Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2007, présentée pour la société AUBERT ET DUVAL, dont le siège social est sis 33, avenue du Maine à Paris (75755), par Me Lapalus ; la société AUBERT ET DUVAL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504213 du 4 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 2 mars 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a autorisé le licenciement pour motif économique de M. Maurice X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Maurice X devant le Tribunal administratif de Versailles ;
3°) de mettre à la charge de M. Maurice X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, que le ministre n'a commis aucune erreur dans l'appréciation du motif économique et du périmètre au sein duquel ce motif devait être examiné ; que, d'une part, dans le cas d'un groupe, la réalité du motif économique doit être appréciée au niveau du seul secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; qu'en l'espèce, les branches manganèse et nickel du groupe Eramet, auquel l'exposante appartient, ont une activité d'extraction minière sans point commun avec la branche alliage ; que si la branche alliage comporte, outre la société exposante, la société Erasteel, celle-ci intervient sur le marché des aciers rapides constitués par des outils de coupe, d'outillage et de pièces d'usure, ce qui constitue un secteur différent de celui de l'exposante qui intervient sur le marché de l'aéronautique, de l'énergie, l'automobile et la défense ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le ministre a limité le cadre de l'appréciation des difficultés économiques au périmètre de la société exposante ; que, d'autre part, la réalité des difficultés économiques, tant structurelles que conjoncturelles, est établie compte tenu des déficits des exercices 2003 et 2004 ; qu'au demeurant, la branche alliage dans son ensemble, et notamment la société Erasteel, rencontrait de telles difficultés ; qu'il est, enfin, non contesté que le poste de M. X a été supprimé ; en deuxième lieu, que l'exposante a satisfait à son obligation de reclassement ; que le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi a été reconnu par le Tribunal de Grande instance de Paris par un jugement du 23 septembre 2004 ; que le salarié s'est vu remettre la liste des postes à pouvoir au niveau de l'entreprise et du groupe ; qu'il a décliné les trois offres de reclassement qui lui ont été proposées ; qu'il n'y a pas eu de postes réservés mais des postes proposés aux salariés ayant les compétences requises pour les occuper ; en troisième lieu, que la procédure de licenciement est sans lien avec les mandats du salarié ; que les critères et l'ordre des licenciements ont été respectés ; que, comme l'a jugé le Tribunal de Grande instance de Paris, la procédure a été régulière ; enfin, que l'inspecteur du travail n'avait pas à mentionner qu'il ne retenait pas un motif d'intérêt général pour refuser le licenciement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2009 :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public ;
Considérant que la société AUBERT ET DUVAL fait appel du jugement du 4 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 2 mars 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement l'autorisant à licencier pour motif économique M. Maurice X, qui exerçait les fonctions de technicien de maintenance au bureau d'études de l'établissement de Gennevilliers, et était investi des fonctions de délégué du personnel, de membre du comité d'établissement, de membre du comité central d'entreprise et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 236-11, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, alors en vigueur, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et du mandat de membre du comité d'entreprise ou de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation économique de l'entreprise justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant que, pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue d'apprécier les difficultés économiques de cette dernière au regard des sociétés du groupe auquel elle appartient, et qui oeuvrent dans le même secteur d'activité qu'elle ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la société AUBERT ET DUVAL, qui élabore, transforme et commercialise des aciers alliés, alliages et superalliages de haute qualité, appartient au groupe Eramet, dont elle constitue, avec la société Erasteel, spécialisée dans les aciers à coupe rapide, dits aciers rapides , la branche alliages ; que, dans ces conditions, nonobstant leurs spécialisations respectives au sein de ladite branche, ces deux sociétés doivent être regardées comme oeuvrant dans le même secteur d'activité ; qu'il ressort de l'examen de la décision du 2 mars 2005, et n'est pas contesté par l'administration, que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'a pas, comme il y était tenu, fait porter son examen sur l'ensemble de la situation économique de la branche alliage du groupe Eramet mais s'est borné à prendre en considération la seule situation de l'entreprise requérante ; qu'il a, dès lors, entaché sa décision d'erreur de droit ;
Considérant, d'autre part, que l'administration n'ayant pas sollicité du juge de l'excès de pouvoir une substitution de motif, la société AUBERT ET DUVAL ne peut utilement se prévaloir de ce que la situation économique de la branche alliage du groupe Eramet aurait justifié le licenciement du salarié ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AUBERT ET DUVAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 2 mars 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société AUBERT ET DUVAL, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 2 000 euros que demande M. Maurice X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AUBERT ET DUVAL est rejetée.
Article 2 : La société AUBERT ET DUVAL versera à M. Maurice X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 07VE03020 2