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30/03/2010 | FRANCE | N°08VE02761

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 30 mars 2010, 08VE02761


Vu la requête, enregistrée le 18 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DES YVELINES ; le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803799 en date du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 21 mars 2008 refusant à M. A le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal admini

stratif de Versailles ;

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les...

Vu la requête, enregistrée le 18 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DES YVELINES ; le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803799 en date du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 21 mars 2008 refusant à M. A le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision portant refus d'autorisation de travail à M. A, sur laquelle se fonde l'arrêté attaqué, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, l'emploi de technicien supérieur dans le domaine du tourisme pour lequel l'intéressé a sollicité un titre de séjour salarié est sans rapport avec sa formation en arts du spectacle ; qu'en outre, et alors que la population asiatique est importante en région parisienne, les services de l'ANPE n'ont pas informé la direction départementale du travail et de l'emploi de l'impossibilité de trouver un candidat à de telles fonctions parlant couramment le coréen ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant en date du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2010 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité sud-coréenne, entré en France en septembre 2002 pour y poursuivre des études en arts du spectacle, a été mis en possession, dès le 1er octobre suivant, d'un titre de séjour en qualité d'étudiant renouvelé jusqu'au 30 septembre 2007 ; qu'à l'issue de ses études, l'intéressé, titulaire d'une promesse d'embauche de la société Hanatour France en qualité de guide-accompagnateur de tourisme a sollicité, le 21 août 2007 le renouvellement de son titre de séjour assorti d'une demande de changement de statut d'étudiant en travailleur salarié ; que, suite au refus d'autorisation de travail opposé le 22 octobre 2007 par le directeur départemental du travail et de la formation professionnelle, le PREFET DES YVELINES a, par arrêté du 21 mars 2008, rejeté cette demande et fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire ; que le PREFET DES YVELINES relève appel du jugement du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté litigieux et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3131-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) ; qu'en vertu de l'article L. 341-4 du code du travail alors en vigueur, un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L. 341-2 ; qu'aux termes de l'article L. 341-4-1 de ce même code, alors applicable : I. - Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées au premier alinéa de l'article R. 341-3, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu, le cas échéant, des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà effectuées par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience et, le cas échéant, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est titulaire d'une licence mention arts et spectacles, cinéma, audiovisuel délivrée par l'Université de Montpellier III et a, en dernier lieu, accompli, au sein de cette université, la première année de master arts du spectacle parcours cinéma-audiovisuel ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que la qualification résultant de ce cursus ne correspond pas aux caractéristiques de l'emploi de technicien supérieur de tourisme (guide accompagnateur) proposé par la société Hanatour France, laquelle exploite une agence de voyages ; que, si, conformément à l'une des conditions requises par la société, M. A parle couramment le Coréen - qui est au demeurant sa langue maternelle - il ne se prévaut d'aucune expérience significative dans le domaine d'activité en cause et, au surplus, ne conteste pas, ainsi que le fait valoir le PREFET DES YVELINES, que l'agence nationale pour l'emploi ne se trouvait pas dans l'impossibilité de présenter des demandeurs d'emploi répondant à cette exigence ; qu'ainsi c'est par une appréciation exempte d'erreur manifeste que le directeur départemental du travail et de l'emploi, agissant par délégation du préfet, a pu se fonder tant sur la situation de l'emploi que sur l'inadéquation entre le poste proposé et le profil de l'intéressé pour rejeter la demande d'autorisation de travail sollicitée au profit de M. A ; que, par suite, le préfet était tenu de rejeter la demande de carte de séjour salarié présentée par l'intéressé ; que, dès lors, le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, motif pris de l'illégalité de ladite décision du directeur départemental du travail et de la formation professionnelle, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 21 mars 2008 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles et la Cour ;

Sur le refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, par suite, dès lors que la demande de M. A ne se fondait que sur les dispositions de l'article L. 313-10 précitées, l'intéressé ne saurait utilement soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du même code ;

Considérant, en second lieu, que le PREFET DES YVELINES, ainsi qu'il vient d'être dit, était tenu de refuser à M. A le titre de séjour qu'il demandait en qualité de travailleur salarié, dès lors que l'autorisation de travail indispensable pour lui permettre d'être employé par l'entreprise qui lui proposait un contrat lui avait été légalement refusée par la décision susmentionnée du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; qu'ainsi, les moyens présentés par M. A à l'encontre du refus de séjour qui lui a été opposé sur ce fondement présentent un caractère inopérant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision de refus de séjour opposée à M. A n'étant pas illégale, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français, dont est assorti ce refus, se trouverait, par voie de conséquence, privée de base légale ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée a été signée par Mme Mouton, directeur de la citoyenneté et des libertés publiques de la préfecture des Yvelines, en vertu d'un arrêté du préfet du 20 mars 2008 publié au recueil des actes administratifs du département n° 6 spécial du 18 au 20 mars 2008 l'autorisant à signer en toutes matières ressortissant à ses attributions tous arrêtés, décisions, documents et correspondances relevant des attributions (...) des départements ministériels ne disposant pas de services dans les Yvelines (...) à l'exception des arrêtés présentant un caractère réglementaire ou de principe, des arrêtés portant création ou suppression de syndicats ou de groupements de communes, des actes portant nomination de membres de commissions, conseils ou comités, des décisions attributives de subvention et des arrêtés d'autorisation d'emprunt ; que, par suite, le moyen tiré de ce que Mme Mouton n'aurait pas été compétente à l'effet de signer la décision portant obligation de quitter le territoire manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement litigieuse est inopérant ;

Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en qualité de conjoint d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France sous couvert de titres de séjour régulièrement renouvelées depuis au moins dix-huit mois, M. A entre dans les catégories d'étrangers ouvrant droit au regroupement familial ; que, par suite, il ne saurait utilement se prévaloir des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990: Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'aux termes de l'article 16 de la même convention : 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. B fait valoir que son épouse, également de nationalité sud-coréenne, est présente sur le territoire national, où elle a donné naissance à un enfant en 2006 et où le couple est parfaitement intégré ; que, toutefois, la seule circonstance que l'épouse de l'intéressée dispose d'un titre de séjour en qualité de visiteur ne fait nullement obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue à l'étranger et notamment en Corée du Sud, pays dont les deux époux sont ressortissants, où ils se sont mariés et où il n'est pas allégué qu'ils seraient dépourvus de toute attache ; qu'au demeurant, l'épouse de M. B dispose, le cas échant, de la possibilité de solliciter le regroupement familial à son profit ; que, dans ses conditions, la décision contestée n'a ni porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B au respect de sa vie privée et familiale ni méconnu l'intérêt supérieur de son enfant ou constitué une immixtion arbitraire dans la vie privée de ce dernier ; que ladite décision n'est donc pas contraire aux stipulations et dispositions précitées ; que, pour les mêmes motifs, cette décision est exempte d'erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en sixième lieu, que, si un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, M. B ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne prévoient pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit et, par suite, ne sont pas susceptibles de faire obstacle, le cas échéant, au prononcé d'une mesure d'éloignement ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de destination entrait dans le cadre de la délégation de signature susmentionnée consentie à Mme Mouton et n'a donc pas été édictée par une autorité incompétente ;

Considérant, en second lieu, que cette décision, qui a été prise au visa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui relève que M. A ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme des libertés fondamentales comporte ainsi les considérations de droit ou de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation de son arrêté du 21 mars 2008 ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0803799 du 8 juillet 2008 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE02761
Date de la décision : 30/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CHELLE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : DANDALEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-03-30;08ve02761 ?
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