Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Jean Pédro A, demeurant ... par Me Rueff ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0505103 du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à ce que La Poste soit condamnée à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices résultant de la dégradation de son état de santé ;
2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer le préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que La Poste n'a pas tenu compte des contre-indications et inaptitudes constatées par le comité médical départemental et les médecins de prévention dans les affectations qu'il a reçues depuis juin 2001 ; que sa hiérarchie n'a cessé d'exiger des travaux incompatibles avec son état de santé qui ont provoqué plusieurs accidents de service ; que La Poste a également manqué à son obligation de reclassement ; que sa situation n'a jamais été examinée par la commission de reclassement ; qu'en 2004 à la suite de l'avis du médecin de prévention préconisant une affectation sur un poste administratif La Poste a engagé une recherche qui n'a duré que douze jours et n'a pas renouvelé cette démarche ; que son refus ponctuel de se rendre à une visite médicale et d'effectuer un stage de guichetier ne peuvent justifier le manque de diligence de La Poste ; que son préjudice résulte des souffrances physiques et morales qu'il endure depuis 1990 ; qu'il a fait l'objet à plusieurs reprises d'arrêts-maladie pour épuisement et a développé un syndrome anxio-dépressif ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, modifiée ;
Vu le décret n° 82-453 du 28 mai 1982, modifié ;
Vu le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984, modifié ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2010 :
- le rapport de Mme Courault, premier conseiller,
- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,
- et les observations de Me Mandicas pour La Poste ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par La Poste :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une demande préalable reçue par La Poste le 2 novembre 2004, M. A a sollicité la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ; qu'il a chiffré lesdits préjudices dans sa demande devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par La Poste à cette demande tirée de ce que M. A n'aurait pas précisé le montant de l'indemnisation réclamé par lui dans sa demande préalable doit être écartée ;
Sur la responsabilité de La Poste :
Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes.(...) ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 novembre 1984 susvisé : Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes. ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 susvisé : Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés ; qu'aux termes de l'article 41 du même décret : Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte, après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent (...) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 du décret du 28 mai 1982 susvisé : Le médecin de prévention est habilité à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. (...) / Lorsque ces propositions ne sont pas agréés par l'Administration, celle-ci doit motiver son refus. ;
Considérant que M. A, fonctionnaire en activité à La Poste, recherche la responsabilité de son employeur pour l'avoir affecté à des postes de travail comportant des tâches pour lesquelles il avait été déclaré inapte par le comité médical ou la médecine de prévention et ne pas avoir procédé à son reclassement sur un poste adapté à son état de santé ;
Considérant, en premier lieu, que le comité médical de la Poste, a le 12 mai 1997, déclaré M. A inapte définitivement au port de charges supérieures à 15 kg, à la station debout plus d'une heure, au tri pendant plus d'une heure trente, à la conduite de deux et quatre roues et à la prise de travail matinale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que pour la période antérieure à cette date, l'intéressé ait sollicité un aménagement de son poste de travail ; que de juillet 1997 à juin 2001 M. A a été placé en détachement ; qu'à son retour, il a été affecté sur des fonctions de chef d'équipe distribution pour lesquelles il a été déclaré apte en décembre 2001 par le médecin de prévention sous réserve ne pas porter des charges supérieures à 10 kg ; que si M. A soutient qu'il a été alors amené à exercer des tâches autres que celles que définies par la fiche de poste au vu de laquelle le médecin de prévention avait déclaré son poste compatible avec son état de santé, la seule attestation qu'il produit ne permet pas d'établir que le travail de manutention et de distribution auquel il était ponctuellement astreint aurait été incompatible avec ces contre-indications ; que le comité médical ayant déclaré le 26 février 2002 M. A inapte définitivement aux fonctions de chef d'équipe distribution et au port de charges supérieures à 10 kg, ce dernier a été muté le 25 mars 2002 au centre de tri du courrier de Pontoise en brigade de nuit ; qu'il ressort des attestations établies par des collègues de travail de M. A que l'activité du centre de tri lui imposait une station debout prolongée et la manipulation fréquentes de bacs ou sacs de courrier d'un poids supérieur à 10 kg ; qu'à la suite d'un accident de service intervenu le 31 octobre 2002, le médecin de prévention a réitéré le 11 novembre 2002 les contre-indications médicales en cantonnant l'activité de M. A au tri de petit format avec siège sur position de travail et du décasage sur un temps limité à 1 heure 30 ; que, le 25 juin 2003, le poste de travail occupé par M. A a été déclaré définitivement incompatible avec son état de santé et le travail de nuit contre-indiqué ; que M. A a néanmoins été maintenu sur ce poste, sans qu'il résulte de l'instruction que La Poste ait, comme elle le soutient, procédé à l'aménagement des fonctions de M. A ; que ce dernier a été affecté en novembre 2003 en brigade de jour et déclaré apte par la médecine de prévention le 15 décembre 2003 sans manutention de charges supérieures à 10 kg et sous réserve d'éviter les zones bruyantes ; que, par suite, La Poste, qui n'établit pas qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'y procéder, n'a pas satisfait à son obligation d'aménagement des fonctions de M. A entre mars 2002 et novembre 2003 ;
Considérant, en second lieu, que M. A soutient qu'aucun poste correspondant à ses aptitudes et aux contre-indications médicales ne lui a été proposé en vue de procéder à son reclassement ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'en réponse à une demande de reclassement formulée par l'intéressé le 15 septembre 2003, il lui a été proposé en novembre 2003 d'effectuer un essai de trois mois sur des fonctions de guichet ; que cette proposition a été refusée par M. A au motif , non établi par les pièces du dossier, que le médecin de prévention s'y serait opposé ; que M. A a par la suite refusé de se rendre à deux examens médicaux en vue d'établir son aptitude aux dites fonctions ; que, par ailleurs, à la suite de la recommandation émise par le médecin de prévention le 22 janvier 2004 d'une affectation sur un poste administratif, les services de la Poste ont effectué une recherche en ce sens sur la région Ile-de-France ; que si M. A soutient que La Poste n'a pas poursuivi cette recherche, il résulte de l'instruction que M. A a été placé à compter du 20 septembre 2004 en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée jusqu'au 22 mai 2006 ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que sur la période en cause l'administration aurait méconnu ses obligations relatives à son reclassement ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le comité médical, qui par avis en dates des 15 mai 2006 et 18 octobre 2008 s'est prononcé en faveur d'une reprise de fonctions de M. A sur le poste qu'il occupait au centre du courrier de Pontoise avec le maintien d'une inaptitude au port de charge égale ou supérieure à 10 kg et à l'exposition au bruit, ait déclaré M. A inapte de façon totale et définitive aux fonctions de tri ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que La Poste aurait manqué à ses obligations de reclassement ;
Considérant que compte tenu de la faute commise par La Poste, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. A en lui allouant une somme de 3 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 0505103 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 3 juillet 2008 est annulé.
Article 2 : La Poste est condamnée à verser à M. A la somme de 3 000 euros.
Article 3 : La Poste versera à M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
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N° 08VE02890 2