Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle M. Jean-Claude A, demeurant ..., par Me Choisez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504254 en date du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a, d'une part, annulé la décision du 30 novembre 2004 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser la société Aon Conseil et Courtage à le licencier pour faute et, d'autre part, accordé l'autorisation de licenciement demandée ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que, ainsi qu'il ressort de mentions manuscrites portées sur le recours hiérarchiques, elle n'a pas été rendu au terme d'une procédure impartiale ; que cette décision est insuffisamment motivée ; que la mesure de licenciement litigieuse n'est pas dépourvue de lien avec son mandat de conseiller prud'homme ainsi qu'en atteste l'existence de nombreuses procédures l'opposant à son employeur ; que le tribunal administratif ne pouvait, sans méconnaître l'autorité qui s'attache à l'ordonnance de non-lieu rendue le 2 mars 2007 dans le cadre de la plainte pour faux déposée par son employeur, retenir la matérialité des faits qui lui sont reprochés ; que ces faits, qui n'ont pas entraîné de condamnation pénale et qui ne constituent pas un manquement à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ont été amnistiés par la loi du 6 août 2002 ; qu'ayant donné lieu à une mise à pied disciplinaire, ils ne pouvaient servir de fondement au licenciement entrepris qui constitue ainsi une double sanction ; qu'à la date de l'engagement des poursuites disciplinaires, lesdits faits étaient prescrits par application des dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail ; que le ministre, lié par les termes de la demande d'autorisation de licenciement, ne pouvait que constater l'absence de faute lourde sans requalifier les griefs formulés dans cette demande ; qu'il n'est pas établi qu'il soit l'auteur du prétendu faux qui a été produit devant la Cour d'appel de Paris ; qu'il n'est pas plus établi qu'il ait eu une intention de nuire à son employeur ni que les faits litigieux, intervenus dans le cadre d'un litige privé aient porté atteinte aux intérêts de l'employeur de sorte qu'aucune faute lourde ne peut être retenue à son encontre ; que l'administration disposait du pouvoir de refuser l'autorisation sollicitée pour des motifs d'intérêt général ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2009 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,
- et les observations de Me Choisez pour M. A et de Me Lyon-Caen pour la société Aon Conseil et Courtage ;
Considérant que M. A, qui occupait un poste de directeur de clientèle au sein de la société Aon Conseil et Courtage, courtier en assurances, et était investi du mandat de conseiller prud'homme, relève appel du jugement du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a, d'une part, annulé la décision du 30 novembre 2004 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son employeur à le licencier pour faute et, d'autre part, accordé l'autorisation de licenciement demandée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 514-2 et L. 412-18 du code du travail, alors applicables, le licenciement des salariés investis des fonctions de conseiller prud'homme ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions prud'homales exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que, par la décision précitée du 10 mai 2005, le ministre a relevé que M. A avait produit le 19 mai 2004 dans le cadre d'un litige privé l'opposant au syndicat des copropriétaires de son immeuble une lettre en date du 10 juin 2000 établie par un auteur non identifié sur un papier à en-tête de la société Aon Conseil et Courtage qui, n'ayant été mis en circulation que postérieurement à cette date, ne pouvait émaner des services de la société et dont la production a été qualifiée par un arrêt du 21 octobre 2004 de la Cour d'appel de Paris comme une tentative d'escroquerie au jugement ; qu'il a estimé que le fait de se prévaloir d'un tel document pour asseoir ses prétentions dans un différend d'ordre privé, quand bien même qu'il n'est pas établi qu'il en soit l'auteur, caractérisait une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé ;
Considérant, toutefois, que le document litigieux se présente comme une simple réponse à une demande de renseignements et se borne à recommander, en vue de la souscription d'une assurance multirisques, l'installation d'un digicode ainsi que d'une clôture de la propriété de M. A avec fermeture par porte ; que ces prescriptions ne différent pas de celles habituellement imposées par les compagnies d'assurances ainsi qu'il ressort notamment d'un courrier adressé le 19 novembre 2002 à l'intéressé par la société Uni-Courtage, sollicitée pour une étude d'assurance, qui préconise l'installation de volets roulants ou de barreaux aux fenêtres , le blindage des portes d'accès et un digicode d'accès de l'immeuble sur rue ou jardin ; qu'ainsi que le soutient M. A, il ne ressort ni de la décision attaquée ni des pièces du dossier que le document en cause ait causé un quelconque préjudice à son employeur ou ait eu des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise ; que, si, en défense, la société Aon Conseil et Courtage fait valoir que les actes de M. A engagent son image de marque, elle n'allègue pas que la lettre susmentionnée comportait des indications fallacieuses ou de nature à engager sa responsabilité et ne précise pas en quoi, eu égard notamment à son contenu, la production de cette lettre dans un litige purement privé auquel elle n'était pas partie, aurait, comme elle le prétend, porté atteinte à sa réputation ; que, par ailleurs, il n'est pas allégué que M. A, qui a été recruté en 1987 par la société SGAP et dont le contrat de travail, après avoir été transféré à la société SEEC, a été transféré à la société Aon Conseil et Courtage le 1er juillet 2000 ait jamais fait l'objet de quelconques reproches quant à son comportement professionnel ; qu'ainsi, à supposer même que la lettre litigieuse ait été rédigée sinon par lui, du moins pour son compte, et, en toute hypothèse, à l'insu de son employeur et nonobstant la fonction occupée par l'intéressé, les faits ainsi reprochés à M. A ne peuvent être regardés, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme revêtant une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, dès lors, le ministre ne pouvait légalement, pour ce motif, délivrer l'autorisation sollicitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale du 10 mai 2005 ;
Sur les conclusions tendant l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Aon Conseil et Courtage au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 0504254 du Tribunal administratif de Versailles en date du 20 décembre 2007 et la décision du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale du 10 mai 2005 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Aon Conseil et Courtage sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 08VE00877 2