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28/05/2009 | FRANCE | N°07VE02301

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 28 mai 2009, 07VE02301


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT D'ARNY-BRUYERES (SADAB), dont le siège social est situé Domaine d'Arny, à Bruyères-le-Châtel (91680), par Me Saint-Avit ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303356 en date du 11 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bruyères-le-Châtel à lui verser les indemnités dues en réparation du préjudice subi du fait du

refus illégal du conseil municipal de modifier le plan d'aménagement de zo...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT D'ARNY-BRUYERES (SADAB), dont le siège social est situé Domaine d'Arny, à Bruyères-le-Châtel (91680), par Me Saint-Avit ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303356 en date du 11 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bruyères-le-Châtel à lui verser les indemnités dues en réparation du préjudice subi du fait du refus illégal du conseil municipal de modifier le plan d'aménagement de zone, du refus de signer un avenant à cette convention d'aménagement et de l'impossibilité de réaliser son projet immobilier ;

2°) de condamner la commune de Bruyères-le-Châtel à lui verser les sommes de 1 065 196 euros au titre du préjudice déjà subi, de 15 948 euros par mois au titre du préjudice à venir et de 463 361 euros au titre de la perte résultant de la renonciation à des engagements à construire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bruyères-le-Châtel le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que :

- elle est recevable à demander la condamnation de la commune de Bruyères-le-Châtel à raison de la faute commise par cette dernière en raison du blocage de l'opération d'aménagement de la zone d'Arny-Bruyères ;

- elle est fondée à demander réparation du préjudice subi du fait des décisions fautives de la commune intervenues antérieurement au dépôt de sa demande initiale présentée devant le Tribunal administratif de Versailles ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les articles 3 et 13 de la convention d'aménagement du 30 mai 2000 étaient frappés de nullité au motif qu'elle liait la collectivité dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ;

- c'est également à tort que la commune a refusé de prendre un avenant afin de rendre le projet de la SADAB compatible avec les règles d'urbanisme ;

- la commune devait modifier le plan d'aménagement de zone pour le rendre compatible avec les nouvelles règles issues de la loi solidarité et renouvellement urbain ;

- l'illégalité entachant la convention en cause constitue une faute engageant la responsabilité de la commune ; il en va de même du refus d'approuver la modification du plan d'aménagement de zone qui lui était soumise ;

- la commune a engagé sa responsabilité contractuelle, ainsi que l'a reconnu la Cour dans son arrêt du 15 septembre 2005 ;

- la SADAB a, au demeurant, respecté les objectifs qui lui avaient été fixés par la commune lors de la conclusion de la convention ;

- contrairement à ce qu'a soutenu la commune, le projet qu'elle a présenté n'était pas contraire à l'intérêt général et elle a toujours respecté les obligations lui incombant ;

- aucune dérive concernant ses liens avec l'association Arc en Ciel ou avec le mouvement des focolari ne peut lui être reprochée ;

- c'est donc à tort que la commune s'est fondée sur l'avis défavorable du commissaire enquêteur pour refuser son projet ;

- de même, c'est à tort que la commune s'est refusée à engager des discussions pour discuter d'un avenant ;

- la commune a méconnu l'article 2.3 de la convention d'aménagement en refusant de signer le cahier des charges de cession de terrain ;

- elle a également méconnu ses obligations en refusant de signer les permis de construire des acquéreurs potentiels de terrains ;

- elle est donc en droit d'être indemnisée de l'ensemble des frais engagés après la signature de la convention ainsi que du manque à gagner qu'elle a subi, dès lors que celui-ci n'a pas un caractère éventuel ;

- la commune ne peut lui imputer aucune faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; en effet, contrairement à ce qu'a soutenu la commune, elle n'a commis aucune manoeuvre de nature à induire en erreur cette dernière sur la portée de son projet ;

- le préjudice économique qu'elle a subi doit être évalué à la somme de 1 065 196 euros correspondant à une perte financière de 668 000 euros, en raison de la difficulté de commercialiser les parcelles de 1 000 m² ne permettant pas l'utilisation en totalité des droits à construire, de 1961 087 euros s'agissant des intérêts sur investissement, de 38 634 euros concernant les frais de fonctionnement et de 196 875 euros s'agissant de la rémunération des gérants ;

- ce préjudice s'accroît d'une somme mensuelle de 15 948 euros décomptée après le mois de juillet 2003 ;

- elle subit également un préjudice évalué à une somme de 463 361 euros en raison de l'impossibilité de respecter les engagements à construire qu'elle a pris elle-même ou par l'intermédiaire de son vendeur, la société AFFIMO ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2009 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,

- et les observations de Me Saint-Avit, pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT D'ARNY-BRUYERES, et de Me Le Baut, pour la commune de Bruyères-le-Châtel ;

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée à la Cour le 19 mai 2009 pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT D'ARNY-BRUYERES ;

Considérant que, par deux délibérations en date du 3 juillet 1991, le conseil municipal de la commune de Bruyères-le-Châtel (Essonne) a décidé la création d'une zone d'aménagement concerté dénommée ZAC du domaine d'Arny et a approuvé le plan d'aménagement de zone correspondant ; que, par une convention signée le 30 mai 2000, la commune a confié à la SOCIETE D'AMENAGEMENT D'ARNY-BRUYERES (SADAB) une mission d'une durée de 20 ans concernant l'aménagement et l'équipement de cette zone d'aménagement concerté ; qu'il était ainsi prévu la réalisation de 14 900 m² de locaux destinés aux activités et services , dont 5 000 m² au titre d'un centre de rencontre , et de 10 100 m² de logements, dont 1 000 m² de logements sociaux ; que, par l'article 3 de la convention en cause, la commune s'engageait à mettre en oeuvre une procédure de modification du plan d'aménagement de zone au vu des propositions faites par l'aménageur ; que l'article 13 de la même convention stipulait qu'en l'absence d'approbation, par la commune, des modifications proposées par l'aménageur, il serait conclu un avenant permettant soit de proroger le délai ouvert pour la modification du plan d'aménagement de zone, soit de modifier le projet de l'aménageur afin de le rendre compatible avec le plan en vigueur à la date de la signature de la convention ; que la société SADAB relève appel du jugement en date du 11 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bruyères-le-Châtel à l'indemniser du préjudice subi du fait du refus du conseil municipal de modifier le plan d'aménagement de zone et de conclure l'avenant prévu par l'article 13 précité ;

Sur la recevabilité :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ; que la société SADAB a présenté, dans le délai de recours, une requête qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire introductif de première instance mais énonce les critiques adressées au jugement attaqué et, par suite, répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 précité ; qu'en conséquence, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Bruyères-le-Châtel doit être rejetée ;

Considérant, d'autre part, que la commune de Bruyères-le-Châtel fait valoir que les conclusions de la société SADAB tendant à ce que soit indemnisé le préjudice résultant de la décision du maire de la commune de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire présentée par l'association Arc en Ciel sont irrecevables dès lors qu'il n'appartient qu'à cette dernière de mettre en cause la responsabilité de la commune en raison de l'irrégularité de cette décision ; que, toutefois, la société SADAB est toujours en droit de demander, en tant qu'aménageur, à être indemnisée du préjudice résultant de l'intervention d'une décision illégale ayant abouti à l'annulation d'une transaction, pour autant que l'existence et le caractère direct et certain d'un tel préjudice soit établi ; que, par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation présentées en ce sens sont recevables ;

Sur la responsabilité :

S'agissant de la régularité de la convention conclue le 30 mai 2000 :

Considérant que, pour rejeter les conclusions de la société SADAB tendant à ce que soit mise en jeu la responsabilité contractuelle de la commune à raison de l'inexécution de la convention précitée du 30 mai 2000, le Tribunal administratif de Versailles a déclaré ladite convention entachée de nullité au motif que ses articles 3 et 13 auraient pour effet, en contraignant la commune à modifier les dispositions du règlement du plan d'aménagement de zone, de lier cette collectivité dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que, toutefois, il ressort de la lecture des stipulations en cause, d'une part, que la commune s'est seulement engagée, par l'article 3 contesté, à examiner les propositions faites par la société SADAB au titre des modifications du plan d'aménagement de zone souhaitées par cette dernière et, d'autre part, que l'article 13 de la même convention prévoyait qu'en cas de refus de la commune d'accepter les modifications proposées par la société SADAB, cette dernière s'engageait à respecter les dispositions existantes du plan d'aménagement de zone sous réserve d'adaptation du projet d'aménagement ; qu'ainsi, en estimant que ces stipulations avaient pour effet de lier la commune dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, les premiers juges ont dénaturé le sens desdites stipulations ; que, par suite, la société SADAB est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à ce soit mise en jeu la responsabilité contractuelle de la commune de Bruyères-le-Châtel ;

S'agissant de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la commune :

Considérant que, si, ainsi qu'il vient de l'être précisé, la commune pouvait, conformément aux articles 3 et 13 de la convention susmentionnée du 30 mai 2000, refuser d'adopter les propositions de modification du plan d'aménagement de zone présentées par l'aménageur, elle était tenue, en revanche, en application des mêmes dispositions, de conclure, dans le délai d'un an fixé audit article 13, un avenant permettant d'adapter le projet de l'aménageur afin de le rendre compatible avec les dispositions du plan d'aménagement de zone demeuré en vigueur ; qu'en refusant, sans aucune justification, de conclure ledit avenant, la commune de Bruyères-le-Châtel a commis une faute dans l'exécution de la convention du 30 mai 2000 dont la société SADAB est fondée à demander réparation ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que le refus injustifié de procéder à la modification du plan d'aménagement de zone et de donner suite à sa proposition de suppression de la règle fixant à 1 000 m² la superficie minimale des parcelles constructibles a été à l'origine d'un manque à gagner qu'elle évalue à 668 000 euros ; que, toutefois, et ainsi qu'il l'a été précisé ci-dessus, aucune stipulation de la convention précitée du 30 mai 2000 ne faisait obligation à la commune de procéder à la modification du plan d'aménagement de zone ; que, par ailleurs, l'article 13 de cette même convention prévoyait expressément que l'opération d'aménagement pouvait être menée en dépit du maintien des règles initiales du même plan ; qu'ainsi, la société requérante avait accepté de conduire cette opération y compris dans l'éventualité du maintien de la règle fixant une superficie minimale de 1 000 m² pour les parcelles constructibles ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir d'un préjudice résultant de l'impossibilité de commercialiser des parcelles de taille plus réduite ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si la société requérante soutient que le retard injustifié de la commune a été à l'origine d'un préjudice résultant de l'absence d'utilisation des droits à construire et de l'immobilisation improductive du terrain qu'elle a acquis au mois de juin 2000, les éléments qu'elle fournit à l'appui de son argumentation ne permettent à la Cour ni d'apprécier l'existence d'un préjudice, ni, à tout le moins, de l'évaluer ;

Considérant, en troisième lieu, que, si la société requérante fait valoir que le refus de la commune d'exécuter ses engagements contractuels a été à l'origine de frais supplémentaires de fonctionnement et a conduit à un résultat négatif de son activité au titre de l'exercice 2002, le seul document non certifié qu'elle fournit, qui n'est accompagné d'aucun justificatif des dépenses supposées engagées, n'est pas de nature à établir la réalité du préjudice allégué ;

Considérant, en quatrième lieu, que, si la société requérante soutient qu'elle serait dans l'obligation d'assurer la rémunération de ses dirigeants en dépit de l'impossibilité d'effectuer les opérations prévues par la convention, il ressort des pièces du dossier qu'elle a décidé, par une décision propre de gestion, de ne pas rémunérer ses dirigeants et n'a donc subi, à ce titre, aucun préjudice ; que, par ailleurs, à supposer que les dirigeants de la société puissent, par la suite, percevoir une rémunération à titre rétroactif, le préjudice allégué à cet égard n'a qu'un caractère éventuel ;

Considérant, en cinquième lieu, que, pour les mêmes raisons que celles-ci-dessus évoquées, la société requérante n'est pas fondée à demander à être indemnisée des préjudices de même nature dont elle se prévaut au titre de la période postérieure au dépôt de sa demande préalable d'indemnisation ;

Considérant, enfin, que la société requérante fait valoir qu'elle a dû acquitter, en raison du refus de la commune de donner suite à sa demande de conclusion d'un avenant, un rappel d'imposition résultant de la décision de l'administration fiscale de lui retirer le bénéfice du régime d'exonération des droits d'enregistrement lié à un engagement à construire ; que, toutefois, elle ne produit, à l'appui de son argumentation, aucun justificatif concernant le paiement effectif du rappel en question ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice allégué par la société SADAB n'est pas établi ; qu'il y a lieu, pour ce motif, de rejeter sa demande de condamnation de la commune de Bruyères-le-Châtel à raison de la faute contractuelle commise par cette dernière ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement critiqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bruyères-le-Châtel, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société SADAB de la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SADAB le versement à la commune de Bruyères-le-Châtel de la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE D'AMENAGEMENT D'ARNY-BRUYERES est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bruyères-le-Châtel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 07VE02301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE02301
Date de la décision : 28/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme GRAND d'ESNON
Avocat(s) : LE BAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-05-28;07ve02301 ?
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