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11/12/2008 | FRANCE | N°08VE02962

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 11 décembre 2008, 08VE02962


Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 3 septembre 2008, l'ordonnance en date du 20 août 2008 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Versailles le jugement du recours, enregistré le 17 février 2006 pour la télécopie et le 20 février 2006 pour l'original à la Cour administrative d'appel de Nancy, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Vu le recours, enr

egistré le 17 février 2006 pour la télécopie et le 20 février 2006...

Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 3 septembre 2008, l'ordonnance en date du 20 août 2008 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Versailles le jugement du recours, enregistré le 17 février 2006 pour la télécopie et le 20 février 2006 pour l'original à la Cour administrative d'appel de Nancy, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Vu le recours, enregistré le 17 février 2006 pour la télécopie et le 20 février 2006 pour l'original au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200261 en date du 18 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que de contribution complémentaire de 1 %, de prélèvement social de 1 % et de contribution sociale généralisée, en droits et en pénalités, auxquelles M. Y a été assujetti au titre de l'année 1994 ;

2°) de remettre lesdites impositions à la charge de M. Y ;

Il soutient que la société Immarex a racheté des actions à un prix surévalué, que la méthode de calcul retenue pour fixer le prix des actions ne permet pas d'établir leur valeur réelle au moment de leur rachat ; qu'en retenant que la formule utilisée prenait en compte, contrairement à ce que soutenait l'administration, les résultats net de l'exploitation, les premiers juges ont commis une erreur concernant la matérialité des faits ; que les premiers juges ont estimé à tort que la méthode multicritères mise en oeuvre par l'entreprise était plus élaborée que celle retenue par l'administration ; que, selon une note du 17 novembre 1994 de la compagnie de Suez, la valeur intrinsèque de l'action de la banque Indosuez s'établissait à cette date à 675 F ; qu'une autre méthode d'évaluation de l'action reposant sur la valeur patrimoniale de la banque Indosuez aboutit à un prix unitaire de l'action de 596,60 F ; qu'ainsi, le prix de 675 F reflétait la valeur réelle des titres à la date du rachat ; que le rachat des actions à un prix excédant leur valeur vénale, sans contrepartie pour l'entreprise, constitue un acte anormal de gestion ; que, s'agissant du vendeur, l'entreprise lui a consenti un avantage occulte qui constitue un revenu distribué sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2008 :

- le rapport de M. Moussaron, président,

- les observations de Me Bresson,

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur l'année 1994, M. Y a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution complémentaire de 1 %, de prélèvement social de 1 % et de contribution sociale généralisée au titre de 1994 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement du 18 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge desdites cotisations ;

Considérant qu'en vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 111 : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c) les rémunérations et avantages occultes » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la banque Indosuez du 25 novembre 1988, le conseil d'administration de cette banque a mis en place un plan de souscription d'actions dans le cadre de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, permettant de consentir notamment au bénéfice de certains de ses salariés des options donnant droit à la souscription d'actions émises à titre d'augmentation de capital ; que la banque Indosuez n'étant pas cotée en bourse, le prix de souscription des actions a été déterminé selon une formule contractuelle comprenant une composante fondée sur les capitaux propres, une composante fondée sur le résultat net de la société Indosuez et une composante fondée sur le résultat brut d'exploitation, ces deux dernières composantes étant assorties de coefficients correspondant à la moyenne des coefficients de capitalisation constatés pour plusieurs sociétés du même secteur d'activité ; que, par ailleurs, la société Immarex, dont le capital était entièrement détenu par une filiale de la banque Indosuez, elle-même contrôlée à 99,9 % par la compagnie de Suez, s'est engagée à racheter les titres souscrits à un prix déterminé par application de la même formule mathématique ; qu'en 1994, la société Immarex a, en conséquence, racheté au prix de 880 F par action les actions pour lesquelles M. Y avait levé ses options ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société Immarex portant sur les années 1994 à 1996, l'administration a constaté qu'en 1994, la banque Indosuez avait procédé à une augmentation de capital en numéraire réservée à sa société-mère, la compagnie de Suez, au prix de 675 F par action, que la société Immarex connaissait cette opération avant la levée de l'option par les salariés de la banque Indosuez et qu'elle avait, à la clôture de ses comptes en 1994, comptabilisé une provision de 205 F par action pour dépréciation des titres de la banque Indosuez qu'elle avait rachetés aux salariés de cette banque ; que l'administration a considéré que la société Immarex avait réalisé un acte anormal de gestion et avait, à hauteur de 205 F par titre, consenti au vendeur une libéralité ; que, corrélativement, les mêmes sommes ont été regardées comme un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus en faveur des salariés concernés au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts ;

Considérant qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que l'avantage ainsi octroyé comporte de contrepartie, cet avantage doit être considéré comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention pour la société d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;

Considérant que la valeur vénale de titres non cotés sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ;

Considérant, en premier lieu, que les options de souscription d'actions étaient en l'espèce assorties, de la part de la société Immarex, d'un engagement de racheter les actions qu'auraient acquises les optionnaires ; que, dès lors, l'administration n'est pas fondée à soutenir que la formule prévue pour évaluer la valeur vénale des actions de la société Indosuez dans le cadre des options de souscription d'actions aurait dû prévoir une décote d'illiquidité ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la formule contractuelle permettant de déterminer le prix de souscription et de vente des actions faisant l'objet des options comporte une composante patrimoniale, une composante fondée sur le résultat net et une composante fondée sur le résultat brut d'exploitation ; que, s'agissant de la première composante, qui est fondée sur les capitaux propres consolidés, il résulte de l'instruction qu'elle ne prend pas en compte les plus-values latentes ; que, dans ces conditions, l'administration n'établit pas que cette première composante serait surévaluée par rapport à la valeur réelle de l'action ; qu'à supposer que les deuxième et troisième composantes ci-dessus mentionnées, fondées sur les comptes de la société Indosuez au 31 décembre précédent, ne soient pas de nature à donner une image fidèle de la situation de la société à la date de la transaction, notamment en cas de détérioration de l'activité au cours de l'année considérée, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment de la sous-évaluation attachée à la première composante, que la formule de calcul en cause conduise à une surévaluation significative du prix de l'action ; qu'enfin, l'évaluation de la banque Indosuez dans le cadre de l'augmentation de capital de 1994 réservée à un actionnaire unique majoritaire, correspondant à un prix de 675 F par action, n'a pour seul fondement que l'actif net réévalué et ne prend pas en compte la rentabilité et les perspectives d'avenir ; qu'ainsi, la valeur de 675 F retenue par l'administration ne peut être regardée comme correspondant à la valeur de l'action d'Indosuez en 1994 ; que, dans ces conditions, l'administration, qui n'était pas dans l'impossibilité de présenter une évaluation du prix de l'action selon une méthode d'analyse financière multicritères, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la surévaluation du prix résultant de l'application de la formule utilisée pour l'achat et la revente des actions dans le cadre des options de souscription d'actions offertes aux salariés de la banque Indosuez, ni, en tout état de cause, du montant de cette surévaluation ; qu'elle ne démontre, dès lors, ni l'existence d'un écart significatif entre la valeur retenue en 1994 et la valeur réelle de l'action ni, en tout état de cause, une intention de la part des salariés concernés de bénéficier d'une libéralité qui serait la conséquence de l'application de la formule contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des impositions en litige ;

D E C I D E

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

N° 08VE02962

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE02962
Date de la décision : 11/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Richard MOUSSARON
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-11;08ve02962 ?
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