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02/03/2010 | FRANCE | N°08VE01096

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 mars 2010, 08VE01096


Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2008, présentée pour M. Marc A, demeurant ..., par Me Hayot-Certain ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0602892 en date du 29 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 12 500 euros, tous intérêts compris, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'il a subi à raison des fautes dont il a été victime à l'occasion de son hospitalisation à l'hôpital Ambroise Paré au mois d'avril 2003 ;
>2°) de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemni...

Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2008, présentée pour M. Marc A, demeurant ..., par Me Hayot-Certain ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0602892 en date du 29 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 12 500 euros, tous intérêts compris, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'il a subi à raison des fautes dont il a été victime à l'occasion de son hospitalisation à l'hôpital Ambroise Paré au mois d'avril 2003 ;

2°) de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 44 412 euros, en réparation de son préjudice patrimonial, et de 44 700 euros, en réparation de son préjudice personnel, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2007 et capitalisation des intérêts échus le 5 décembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris est engagée non seulement du fait de la répétition des interventions chirurgicales qu'il a subies et de la néphrectomie, mais aussi, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, à raison de l'absence d'information sur les risques issus de la tumorectomie et sur l'éventualité d'une néphrectomie, ainsi qu'à raison de la blessure de la rate, qui est due à une maladresse de l'opérateur et qui a conduit à la splénectomie ; qu'ayant été licencié du fait de ses nombreuses absences liées à ses périodes d'hospitalisation et de convalescence, il est fondé à demander une indemnisation correspondant à la différence entre le salaire mensuel qu'il percevait et les allocations chômage qui lui ont été versées jusqu'à ce qu'il retrouve un emploi, soit 6 300 euros ; qu'il est également fondé à demander à être indemnisé à hauteur de la différence entre la rémunération perçue de son nouvel employeur et sa rémunération antérieure, soit 37 512 euros ; qu'en outre, son état de santé risque de pénaliser son évolution de carrière dès lors, notamment, que la splénectomie l'expose à des risques infectieux pouvant compromettre des déplacements à l'étranger ; que le coût de l'assistance d'une tierce personne, indispensable à sa sortie d'hôpital, doit être évalué à 600 euros, représentant 2 heures par jour pendant un mois sur une base de 10 euros de l'heure ; que la néphrectomie et la splénectomie ayant entraîné des incapacités permanentes partielles respectivement fixées par l'expert à 10 % et 5 %, il convient de lui allouer de ce chef la somme de 30 000 euros ; que le pretium doloris, évalué à 4 sur 7, doit donner lieu à l'allocation de la somme de 12 000 euros, le préjudice esthétique, évalué à 1 sur 7, à la somme de 1 200 euros et le préjudice d'agrément à la somme de 1 500 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2010 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- les observations de Me Hayot-Certain, pour M. A et celles de Me Tsouderos, pour l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ;

Considérant que, le 23 avril 2003, M. A, alors âgé de 48 ans, a été opéré dans le service d'urologie de l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne d'une tumeur au rein gauche par coeliochirurgie convertie en laparotomie à la suite de la survenue d'un saignement abondant ; qu'une seconde intervention a été rendue nécessaire le 27 avril pour évacuer un hématome qui refoulait le rein en avant ; que l'apparition d'un choc hémorragique a conduit à une néphrectomie du rein gauche et à une splénectomie le 29 avril 2003 ; que ces interventions répétées, qui ont fragilisé la musculature abdominale, ont entraîné une éventration qui a nécessité pour M. A une nouvelle intervention chirurgicale réalisée le 11 mars 2004 ; que M. A fait appel du jugement du 29 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 12 500 euros tous intérêts compris, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant des fautes dont il a été victime à l'occasion de son hospitalisation ; que, par la voie de l'appel incident, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A et, subsidiairement, de réduire le montant de l'indemnité allouée ;

Sur la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute médicale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Versailles, que l'état de santé de M. A, qui présentait une tumeur maligne exo-rénale, justifiait, outre la tumorectomie pratiquée le 23 avril 2003, tant le choix initial de la technique coelioscopique que sa conversion en intervention chirurgicale classique par incision sous-costale gauche ; que, si l'expert a émis l'hypothèse que la blessure de la rate, à l'origine des complications hémorragiques de cette intervention, pourrait être due à une maladresse de l'opérateur, cette hypothèse n'est corroborée ni par le compte-rendu opératoire, ni par les propres constatations de l'expert desquelles il ressort que l'intervention, pratiquée par un urologue présentant toutes les compétences requises à cette fin, a été conduite dans les règles de l'art, sans imprudence, ni inattention de la part de ce chirurgien ; qu'ainsi, et alors, au surplus, que le rapport précité fait apparaître que la blessure de la rate, organe d'une extrême fragilité, constitue un risque inhérent à toute intervention dans la région splénique, la survenance d'une telle blessure ne saurait être imputée en l'espèce à une faute dans la réalisation de la tumorectomie ; que la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ne saurait donc être engagée à raison de la réalisation et des conséquences de la splénectomie, laquelle était impérative compte tenu de l'impossibilité de suturer la blessure ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la tumorectomie du 23 avril 2003, M. A a présenté une déglobulisation qui a entraîné, le 27 avril 2003, une deuxième intervention au cours de laquelle a été évacué un hématome refoulant le rein en avant sans, toutefois, qu'aucun saignement actif n'ait été décelé ; que, lors de l'intervention du 29 avril 2003, rendue nécessaire à la suite d'un nouveau choc hémorragique, le chirurgien a procédé à une néphrectomie totale du rein gauche alors que, selon le compte-rendu opératoire, il n'a relevé aucune hémorragie active au niveau rénal , l'origine splénique du saignement n'étant apparu qu'après exérèse du rein ; que le fait d'avoir réalisé une néphrectomie, sans avoir au préalable mené d'exploration minutieuse de la cavité abdominale et du rétro-péritoine qui aurait mis en évidence la plaie de la rate et, surtout, après qu'ait été constatée l'absence de lésion rénale, constitue une faute médicale ; que, pour s'exonérer de toute responsabilité à ce titre, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ne saurait soutenir que l'ablation du rein n'a pas entraîné de préjudice au motif que la pathologie initiale de M. A était de nature à justifier, à elle seule, une néphrectomie totale, dès lors qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est, du reste, pas contesté qu'à la date à laquelle cette opération a été pratiquée, la tumeur cancéreuse avait été traitée avec succès, de sorte que la néphrectomie ne correspondait plus à aucune indication médicale ; qu'il suit de là que M. A est fondé à demander la condamnation de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à l'indemniser des conséquences dommageables résultant de la perte du rein gauche ;

En ce qui concerne la responsabilité pour défaut d'information :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu'en l'espèce, s'il résulte de l'instruction que, préalablement à la tumorectomie du 23 avril 2003, M. A a été informé de ce que l'intervention, initialement prévue par technique coelioscopique, pourrait être convertie en intervention chirurgicale classique avec ouverture du flanc, il n'est pas contesté que le requérant n'a pas été informé du risque de blessure de la rate que comportait la tumorectomie ; que ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier à l'égard de M. A ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté, d'une part, que l'état de santé de M. A nécessitait de manière vitale une intervention visant à l'ablation de la tumeur et, d'autre part, qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique moins risquée que l'opération qui a été réalisée ; que, par suite, la faute commise par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. A, de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par conséquent, due à ce titre ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice patrimonial :

S'agissant de l'incidence professionnelle :

Considérant, en premier lieu, que M. A, qui soutient avoir été licencié le 31 décembre 2004 en raison de ses problèmes de santé, demande le versement de sommes correspondant à la différence entre son ancien salaire et, d'une part, les allocations chômage perçues pendant quatre mois, d'autre part, le salaire perçu de son nouvel employeur ; que, toutefois, et alors qu'il résulte de l'instruction que son licenciement est consécutif à la restructuration de son entreprise liée à une opération de fusion, l'intéressé dont, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise, l'état est consolidé depuis le 10 avril 2004, n'apporte aucun élément propre à justifier du motif allégué de son licenciement et ne peut donc prétendre à une indemnisation de ce chef ;

Considérant, en second lieu, que, si M. A fait valoir que ses fonctions de responsable qualité au sein de l'entreprise qui l'emploie le conduiront à se déplacer en Inde et qu'un avis médical défavorable à ce type de déplacement serait pénalisant pour son évolution de carrière, il résulte de l'instruction que le préjudice ainsi invoqué, outre qu'il présente un caractère éventuel, est lié à la splénectomie, laquelle n'est pas, ainsi qu'il a été dit, constitutive d'une faute du service hospitalier ; que ce préjudice ne saurait, dès lors, ouvrir droit à indemnité ;

S'agissant des frais d'assistance d'une tierce personne :

Considérant que si M. A soutient qu'il a présenté, pendant le mois qui a suivi sa sortie de l'hôpital Ambroise Paré, le 6 mai 2003, d'importantes douleurs et des difficultés de déplacement qui auraient rendu nécessaire, pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne, l'assistance d'une tierce personne, il ne résulte pas de l'instruction, alors, au surplus, que l'expert désigné par le Tribunal administratif de Versailles a retenu l'absence de besoin réel d'une tierce personne, que ces difficultés puissent être imputées à la néphrectomie ; que, par suite, l'intéressé n'est pas fondé à demander une indemnité au titre de l'assistance d'une tierce personne ;

En ce qui concerne le préjudice personnel :

Considérant, d'une part, que le rapport d'expertise a fixé à 10 % le taux de l'incapacité permanente partielle entraînée par la néphrectomie ; que, compte tenu de l'âge de M. A qui présente, même si elle est modérée, une insuffisance rénale des suites de cette opération, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de la victime liés à son déficit fonctionnel permanent en lui allouant de ce chef la somme de 10 000 euros ;

Considérant, d'autre part, que l'expert a évalué les souffrances physiques endurées par M. A à 4 sur une échelle de 7 et a qualifié le préjudice esthétique de faible ; qu'il sera accordé à l'intéressé une juste réparation de ces deux chefs de préjudice en lui accordant à ce titre la somme de 5 000 euros ;

Considérant, enfin, qu'en se bornant à soutenir, en termes généraux, que les séquelles conservées réduisent ses possibilités sportives ou de loisirs, M. A, qui ne conteste pas, ainsi que l'a relevé l'expert, qu'il ne pratiquait aucune activité particulière de sport ou de loisir, ne justifie pas du préjudice d'agrément allégué ; que ses conclusions présentées à ce titre doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. A demande que l'indemnité qui lui est allouée porte intérêts à compter du 5 décembre 2007 ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer à ladite date le point de départ des intérêts sur la somme totale de 15 000 euros allouée par le présent arrêt ; que les intérêts échus le 5 décembre 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander que l'indemnité qui lui a été accordée en première instance soit portée à la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts dans les conditions fixées ci-dessus ; qu'en revanche, les conclusions d'appel incident de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris sur le fondement de ces dispositions, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La somme que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à M. A par l'article 1er du jugement du 29 janvier 2008 du Tribunal administratif de Versailles est portée à 15 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2007. Les intérêts échus à la date du 5 décembre 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 0602892 en date du 29 janvier 2008 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera à M. DUFOUR DUFOUR la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A et les conclusions de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris sont rejetés.

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N°08VE1096 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE01096
Date de la décision : 02/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : WELSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-03-02;08ve01096 ?
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