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17/11/2009 | FRANCE | N°08VE01704

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 novembre 2009, 08VE01704


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2008 en télécopie et le 19 juin 2008 en original au greffe de la Cour administrative d'appel, présentée pour M. Didier A, demeurant ..., par la SCP Beulque-Chelle ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605324 du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision de l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'Essonne du 5 septembre 2005 autorisant la société Buffalo Grill à le licencier pour faute et, d'autre part, de la décision

du 6 mars 2006 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion s...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2008 en télécopie et le 19 juin 2008 en original au greffe de la Cour administrative d'appel, présentée pour M. Didier A, demeurant ..., par la SCP Beulque-Chelle ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605324 du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision de l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'Essonne du 5 septembre 2005 autorisant la société Buffalo Grill à le licencier pour faute et, d'autre part, de la décision du 6 mars 2006 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale rejetant son recours hiérarchique dirigé contre cette décision et confirmant l'autorisation de le licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'Essonne était incompétent pour se prononcer sur la demande de licenciement présenté par son employeur dès lors qu'il exécutait son contrat de travail au sein de l'établissement de Roncques (59), lequel, disposant d'une autonomie de gestion et d'organes représentatifs du personnel et ayant d'ailleurs abrité les étapes importantes de la procédure de licenciement, constitue un établissement distinct au sens des articles L. 425-1, L. 436-1, R. 412-5 et R. 436-3 du code du travail ; que, convoqué devant le comité d'entreprise à peine plus de 24 heures après l'entretien préalable de licenciement, il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour préparer sa défense ; que la décision de l'inspecteur du travail, à qui il appartient en vertu de la circulaire DRT n° 93/23 du 4 octobre 1993, de vérifier le respect des règles de consultation du comité d'entreprise, ne fait apparaître aucune mention relative au respect par l'employeur du principe des droits de la défense ; qu'à aucun moment de la procédure, il n'a eu accès aux documents relatant les faits qui lui étaient reprochés de sorte qu'il n'a pu avoir précisément connaissance de ces faits ; que l'inspecteur du travail, qui n'a pas auditionné les salariées et anciennes salariées de l'établissement, n'a pas mené son enquête de manière objective et contradictoire ; que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ; qu'alors qu'il n'a jamais reçu la moindre sanction en huit ans d'exercice, les seules allégations péremptoires de quelques salariés, qu'il a toujours niées, ne suffisent pas à établir la réalité des faits de harcèlement qui lui sont imputés ; qu'eu égard au caractère soudain de l'apparition des griefs relevés à son encontre et dont la qualification a évolué de harcèlement moral en harcèlement sexuel, la mesure de licenciement entreprise est, sans nul doute, liée à son mandat de délégué du personnel ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2009 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Chelle, substituant Me Beulque, pour M. A ;

Considérant que M. A relève appel du jugement du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision de l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'Essonne du 5 septembre 2005 autorisant la société Buffalo Grill à le licencier pour faute et, d'autre part, de la décision du 6 mars 2006 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale rejetant son recours hiérarchique dirigé contre cette décision et autorisant son licenciement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par l'intéressé, a expressément répondu au moyen tiré de ce que, dans le cadre de son enquête, l'inspecteur aurait méconnu le principe du contradictoire ; que le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'omission à statuer de ce chef ;

Sur la légalité des décisions contestées :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code du travail, alors en vigueur, applicable aux délégués du personnel : (...) Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement (...) ; qu'aux termes de l'article R. 436-3 du même code : La demande d'autorisation de licenciement est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement où est employé l'intéressé (...) ; que, pour l'application de ces dispositions, l'inspecteur du travail compétent est celui dans le ressort duquel est situé le siège de l'entreprise ou celui de l'établissement au titre duquel l'employeur demande l'autorisation de licencier un salarié ;

Considérant que M. A, salarié de la SA Buffalo Grill, dont le siège social est situé à Aurainville (91), et investi du mandat de délégué du personnel suppléant, exécutait son contrat de travail au sein du restaurant exploité par la société dans la commune de Roncques (59) ; que si l'intéressé fait valoir que le directeur de ce restaurant jouissait d'une autonomie de gestion, il n'est toutefois pas contesté que, s'agissant des relations sociales, celle-ci était circonscrite à l'embauche du personnel et ne s'étendait notamment pas aux mesures disciplinaires ; que, d'ailleurs, il est constant que les convocations de l'intéressé à l'entretien préalable de licenciement et devant le comité d'entreprise, la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail, la lettre de licenciement ainsi, en outre, que tous les autres courriers échangés au cours de la procédure, ont été signés soit par le directeur des ressources humaines soit par le directeur régional dont relevait M. A, tous deux installés au siège social de l'entreprise, où a ainsi été élaboré et décidé le licenciement en cause ; que, dans ces conditions, et nonobstant la présence de délégués du personnel, le site de Roncques ne peut être regardé comme disposant d'une autonomie suffisante de nature à lui conférer le caractère d'établissement au sens et pour l'application des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-3 du code du travail précitées ; qu'est sans incidence à cet égard, la circonstance que, pour des raisons de pure commodité, l'entretien préalable au licenciement ainsi que la réunion du comité d'entreprise appelé à se prononcer sur cette mesure se soient tenus à Roncq ; que, par suite, l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'Essonne, dont relève le siège social de la SA Buffalo Grill, était territorialement compétent pour statuer sur la demande présentée par la société ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 122-14 du code du travail, alors applicable : L'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. (...) / Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié (...) ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'en dépit de demandes en ce sens, il n'a pas reçu communication des témoignages des salariés se trouvant à l'origine des poursuites disciplinaires engagées à son encontre, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien préalable du 2 août 2005, son employeur, qui n'était tenu par aucune disposition législative ou réglementaire de lui remettre les documents en cause, a fait état, de manière précise et circonstanciée, des gestes, attitudes et paroles déplacés de l'intéressé envers plusieurs salariées de la société de sorte qu'il a été suffisamment informé des faits de harcèlement physique et moral qui lui étaient reprochés et a ainsi été mis en mesure de présenter utilement ses observations sur les motifs de la décision envisagée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code du travail, alors en vigueur : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) ;

Considérant que, si le comité d'entreprise convoqué en application des dispositions précitées s'est réuni le 3 août 2005 à 15 H 00, soit seulement un peu plus de vingt-quatre heures après l'entretien préalable, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, ce délai aurait été insuffisant pour permettre à M. A pour préparer son audition devant ce comité, dès lors que l'intéressé -qui a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire le 22 juillet 2005- ne saurait sérieusement soutenir qu'il n'avait pas eu précédemment connaissance des motifs du licenciement projeté, lesquels lui ont été précisément rappelés lors de l'entretien préalable ; que, par ailleurs, M. A ne saurait, en tout état de cause, invoquer utilement les recommandations relatives aux modalités de convocation du comité d'entreprise contenues dans la circulaire du ministre chargé du travail n° 93/23 du 4 octobre 1993, lesquelles sont dépourvues de caractère réglementaire ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail, dont la décision vise notamment l'entretien préalable et la délibération du comité d'entreprise et qui n'était pas tenu de préciser en quoi l'employeur n'avait pas méconnu les droits de la défense, n'aurait pas, d'une manière générale, procédé au contrôle de la régularité de la procédure préalable à la demande d'autorisation ;

Considérant, en cinquième lieu, que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné de façon suffisamment circonstanciée pour lui permettre d'assurer utilement sa défense, notamment en lui communiquant l'identité des personnes faisant état, dans leur témoignage ou attestation, d'agissements qui seraient imputables au salarié protégé et dont elles auraient été directement et personnellement victimes ;

Considérant que si M. A se plaint de ce que l'inspecteur du travail ne lui a pas communiqué les lettres des salariées l'accusant de harcèlement, il n'est toutefois pas sérieusement pas contesté que, lors de l'enquête contradictoire, l'intéressé a eu connaissance de la teneur de ces lettres et, ainsi, a été informé de façon suffisamment circonstanciée des faits de harcèlement physique et moral qui lui étaient reprochés ainsi que de l'identité des personnes s'en estimant victimes avec lesquelles une confrontation a d'ailleurs été organisée ; qu'ainsi, l'inspecteur du travail, qui, par ailleurs, n'était pas tenu d'auditionner l'ensemble des salariées ou anciennes salariées du restaurant, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de l'enquête prévue à l'article R. 436-4 du code du travail ;

Considérant, en sixième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettres en date du 21 juillet 2005, des accusations précises et circonstanciées concernant des attitudes et propos indécents, dont certains à connotation sexuelle ont été portées à l'encontre de M. A par Mlles Caron, B et C, toutes trois serveuses du restaurant de Roncq, dont l'intéressé était assistant manager ; que ces déclarations ont été confirmées par les plaignantes lors de l'enquête conduite par l'inspecteur du travail et corroborées par des témoignages concordants de MM. D et E, salariés du restaurant, ce dernier étant en outre délégué du personnel ; que les attestations de moralité émanant d'anciennes salariées qui n'étaient plus en fonction dans l'entreprise en juin et juillet 2005, date des principaux faits ayant motivé les plaintes dirigées contre M. A, ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité des faits litigieux ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées reposeraient sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant, d'autre part que, si M. A fait valoir que les plaintes le concernant ont toutes été révélées le même jour alors qu'en huit ans d'ancienneté il n'a jamais fait l'objet d'un quelconque grief, cette circonstance n'est pas, en elle-même, de nature à révéler l'existence d'un lien entre la mesure de licenciement litigieuse et les fonctions représentatives exercées par l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Buffalo Grill, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, en application desdites dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la SA Buffalo Grill d'une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera à la SA Buffalo Grill une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la SA Buffalo Grill sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 08VE01704 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE01704
Date de la décision : 17/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : BEULQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-11-17;08ve01704 ?
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