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09/02/2010 | FRANCE | N°08VE01609

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 09 février 2010, 08VE01609


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrées les 2 juin 2008 et 7 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS, sis 2, rue du docteur Pierre Delafontaine, BP 279, à Saint-Denis Cedex (93205), représenté par son directeur, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) à titre principal :

- d'annuler le jugement n° 0511417 en date du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

l'a condamné à verser aux consorts A une somme totale de 27 000 euros as...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrées les 2 juin 2008 et 7 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS, sis 2, rue du docteur Pierre Delafontaine, BP 279, à Saint-Denis Cedex (93205), représenté par son directeur, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) à titre principal :

- d'annuler le jugement n° 0511417 en date du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser aux consorts A une somme totale de 27 000 euros assortis des intérêts au taux légal en réparation du préjudice subi par M. A et par eux à raison des dommages nés d'un retard fautif dans la prise en charge de M. A par le service des urgences ;

- de rejeter la demande présentée par les consorts A devant le tribunal administratif ;

2°) à titre subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation accordée aux ayants droit de M. A en réparation des souffrances physiques et morales de ce dernier ;

Il soutient, ainsi qu'il ressort du rapport médico-légal du 8 novembre 2004, que l'état de santé de M. A à son arrivée au service des urgences était tel qu'une prise en charge plus rapide n'aurait pas modifié le pronostic vital ; que le tribunal administratif ne pouvait donc allouer aux consorts A diverses indemnités au titre de leur préjudice moral, nécessairement lié au décès de l'intéressé, dès lors que ce décès ne peut être imputé au retard de prise en charge ; que l'indemnité de 10 000 euros accordée par les premiers juges à Mme A en sa qualité d'ayant droit de la victime et de représentant de ses trois enfants mineurs au titre du pretium doloris et du préjudice moral de M. A est excessive en ce qu'elle ne tient pas suffisamment compte des lourds antécédents de ce dernier ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2010 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Preschez, pour les consorts A ;

Considérant que, le 24 décembre 2003, alors qu'il se trouvait à son domicile, M. Jude A, âgé de 39 ans, a été pris d'un malaise et s'est plaint de douleurs à la poitrine ; qu'accompagné d'un ami, il s'est rendu à la clinique des Presles à Epinay-sur-Seine, laquelle l'a orienté vers le Centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis, où il a été admis au service des urgences à 22h47 ; qu'il a été examiné par un médecin au matin du 25 décembre à 01h45 ; qu'inconscient à l'arrivée du réanimateur à 02h20, M. A est décédé à 03h05 d'un infarctus sévère de la paroi ventriculaire gauche ;

Sur la faute :

Considérant qu'il est constant que, dès son arrivée au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS, M. A a signalé qu'il ressentait de fortes douleurs à la poitrine, du côté gauche, ainsi que des difficultés respiratoires ; que l'intéressé, à qui il a été demandé de patienter, a, faute d'intervention d'un médecin ou même d'un membre de l'équipe soignante, sollicité à une dizaine de reprises le personnel de l'accueil en signalant la persistance de ces douleurs qui d'ailleurs l'ont contraint à se coucher sur les sièges de la salle d'attente ; que, toutefois, malgré ces demandes répétées et en dépit des signes de détresse respiratoire présentées par l'intéressé, ce n'est que trois heures après son arrivée à l'hôpital qu'il a été examiné par un médecin ; qu'il n'est pas allégué que ce délai aurait été lié à un quelconque encombrement du service des urgences dont il n'est pas contesté qu'il n'avait ce soir là enregistré que trois patients avant l'arrivée de M. A ; que, dans ces circonstances et alors que la situation de souffrance de l'intéressé était aisément décelable, les conditions de sa prise en charge médicale sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les souffrances endurées par M. A jusqu'à son décès :

Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier du rapport d'autopsie du professeur Lecomte du 8 novembre 2004, dont les conclusions ne sont pas sérieusement discutées, que le décès de M. Jude A est la conséquence d'un arrêt cardio-respiratoire lié à un important infarctus myocardique de la face postérieure du ventricule gauche ; que les lésions myocardiques et coronariennes, très anciennes et évolutives, étaient telles qu'une prise en charge plus rapide pour limiter la nécrose myocardique n'aurait pas modifié le pronostic vital qui se trouvait engagé de manière irréversible à l'arrivée de l'intéressé au service des urgences de l'hôpital ;

Considérant, toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, qu'outre la souffrance morale qu'elle a entraînée, la faute du centre hospitalier, qui a laissé sans soins M. A pendant trois heures, a aggravé les souffrances physiques endurées par l'intéressé avant son décès ; que, néanmoins, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de l'état initial de la victime et de ses lourds antécédents, une prise en charge plus rapide dans la nuit du 24 au 25 décembre 2003 lui aurait épargné toute souffrance, le tribunal a fait une évaluation excessive du pretium doloris et du préjudice moral de M. Jude A en allouant à ses ayants droit une indemnité de 10 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en ramenant cette somme à 5 000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice moral des consorts A :

Considérant que, si le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS ne peut être tenu pour responsable des conditions d'inhumation de M. Jude A, l'épouse, les trois enfants, les parents et les frères et soeurs de l'intéressé sont fondés à prétendre à l'indemnisation de la douleur morale ressentis par eux à raison des circonstances sus-décrites de la prise en charge de l'intéressé ; que le tribunal a justement apprécié ce préjudice en condamnant le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS à verser une somme de 2 500 euros à son épouse et à chacun de ses enfants mineurs et une somme de 1 000 euros à chacun de ses parents et de ses frères et soeurs ;

Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre./ Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après./ Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée./ Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) ; que les souffrances physiques et morales sont au nombre des préjudices personnels, sur lesquels les organismes de sécurité sociale ne peuvent exercer leurs recours que s'il établissent avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice ;

Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis fait valoir qu'elle a versé une somme de 6 518,70 sous forme de capital-décès aux ayants droit de M. Jude A ; que, toutefois, dès lors cette prestation n'a pas pour objet d'indemniser les souffrances physiques et morales de la victime, le recours subrogatoire de la Caisse primaire d'assurance maladie ne saurait s'exercer sur l'indemnité destinée à réparer ces postes de préjudice ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent les consorts A et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'indemnité que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS a été condamnée à verser aux ayants-droit de M. A au titre du préjudice subi par ce dernier, est ramenée à 5 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 0511417 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS et les conclusions et demandes des consorts A et de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis sont rejetées.

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N° 08VE01609 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE01609
Date de la décision : 09/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-02-09;08ve01609 ?
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