Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2006, présentée pour M. Albert X, demeurant ..., par Me Peletingeas ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0403672 du 6 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil à lui verser la somme de 12 119,99 euros, qu'il estime insuffisante, en réparation des préjudices résultant de l'opération chirurgicale qu'il a subie le 7 novembre 2000 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil à lui verser, à titre principal, la somme de 89 000 euros en réparation des préjudices résultant de la faute médicale commise lors de l'opération chirurgicale, ou, à titre subsidiaire, la somme de 53 400 euros en réparation de la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient, en premier lieu, que le jugement est irrégulier dès lors que ni l'exposant, ni son mandataire n'ont été convoqués à l'audience ; en deuxième lieu, que la responsabilité du centre hospitalier est engagée pour faute médicale ou, à tout le moins, erreur de diagnostic ; que si le tribunal administratif a considéré, au regard du rapport d'expertise, qu'aucune faute médicale n'a été commise lors de l'intervention chirurgicale du 7 novembre 2000, il reste que l'expertise a été conduite sur la base d'une copie d'un dossier médical incomplet ; que le dossier médical constitue un document administratif communicable et dont la communication est prévue par l'article R. 710-2-2 du code de la santé publique ; que le dossier communiqué à l'expert ne permet pas de savoir si la perforation tympanique dont souffrait l'exposant s'accompagnait ou non d'un cholestéatome rendant indispensable l'acte médical et nécessitant une ablation ; qu'il n'est pas exclu que cette ablation résulte d'une erreur commise lors de l'opération ; qu'il est établi que l'acte médical est à l'origine directe de la perte totale de l'audition au niveau de l'oreille interne droite ; qu'ainsi, l'acte chirurgical, censé à l'origine remédier partiellement à un manque d'acuité auditive, a abouti au résultat inverse et caractérise, par suite, une faute médicale commise lors de l'intervention ; que le préjudice résultant de cette faute s'élève à la somme totale de 89 000 euros, dont 49 000 euros au titre du préjudice soumis à recours de la caisse de sécurité sociale, lequel inclut, d'une part, un préjudice d'agrément né de la gêne dans les gestes de la vie courante pendant les deux mois d'incapacité temporaire totale subie, qui doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros, d'autre part, les préjudices résultant de l'incapacité permanente partielle, évaluée à 15 % par l'expert en tenant compte de son état auditif antérieur, qu'il faut indemniser à hauteur de 31 000 euros, compte tenu de l'incidence professionnelle pour un homme de 44 ans, âgé de 41 ans à l'époque des faits, ouvrier maçon de son état, et affecté de séquelles de type céphalées, vertiges, acouphènes, raideur de l'épaule, surdité de l'oreille droite, et enfin, le préjudice résultant de la solution thérapeutique préconisée, qui consiste en la réalisation d'un appareillage auditif, pour 5 000 euros ; que son incapacité permanente partielle l'empêche en effet d'exercer les activités professionnelles pour lesquelles il a des compétences ou de l'expérience, soit menuisier ou agent de sécurité, compte tenu de sa perte d'audition ; qu'ainsi, s'il ne travaillait pas au moment de l'opération, les suites de l'opération ont définitivement compromis ses chances de retrouver un emploi ; que le préjudice non soumis à recours de la caisse de sécurité sociale comprend le préjudice moral, indemnisable à hauteur de 50 000 euros et largement sous-évalué par le tribunal ; que son préjudice moral est important dès lors que s'il avait été informé des risques encourus du fait de l'intervention chirurgicale et notamment le risque de voir son état empirer, il n'aurait pas accepté de la subir ; qu'au surplus, la dégradation dont s'agit est particulièrement importante puisque l'incapacité permanente partielle de 15 % retenue par l'expert tient compte de son état antérieur ; qu'il a, en outre, été maintenu dans un état d'ignorance de la gravité des séquelles de l'opération durant deux mois et a subi un choc psychologique en apprenant cette nouvelle à laquelle il ne pouvait aucunement s'attendre et qui présentait un caractère définitif ; qu'en outre, il a développé un état psychologique de défiance et d'appréhension à l'égard des médecins, alors même qu'il doit être médicalement suivi à l'avenir ; en troisième lieu, et à titre subsidiaire, la responsabilité du centre hospitalier est engagée pour défaut d'information ; qu'il résulte du rapport d'expertise que l'exposant n'a pas été suffisamment éclairé sur les conséquences de l'intervention envisagée et, en particulier, des risques graves de cette technique chirurgicale ; que le défaut d'information du patient révèle un fonctionnement défectueux du service, constitutif d'une faute simple ; que la charge de la preuve pèse sur l'hôpital ; que, s'agissant de l'évaluation de la perte de chance pour l'exposant de se soustraire au risque de cophose qui s'est finalement réalisé, le tribunal a entaché son jugement de contradiction de motifs, puisqu'il a reconnu l'existence d'un préjudice moral mais n'a pas alloué de somme en réparation de ce préjudice ; que, compte tenu des risques inhérents à la tympanoplastie, et notamment du risque de surdité complète, rapprochés des risques encourus en cas de renonciation à l'opération, lesquels ne mettaient pas en cause en l'espèce la poursuite d'une vie professionnelle, l'exposant, suffisamment informé, aurait à l'évidence renoncé à l'opération ; que, dès lors, la réparation du dommage doit être fixée à 60 % des préjudices subis, soit la somme totale de 53 400 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2008 :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Jarreau, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, le 7 novembre 2000, M. X a subi au centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil une tympanoplastie en vue d'améliorer l'audition de son oreille droite et de remédier aux troubles associés de type acouphènes ; que le 5 janvier 2001, a été mise en évidence une surdité complète à droite résultant d'une dégradation post-opératoire définitive de l'oreille interne ; que M. X fait appel du jugement 6 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil à lui verser la somme de 12 119,99 euros, qu'il estime insuffisante, en réparation des préjudices résultant de l'opération chirurgicale du 7 novembre 2000 ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise demande à la Cour de réformer le jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 777,60 euros en remboursement de ses frais futurs ; qu'enfin, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil demande à la Cour d'annuler le jugement et de rejeter les demandes de M. X et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : « Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience » ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du même code : « Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire» ; que pour l'application de ces dispositions, lorsque l'avis d'audience, régulièrement notifié au seul avocat, n'a pu lui être remis en raison d'un changement d'adresse et a été retourné au greffe de la juridiction, il appartient à celle-ci, en cas d'insuccès des nouvelles tentatives pour joindre l'avocat, d'avertir personnellement le requérant ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, l'avis d'audience notifié à l'avocat de M. X ayant été retourné par la poste avec la mention N'habite pas à l'adresse indiquée, le greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas cherché à joindre l'avocat par d'autres moyens et n'a pas non plus, à défaut, averti personnellement le requérant du jour de l'audience ; que M. X est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et, par suite, à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 novembre 2002, que la destruction de l'oreille interne droite de M. X à l'origine de la cophose dont il est atteint est imputable non à un geste médical fautif qui aurait été commis lors de l'intervention chirurgicale du 7 novembre 2000 mais à l'une des complications exceptionnelles et connues de la tympanoplastie, dont l'indication était en l'espèce justifiée, sur une oreille interne antérieurement fragilisée par un processus d'otite chronique ; que si l'expert a mentionné qu'il avait obtenu avec difficulté les photocopies du dossier d'hospitalisation et du dossier de soins relatif au requérant, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction et, notamment, pas du rapport de l'expert, que des éléments du dossier médical de M. X nécessaires à l'appréciation de la responsabilité du centre hospitalier n'auraient pas été communiqués par cet établissement public ; que la lettre du 13 novembre 2001 dans laquelle un médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie, consulté par le requérant, s'interroge sur la réalisation, au cours de l'intervention, d'une exérèse d'un cholestéatome, qui fait au demeurant partie des pièces transmises à l'expert, n'est pas de nature à établir qu'un manquement aux règles de l'art aurait été commis au cours de cette intervention ; qu'ainsi, aucune faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil ne peut être relevée ;
Considérant, en second lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ;
Considérant que l'intervention subie par M. X, même conduite dans les règles de l'art, présentait des risques connus, notamment de surdité post-opératoire, qui devaient être portés à la connaissance du patient ; qu'alors que M. X conteste avoir été informé des risques graves de l'intervention subie, le centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il se serait acquitté de son obligation d'information auprès du requérant en l'informant des risques de complication invalidante d'une telle intervention et, particulièrement, des risques de cophose post-opératoire ; que les circonstances que M. X a été reçu au cours de plusieurs consultations avant l'opération et qu'il se serait renseigné par lui-même sur les principes de l'intervention, ne sauraient davantage établir la réalité de ladite information ; qu'ainsi, le centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. X à raison de la perte de chance dont celui-ci a été privé de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;
Sur la réparation due par le centre hospitalier :
Considérant que la réparation du préjudice résultant pour M. X de la perte de chance de se soustraire au risque dont il n'a pas été informé et qui s'est réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que l'état du dossier, qui ne comporte pas de précisions relatives aux risques de surdité inhérents à l'intervention subie par M. X et aux risques encourus par l'intéressé en cas de renonciation à celle-ci, ne permet pas à la Cour de fixer cette fraction ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise à cette fin ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0403672 du 6 juillet 2006 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de M. X, procédé à une expertise par un médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 3 : L'expert aura pour mission :
- de préciser les risques de cophose inhérents à l'intervention chirurgicale subie par M. X, et particulièrement leur fréquence statistique de réalisation ;
- de décrire l'évolution prévisible de l'audition et des troubles auditifs associés de M. X en l'absence d'intervention ;
- de réunir tous éléments permettant à la Cour de fixer la perte de chance subie par M. X de se soustraire au risque de surdité dont il n'a pas été informé et qui s'est réalisé.
L'expert, pour l'accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents utiles relatifs à l'état de santé de M. X, et notamment le rapport de l'expertise confiée au Docteur Peytral par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 novembre 2002, et pourra examiner M. X.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
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N° 06VE02051