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02/12/2008 | FRANCE | N°07VE01514

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 décembre 2008, 07VE01514


Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2007, présentée pour M. Alain X, demeurant ..., par Me Bensimhon ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406684 du 4 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 5 octobre 2004 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'Essonne a autorisé la société EADS Defence and Security System SA à le licencier pour faute grave et, d'autre part, de la décision du 23 mars 2005 par laquelle le ministre de l'emplo

i, du travail et de la cohésion sociale a rejeté son recours hiérarch...

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2007, présentée pour M. Alain X, demeurant ..., par Me Bensimhon ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406684 du 4 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 5 octobre 2004 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'Essonne a autorisé la société EADS Defence and Security System SA à le licencier pour faute grave et, d'autre part, de la décision du 23 mars 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre cette décision et autorisé son licenciement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de la société EADS Defence and Security System SA une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la nullité de la décision de mise à pied, qui lui a été notifiée par la société EADS Defence and Security System SA le 23 juillet 2004, entraînait l'irrégularité de la demande d'autorisation de licenciement dont il a été l'objet ;

- qu'en estimant qu'il ressortait des pièces du dossier que le caractère personnel et individuel de son audition par l'inspecteur du travail ne saurait être remis en cause, le tribunal a commis une erreur de fait dès lors qu'il a été démontré que cette audition s'est en fait déroulée en présence de l'employeur ;

- que faute de préciser sur quelles pièces il se fondait pour estimer que le caractère individuel de cet entretien ne saurait être remis en cause, le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision ;

- que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le non respect en l'espèce du délai de 8 jours au terme duquel l'inspecteur du travail statue sur la demande de licenciement, entache la décision d'autorisation de licenciement d'illégalité et, par voie de conséquence, celle du ministre chargé de l'emploi ;

- qu'eu égard à la nullité de la mise à pied dont il a fait l'objet, la société EADS Defence and Security System SA ne pouvait plus se prévaloir de cette mise à pied pour justifier la gravité des fautes invoquées ;

- que la société EADS Defence and Security System SA connaissait de longue date, et en tout état de cause, plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. X, les faits qui ont motivé son licenciement ; qu'ainsi, ce licenciement était irrégulier du fait de la tardiveté de l'engagement de la procédure disciplinaire ;

- qu'en considérant que « le caractère continu du comportement reproché à Monsieur X » justifiait l'engagement de la procédure de licenciement, le tribunal n'a pas répondu au moyen développé dans la requête selon lequel l'employeur était parfaitement informé de longue date des activités de M. X en dehors de l'entreprise EADS Defence and Security System SA et qu'aucun reproche de nature professionnelle n'avait jamais été formulé par cette entreprise jusqu'à sa décision de le licencier ;

- qu'en estimant que la situation de cumul d'emploi par M. X constituait une violation de sa part de la clause d'exclusivité qui le liait contractuellement à son employeur EADS Defence and Security System SA depuis 1984, le tribunal a méconnu les termes exacts du contrat de travail et des obligations qui en résultaient pour M. X dès lors que ce contrat de travail, en date du 31 mai 1983, l'engageait à temps partiel et que les clauses d'exclusivité ne sont jamais opposables à un salarié à temps partiel ;

- que, par ailleurs, une clause d'exclusivité n'est opposable au salarié qu'à la seule condition qu'elle soit indispensable à la protection des intérêts de l'entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; que le tribunal ne pouvait se borner à relever l'opposabilité d'une telle clause dans son contrat de travail sans dire en quoi ces conditions étaient remplies en l'espèce ;

- que cette clause d'exclusivité n'avait au surplus aucune justification dès lors que M. X ne disposait d'aucune délégation ni du moindre pouvoir dans l'exercice que ses fonctions ;

- que le tribunal n'a pas relevé, en ce qui concerne l'existence de documents qui démontreraient la multitude d'activités exercées par M. X en dehors de l'entreprise EADS Defence and Security System SA évoquée par l'inspecteur du travail dans sa décision du 5 octobre 2004, que M. X n'a jamais été en mesure, ni lors de son entretien préalable au licenciement, ni devant l'inspection du travail, ni devant la juridiction administrative, de s'expliquer contradictoirement sur ce point, faute d'avoir pu consulter ces documents ;

- que la société EADS Defence and Security System SA avait une parfaite et ancienne connaissance de sa situation de conseiller prud'homal et de ses activités au sein d'une autre entreprise qu'il avait créée ; que la réglementation relative à la limitation du temps de travail hebdomadaire n'est pas applicable aux cadres soumis à un forfait jour, ce qui était le cas de M. X ;

- que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que les activités exercées par M. X portaient préjudice à son employeur et constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, alors qu'aucune mauvaise exécution de son travail n'a jamais été démontrée ni même alléguée et alors que depuis plusieurs années la société EADS Defence and Security System SA ne lui donnait que peu ou pas de travail ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2008 :

- le rapport de M. Beaufaÿs, premier conseiller,

- les observations de Me El Keilany, substituant Me Bensimhon, avocat de M. X, et de Me Beaure d'Augères, avocat de la société EADS Defence and Security System SA,

- et les conclusions de Mme Jarreau, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision du 5 octobre 2004, l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'Essonne a autorisé le licenciement pour faute de M. X, conseiller prud'homme employeur ; que, par décision du 23 mars 2005, le ministre chargé du travail a, sur recours hiérarchique présenté par M. X, confirmé la décision prise par l'inspecteur du travail ; que, par la présente requête, M. X demande l'annulation du jugement du 4 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif, en répondant au moyen tiré de ce que le requérant avait été entendu par l'inspecteur du travail en présence de son employeur par le motif qu'il ressortait au contraire des pièces du dossier que le caractère personnel et individuel de l'audition de M. X ne saurait être remis en cause, n'a entaché son jugement d'aucune insuffisance de motivation ;

Considérant, en second lieu, qu'il est constant que M. X a reçu, au cours de l'instruction devant le Tribunal administratif de Versailles, communication de l'ensemble des mémoires et pièces qui leur étaient jointes produits par les parties, conformément à l'article R. 611-1 du code de justice administrative; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant, en premier lieu, que si, en vertu de l'article L. 412-18 du code du travail, applicable à l'intéressé en sa qualité de conseiller prud'homme en vertu de l'article L. 514-2 du même code, une décision de licenciement pour faute grave, assortie d'une mise à pied conservatoire, doit être notifiée à l'inspecteur du travail dans un délai de quarante-huit heures, le non-respect éventuel de cette procédure n'entraîne pas l'irrégularité de la demande d'autorisation de licenciement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article R. 436-4 du code du travail, l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, « procède à une enquête contradictoire » au cours de laquelle le salarié doit être entendu personnellement et individuellement, hors la présence de son employeur, et « statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai (...) ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation (...) » notamment l'employeur et le salarié ;

Considérant, d'une part, que c'est par une exacte appréciation des éléments de fait ressortant des pièces du dossier que les premiers juges ont estimé que, contrairement aux allégations de M. X, ce dernier, après avoir été confronté à son employeur, avait bien été entendu personnellement et individuellement par l'inspecteur du travail, lors de l'enquête contradictoire qui s'est déroulée le 26 août 2004 dans les locaux de l'inspection du travail du département de l'Essonne ;

Considérant, d'autre part, que, si M. X soutient qu'au cours de l'enquête contradictoire, il n'a pas eu connaissance ou communication des documents présentés par les représentants de l'employeur ou évoqués par l'inspecteur du travail pour établir son cumul d'activités salariées, il ressort des pièces du dossier que ces éléments ont été clairement évoqués lors de la confrontation avec l'employeur organisée par l'inspecteur du travail ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'enquête n'aurait pas été menée contradictoirement sur ce point ;

Considérant, enfin, que, si la demande d'autorisation de licenciement de M. X est datée du 10 août 2004 et si la décision par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement n'a été prise que le 5 octobre suivant, alors que M. X avait été mis à pied, la circonstance, à la supposer établie, que l'inspecteur du travail n'ait pas avisé les intéressés de la prolongation du délai de huit jours qui était justifiée par les nécessités de l'enquête, n'est pas de nature à entacher la régularité de sa décision ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, si la demande de licenciement est également motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, l'autorité administrative désignée ci-dessus doit rechercher si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

Considérant que si M. X soutient que la nullité de la mise à pied conservatoire dont il a été l'objet empêchait son employeur de se prévaloir de cette mise à pied pour justifier la gravité des fautes qui lui sont reprochées, ce moyens est inopérant dès lors que l'éventuelle irrégularité de la mise à pied conservatoire est sans influence sur la qualification des faits qui ont justifié son prononcé ;

Considérant que M. X n'est pas fondé à soutenir que l'article L. 122-44 du code du travail faisait légalement obstacle à ce que l'autorité administrative retienne, pour apprécier la gravité des fautes qui lui étaient reprochées, des faits qui se sont produits plus de deux mois avant la demande d'autorisation de licenciement dès lors que le comportement fautif de l'intéressé, qui a cumulé des emplois salariés jusqu'à la date de son licenciement pour ce motif, a effectivement revêtu un caractère continu ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier que c'est moins de deux mois avant le 10 août 2004, date à laquelle l'inspecteur du travail a été saisi de la demande d'autorisation de licenciement, soit au plus tôt le 17 juin 2004, date à laquelle l'employeur du requérant l'a mis en demeure de cesser tout cumul d'activités salariées, que l'employeur doit être regardé comme ayant eu en l'espèce une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur de la situation de cumul d'emplois salariés dans laquelle se trouvait le requérant ;

Considérant que c'est par une exacte appréciation des pièces du dossier que les premiers juges ont estimé que le cumul d'emplois salariés reproché à M. X par son employeur était constitutif d'un manquement de l'intéressé à ses obligations contractuelles d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; qu'à cet égard, si le requérant prétend, pour la première fois en appel, que la clause d'exclusivité stipulée dans son contrat, qui lui interdisait expressément de cumuler tout autre emploi salarié avec son emploi au sein de la société EADS Defence and Security Systems SA, ne lui était pas opposable dès lors qu'il n'aurait été lié à son employeur que par un contrat à temps partiel, il ressort, cependant, des pièces du dossier, et notamment des constatations faites par l'inspecteur du travail, que l'intéressé avait accepté depuis le 7 février 1984 d'exercer ses fonctions à temps plein ; que M. X ne saurait non plus prétendre que la clause d'exclusivité n'était pas justifiée par la nature des tâches à accomplir ni proportionnée au but recherché, en alléguant qu'il n'exerçait aucune fonction de responsabilité au sein de l'entreprise et que son employeur ne lui confiait pratiquement plus aucune tâche depuis plusieurs années, dès lors qu'il ressort suffisamment des pièces du dossier et notamment de celles versées par l'employeur de M. X, non sérieusement contredites par l'intéressé, que ses absences répétées au cours des mois précédant son licenciement ne le mettaient plus à même d'exécuter correctement les missions qui lui étaient confiées en sa qualité de responsable de l'instruction et de la préparation des dossiers précontentieux au sein du service juridique de l'entreprise ; que ces absences répétées étaient d'autant moins compatibles avec ses obligations contractuelles que, loin d'être toutes justifiées par les nécessités de l'exercice de son mandat prud'homal, celles-ci s'expliquaient essentiellement par le fait que M. X cumulait à l'insu de son employeur d'autres emplois salariés, dont l'un, notamment, l'occupait contractuellement à hauteur de vingt-deux heures trente par semaine ; que, dans ces conditions, le cumul dissimulé d'emplois salariés pratiqué par M. X, qui était constitutif d'un manquement à ses engagements contractuels vis-à-vis de la société EADS Defence and Security System SA, était d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, sans qu'il soit besoin de se demander si, par ailleurs, l'intéressé respectait ce faisant la législation sur les durées quotidienne ou hebdomadaire maximales de travail ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société EADS Defence and Security System SA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de ladite société et de mettre à la charge de M. X une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X versera à la société EADS Defence and Security System SA une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 07VE01514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE01514
Date de la décision : 02/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHELLE
Rapporteur ?: M. Frédéric BEAUFAYS
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : BENSIMHON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-02;07ve01514 ?
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