgé de 44 ans lorsqu'a été posé le diagnostic de sa contamination par le virus de l'hépatite C, présente une asthénie chronique qui s'accompagne, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de nausées, de troubles du sommeil, de douleurs dans les bras et d'infections buccales ; que, si l'expert relève que la maladie est évolutive et qu'un taux définitif d'incapacité permanente partielle ne peut être fixé, en l'absence de consolidation de l'état de santé de M. A, il précise que cette incapacité se situe entre 5 et 10 % à la date de l'expertise, soit en juin 2005 ; que l'état de fatigue permanent dont souffre le requérant perturbe sa vie personnelle et est à l'origine d'un préjudice d'agrément auquel s'ajoutent les souffrances morales dues aux incertitudes et aux inquiétudes légitimes qu'il éprouve quant à l'évolution de sa maladie ; que la recherche d'ARN du virus de l'hépatite C reste positive ; qu'en lui accordant une somme de 12 000 euros au titre de l'ensemble des troubles de toute nature qu'il subit dans ses conditions d'existence, le tribunal administratif n'a pas suffisamment tenu compte des circonstances de l'espèce ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 15 000 euros ; qu'en revanche, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des souffrances physiques endurées en fixant à 2 000 euros l'indemnité réparant ce chef de préjudice ;

Considérant, en second lieu, que, si M. A soutient qu'il a subi un préjudice spécifique de contamination et demande une indemnité à ce titre, la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, en elle-même, un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par l'indemnisation susmentionnée, accordée au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 15 000 euros accordée par le tribunal administratif au titre de la réparation du préjudice patrimonial et du préjudice personnel subi par M. A doit être portée à 31 449,44 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang le versement à M. A d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'Etablissement français du sang est condamné à verser à M. A la somme de 31 449,44 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 9 mai 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE01610
Date de la décision : 01/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : HOUDART et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-04-01;07ve01610 ?
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