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25/09/2008 | FRANCE | N°07VE02699

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 25 septembre 2008, 07VE02699


Vu la requête, enregistrée à la Cour administrative d'appel de Versailles le 25 octobre 2007, présentée pour M. Macire X demeurant ..., par Me Braun ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705302 du 18 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2007 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé un titre de séjour temporaire et l'a l'obligé à quitter le territoire français en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi ;
>2°) d'annuler la décision du 2 avril 2007 prise par le préfet de la Seine-Sa...

Vu la requête, enregistrée à la Cour administrative d'appel de Versailles le 25 octobre 2007, présentée pour M. Macire X demeurant ..., par Me Braun ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705302 du 18 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2007 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé un titre de séjour temporaire et l'a l'obligé à quitter le territoire français en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi ;

2°) d'annuler la décision du 2 avril 2007 prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer le titre de séjour sollicité avec autorisation de travailler dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa demande et, pendant la durée de cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verse la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision était suffisamment motivée ; que le nom du médecin n'est pas mentionné sur l'avis médical ce qui ne permet pas de s'assurer de la réalité de l'avis et de la véritable qualité de médecin du signataire ; que c'est à tort que le tribunal a jugé que la production de l'avis médical postérieurement à la décision attaquée était de nature à couvrir l'illégalité découlant de l'absence de communication de l'avis avant ou en même temps que la décision attaquée ; que le tribunal a commis une irrégularité en acceptant la production de cet avis le 20 août 2007 alors que la clôture avait été fixée au 14 août 2007 ; que ceci est contraire à l'égalité des armes et au principe de procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'administration ayant bénéficié d'un traitement plus favorable que le requérant ; que si le préfet a prétendu que le certificat du 12 février 2007 n'était pas conforme il n'a pas examiné les données concrètes du dossier ; que celui-ci a commis une erreur manifeste d'appréciation puisque l'intéressé a subi un très grave accident du travail le 6 décembre 2001 ; que la caisse primaire d'assurance maladie lui a reconnu un taux d'incapacité de 6 % et qu'il a sollicité de la COTOREP la reconnaissance du statut de travailleur handicapé ; qu'il a subi deux interventions chirurgicales, la première le jour de l'accident et la deuxième le 25 mars 2003 ; que le refus du préfet de lui accorder un titre rend plus difficile son accès aux soins et le prive de toute prestation sociale ; que la stabilisation de son état invoquée par le préfet ne signifie nullement que son état est stable ; que le certificat médical indique que son taux d'IPP pourrait être révisé ; que le suivi médical indispensable à ce type de pathologie est impossible au Mali ; que l'obligation de quitter le territoire a été implicitement abrogée puisque il a pu déposer une nouvelle demande de titre de séjour sur le même fondement et que le tribunal a omis de répondre à ce moyen ; qu'il ne peut être placé en rétention et reconduit au Mali alors que sa demande de titre de séjour est en cours d'examen ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-4 du code de justice administrative : « Le président de la formation de jugement peut, dès l'enregistrement de la requête, faire usage du pouvoir prévu au premier alinéa de l'article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l'instruction sera close. Il peut, par la même ordonnance, fixer la date et l'heure de l'audience au cours de laquelle l'affaire sera appelée. Dans ce cas, l'ordonnance tient lieu de l'avertissement prévue à l'article R. 711-2 » ; et qu'aux termes de l'article R. 776-12 du code de justice administrative : « Jusqu'au moment où l'affaire est appelée, les parties peuvent présenter des conclusions ou observations écrites » ; qu'aux termes de l'article R. 776-13 du même code : « Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou son délégué, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, applicables en première instance en matière de décisions de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire, que si, dans le cadre de la procédure orale qui succède à l'instruction contradictoire écrite, les parties peuvent produire des documents nouveaux à l'appui de leurs observations orales, l'instruction écrite est normalement close en application de l'article R. 775-4 du code de justice administrative, à compter de la date décidée par le président de la formation de jugement ; que toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire ou d'une pièce essentielle au règlement du litige émanant d'une partie qui n'en a pas exposé les éléments dans le cadre de la procédure écrite, il lui appartient de faire application dans ce cas particulier des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction ; qu'à ce titre, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire ou de cette pièce, avant de rendre sa décision, ainsi, au demeurant, que de la viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé - il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire ou cette pièce contient ou révèle soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire ou de cette pièce, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il s'agit pour le juge de la reconduite ou de l'obligation de quitter le territoire de se fonder sur un moyen qu'il devait relever d'office, - le soumettre au débat contradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparer ses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si l' « avis » du médecin inspecteur de la santé demandé par le tribunal le 14 août 2007 par la voie d'un supplément d'instruction au préfet de la Seine-Saint-Denis a été enregistré au greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 20 août 2007, après la clôture de l'instruction intervenue en application des dispositions ci-dessus rappelées du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par ordonnance du président de la formation de jugement le 14 août 2007, cette pièce n'a pas été alors communiquée à M. X ; que si cette pièce avait été, cependant, déjà communiquée par le tribunal à M. X puisqu'elle était identique à celle jointe au mémoire du préfet enregistré le 13 août 2007 et adressé le 16 août 2007 au conseil du requérant, M. X n'a pas été mis en mesure, compte tenu de la date de la clôture d'instruction précédemment intervenue, de prendre connaissance de la teneur exacte de la pièce produite le 20 août 2007, dont il ignorait qu'elle était identique à la précédente ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que le principe de la procédure contradictoire n'a pas été respecté et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : « Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 (...) l'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) » ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ;

Considérant que le préfet ne pouvait pour refuser le 2 avril 2007 le titre de séjour sollicité par M. X, se fonder, pour réexaminer l'ensemble de la situation de l'intéressé, sur la teneur d'anciens avis des 22 septembre 2004 et 15 décembre 2005 auxquels le médecin inspecteur se borne à renvoyer dans sa lettre du 2 mars 2007 aux motifs que l'accident du travail dont a été victime M. X en 2001 a été reconnu consolidé par l'assurance maladie en 2004 ; qu'il ressort notamment des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet n'a pas examiné le certificat médical délivré en février 2007 au requérant et qu'il avait produit à l'appui de sa demande, pour prendre sa décision et a estimé que l'état de santé de l'intéressé ne nécessitait pas de prise en charge médicale alors que cet élément ne ressortait ni de ce certificat, ni de la lettre du 2 mars 2007 du médecin inspecteur de la santé qui ne se prononçait pas sur ce point ; que de plus la consolidation de l'accident n'implique pas nécessairement à elle seule que l'état de santé de M. X ne nécessite pas des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce ; qu'il suit de là que sa décision refusant un titre de séjour doit être annulée, ensemble la décision portant obligation de quitter le territoire français qui se trouve, de ce fait, dépourvue de base légale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 2 avril 2007 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le sens du présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. X le titre de séjour sollicité mais seulement qu'il soit enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de M. X et, pendant la durée de cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, avec autorisation de travailler sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0705302 du 18 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2007 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé un titre de séjour temporaire et l'a l'obligé à quitter le territoire français en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi est annulé ensemble la décision du 2 avril 2007.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à un nouvel examen de la demande de M. X et pendant la durée de cet examen de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, avec autorisation de travailler.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

N° 07VE02699

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07VE02699
Date de la décision : 25/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BRUAND
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : BRAUN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-09-25;07ve02699 ?
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