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03/03/2009 | FRANCE | N°08VE01111

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 mars 2009, 08VE01111


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2008, présentée pour la COMMUNE DE VERSAILLES, représentée par son maire, par Me Phelip ; la COMMUNE DE VERSAILLES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0610054-0611074 en date du 1er février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 195 966,35 euros hors taxes en réparation des dommages causés par l'incendie du centre socio-culturel « Les Petits-Bois » dans la nuit du 5 au 6 novembre 2005 ;

2°) de condamner l'Etat à

lui verser la somme de 195 966,35 euros hors taxes ;

3°) de mettre à la char...

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2008, présentée pour la COMMUNE DE VERSAILLES, représentée par son maire, par Me Phelip ; la COMMUNE DE VERSAILLES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0610054-0611074 en date du 1er février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 195 966,35 euros hors taxes en réparation des dommages causés par l'incendie du centre socio-culturel « Les Petits-Bois » dans la nuit du 5 au 6 novembre 2005 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 195 966,35 euros hors taxes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que le jugement attaqué est irrégulier puisqu'il n'a pas répondu au moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques du fait de l'abstention volontaire de l'Etat à intervenir dans des zones où des situations conflictuelles se développaient ; en deuxième lieu, que les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales pour engager la responsabilité de l'Etat sont réunies dès lors que cet incendie, qui ne saurait être qualifié d'acte isolé ni d'« opération commando », est en relation avec les violences exceptionnelles qui ont eu lieu sur le territoire national pendant la nuit et que la destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes constitue un délit au sens de l'article 322-6 du code pénal ; que les violences urbaines perpétrées en octobre et novembre 2005 sur tout le territoire national pour protester contre le décès par électrocution de deux adolescents poursuivis par la police doivent être qualifiées d'émeutes spontanées compte tenu de leur caractère exceptionnel et inédit ; que des affrontements violents entre les forces de police et des groupes d'individus ont eu lieu dans le nuit du 5 au 6 novembre 2005 sur tout le territoire national ; que, compte tenu du procès-verbal de police qui mentionne la présence de petits groupes de jeunes provoquant les forces de l'ordre le soir du sinistre, il ne peut être contesté qu'il existe une relation entre les incendies en cause et ces affrontements ; en troisième lieu, que l'absence de réparation conduit à rompre l'égalité devant les charges publiques pour les personnes habitant à proximité de certaines zones puisque, pendant longtemps, l'Etat s'est volontairement abstenu d'intervenir dans des zones où des situations conflictuelles se développaient ; en quatrième lieu, qu'en laissant se développer la situation insurrectionnelle connue en octobre 2005 et en ne prenant pas les mesures de police permettant de mettre un terme à ces émeutes, lesquelles se sont prolongées sur une vingtaine de jours, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la demande d'indemnité a été formulée sur la base d'une expertise qui chiffre les dommages subis par la commune à 191 467 euros hors taxes, outre 4 499,35 euros au titre des frais exposés correspondant à ladite expertise ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2216-3 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2009 :

- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public ;

Considérant que la COMMUNE DE VERSAILLES fait appel du jugement du 1er février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 195 966,35 euros hors taxes en réparation des dommages causés par l'incendie du centre socio-culturel « Les Petits-Bois » dans la nuit du 5 au 6 novembre 2005 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour rejeter le moyen invoqué par la COMMUNE DE VERSAILLES, tiré de ce que la responsabilité de l'Etat serait engagée du fait d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, le tribunal administratif, qui n'avait pas à se prononcer sur tous les arguments présentés par la commune requérante, a constaté que la carence volontaire du préfet et, par voie de conséquence, le lien de causalité direct entre les dommages subis et un fait de l'administration, n'étaient pas établis ; qu'il a ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, suffisamment répondu audit moyen ;

Au fond :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : « L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens » ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou délits commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la nuit du 5 au 6 novembre 2005, le centre socio-culturel des « Petits-Bois » situé au 1, rue Georges Bizet à Versailles a été incendié ; que la circonstance que ces faits, qui ont été commis par une vingtaine d'individus isolés, se sont déroulés au cours de la nuit du 5 au 6 novembre 2005 durant laquelle des violences urbaines ont été commises en attroupements dans certaines communes ne suffit pas à établir que les agissements à l'origine des dommages en cause ont été spontanés et commis par un attroupement ou un rassemblement au sens de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ; que le procès-verbal de police, dressé le 5 novembre 2005, dont la commune se prévaut pour démontrer que l'incendie est en relation avec un attroupement ou un rassemblement, se borne à indiquer que les forces de l'ordre ne sont intervenues que du fait de l'incendie signalé et non d'un rassemblement ou d'un attroupement et à mentionner la présence sur place d'une vingtaine d'individus ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a constaté l'absence d'élément établissant en l'espèce que les dommages allégués seraient le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préfet des Yvelines a mis en place dès le 2 novembre 2005 un plan départemental de lutte contre les violences urbaines mobilisant plusieurs compagnies républicaines de sécurité et que les forces de police ont été mises dans l'impossibilité d'intervenir du fait de l'ampleur exceptionnelle des violences urbaines et de la mobilité de leurs auteurs ; qu'ainsi, en se bornant à soutenir que l'Etat a manqué à ses obligations en matière de police en laissant se développer une situation insurrectionnelle depuis le mois d'octobre 2005, la COMMUNE DE VERSAILLES ne saurait démontrer l'existence d'une faute des autorités de police commise dans l'exercice de leur mission pour assurer la sécurité des biens ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Versailles a estimé que le préfet des Yvelines n'avait pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en ne prenant pas de mesures adéquates pour prévenir cet incendie ;

Considérant, en troisième lieu, que la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de l'Etat est subordonnée à la condition que le dommage résulte d'une décision administrative régulière ou d'une inaction justifiée des autorités chargées d'assurer le maintien de l'ordre ; qu'il résulte de l'instruction que les autorités investies du pouvoir de police ne se sont pas abstenues d'agir mais ont été placées dans l'impossibilité matérielle d'agir efficacement ; qu'ainsi, l'existence d'un lien de causalité entre le dommage dont la commune demande réparation et le fait de l'administration n'étant pas établie, la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques ne saurait se trouver engagée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE VERSAILLES n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE VERSAILLES est rejetée.

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N° 08VE01111 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE01111
Date de la décision : 03/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHELLE
Rapporteur ?: Mme Martine KERMORGANT
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-03-03;08ve01111 ?
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