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18/09/2008 | FRANCE | N°07VE00788

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 18 septembre 2008, 07VE00788


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Pascal X, demeurant ..., par Me Blatter ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602004-0602886 en date du 29 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2006 du ministre de la défense lui infligeant la sanction du déplacement d'office, à ce qu'il soit enjoint au ministre de le réintégrer dans ses fonctions d'assistant social à la Réunion ainsi qu'

à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 86 000 euros en ré...

Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Pascal X, demeurant ..., par Me Blatter ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602004-0602886 en date du 29 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2006 du ministre de la défense lui infligeant la sanction du déplacement d'office, à ce qu'il soit enjoint au ministre de le réintégrer dans ses fonctions d'assistant social à la Réunion ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 86 000 euros en réparation du préjudice moral et financier résultant de cette décision ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 janvier 2006 ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de le réintégrer dans ses fonctions d'assistant social à la Réunion avec effet rétroactif au 1er août 2005 en ce qui concerne ses droits à la retraite et tous autres avantages en rapport avec ses attributions et de remettre à sa disposition le logement de fonction dont il bénéficiait, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 76 600 euros en réparation de son préjudice financier et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, sur la régularité du jugement, que le tribunal a insuffisamment motivé son jugement dès lors qu'il n'a pas répondu aux moyens développés pour contester la véracité des faits ; que le rapport circonstancié du 27 avril 2005 établi par le commandant supérieur des forces armées et la lettre du 4 novembre 2004 établie par le commandant du 2e régiment de parachutistes d'infanterie de marine ne lui ayant pas été communiqués, ils auraient dû être écartés pour méconnaissance du contradictoire ; sur la légalité de la sanction litigieuse, que l'exactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie dès lors qu'ils reposent sur de simples témoignages ; qu'il n'a pas été averti de plaintes d'usagers par ses supérieurs ; qu'il lui a fallu attendre le mois de juillet 2005, date de la consultation de son dossier disciplinaire, pour prendre connaissance de ces lettres et des reproches à son égard qu'elles contenaient ; que le retard dans le traitement du dossier de Mme Z ne lui est pas imputable dès lors que les pièces médicales étaient incomplètes ; qu'il n'a pas refusé à M. Fribourg l'aide au déménagement qu'il avait demandée ; que les violences verbales répétées assorties de menaces et de propos vexatoires alléguées par sa secrétaire ne sont nullement établies ; qu'il n'y a pas eu d'enquête administrative, ce qui atteste que les faits n'étaient pas suffisamment établis ; que le témoignage de Mme Y est totalement mensonger ; que le manquement persistant au devoir d'obéissance hiérarchique tant à l'égard de sa conseillère technique que du chef de district n'est pas davantage établi dès lors qu'aucun manquement professionnel précis ne lui a été reproché après le 19 avril 2004, date à laquelle un blâme lui avait été notifié ; que le dossier ne comporte aucune pièce ou mention d'un quelconque avertissement postérieur à cette date ; que la lettre du 7 décembre 2004 ne constitue ni un avertissement ni une autre sanction ; que la lettre du 9 mars 2005 du lieutenant-colonel Annette était un simple rappel des tâches lui incombant ; que le principe général du droit « non bis in idem » a été violé dès lors qu'il avait été sanctionné par un blâme le 19 avril 2004 pour des faits de non respect de la déontologie, de non intervention lors du décès d'un militaire, d'absence de suivi des dossiers, d'ignorance des directives techniques du service et de refus de les appliquer ; que les griefs mentionnés dans le blâme correspondent aux mêmes faits ; qu'à défaut de preuve qu'il ait réitéré les manquements qui lui sont reprochés après le 19 avril 2004, il ne pouvait être sanctionné une nouvelle fois pour ces faits par un déplacement d'office ; que le ministre a volontairement méconnu les ordonnances rendues les 20 octobre 2005 et 6 janvier 2006 prononçant la suspension des mesures d'exclusion du service prises à son encontre les 1er août et 29 novembre 2005 et n'a pas attendu l'issue de la procédure en annulation de l'arrêté du 29 novembre 2005, ce qui manifeste son refus d'exécuter les décisions de justice qui lui sont défavorables ; que la sanction est manifestement disproportionnée dès lors qu'il a été bien considéré et bien noté au cours de ses années de service ; que s'il lui est reproché d'avoir un caractère trop entier ou trop ombrageux dans l'exercice de ses fonctions, de tels motifs ne sauraient justifier une sanction aussi grave que le déplacement d'office en métropole ; que la sanction porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale à la Réunion ; que sa femme souffre du virus du chikungunya et son fils est scolarisé à la Réunion depuis sa plus tendre enfance ; que son salaire diminuera ; qu'il traverse des difficultés financières en raison du non-paiement de ses salaires durant la période de suspension, ce qui l'a contraint de saisir le juge des référés d'une demande de provision ; que la sanction étant illégale, il y a lieu de le réintégrer dans ses fonctions et de lui restituer son logement de fonction, ainsi que de lui verser les sommes correspondant à la privation de traitement subie, à la perte consécutive au changement d'échelon, aux cotisations de retraite manquantes, à la pension de réversion amputée, ainsi qu'aux difficultés financières liées à des crédits divers non remboursés aux échéances, soit la somme totale de 76 600 euros ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

Vu le décret n° 91-783 du 1er août 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Agier-Cabanes, premier conseiller,

- les observations de M. X,

- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a été recruté en tant qu'assistant social stagiaire du ministère de la défense le 3 septembre 1990, puis titularisé le 3 mars 1992 et affecté au district social interarmées des forces armées dans la zone sud de l'océan indien à compter du 1er août 1993 ; que, le 19 avril 2004, il a fait l'objet d'un blâme ; qu'après que deux arrêtés d'exclusion temporaire du service en date des 1er août 2005 et 29 novembre 2005 ont été pris à l'encontre de l'intéressé, puis abrogés par le ministre de la défense, M. X a fait l'objet d'un arrêté en date du 30 janvier 2006 prononçant son déplacement d'office en métropole ; qu'il fait appel du jugement en date du 29 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense de le réintégrer dans ses fonctions d'assistant social à la Réunion ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par M. X, a suffisamment motivé son jugement dès lors qu'il a notamment répondu de manière circonstanciée aux moyens du requérant tendant à contester l'exactitude matérielle des faits qui ont fondé la sanction litigieuse ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le rapport du 27 avril 2005 établi par le commandant supérieur des forces armées et la lettre du 4 novembre 2004 rédigée par le commandant du 2e régiment de parachutistes d'infanterie de marine, produits par le ministre de la défense à l'appui de son mémoire, ont été communiqués par le greffe du tribunal administratif à l'avocat de M. X ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure manque en fait et doit être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que le ministre de la défense a prononcé le déplacement d'office de M. X au motif de manquements graves et répétés aux obligations et à l'honneur de la profession d'assistant du service social, consistant à négliger ou à refuser d'apporter son aide à des personnes en difficulté ou à leur donner des informations erronées, à tenir des propos violents et vexatoires répétés assortis de menaces envers la secrétaire sociale placée sous son autorité, à refuser de manière persistante de se conformer à son devoir d'obéissance hiérarchique tant vis-à-vis de la conseillère technique d'encadrement que du chef du district social ; que si M. X, qui ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'enquête administrative, conteste à nouveau devant la cour l'exactitude matérielle de ces faits en soutenant qu'ils reposent sur de simples témoignages et que ses supérieurs hiérarchiques ne l'ont jamais avisé de plaintes des usagers, il n'établit pas que les lettres et les témoignages concordants dont il a pris connaissance lors de la consultation de son dossier disciplinaire en juillet 2005 comporteraient des informations erronées ou mensongères ; que, dès lors, il y a lieu de rejeter le moyen dans toutes ses branches par adoption des motifs retenus pas les premiers juges ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard aux conséquences de ce comportement, qui a provoqué des plaintes des autorités militaires et des usagers des services sociaux de la défense, perturbé le bon fonctionnement du service et préjudicié à l'image du district social, ainsi qu'à la circonstance que l'intéressé n'a pas amélioré sa manière de servir malgré plusieurs rappels à l'ordre et une première sanction, la sanction du déplacement d'office prononcée à raison des faits susmentionnés n'est pas manifestement disproportionnée ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. X fait valoir qu'il aurait été sanctionné pour les mêmes faits que ceux qui ont fondé le blâme qui lui avait été infligé le 19 avril 2004, il ressort des pièces du dossier que les faits retenus par le ministre de la défense à l'appui de la sanction de déplacement d'office sont tous postérieurs à cette date ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation du principe « non bis in idem » n'est pas fondé et doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que, pour annuler, par jugements en date du 4 mai 2006 passés en force de chose jugée, les décisions du ministre de la défense des 1er août 2005 et 29 novembre 2005 prononçant à l'encontre de M. X des sanctions d'exclusion temporaire de fonctions, le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, devant lequel le ministre de la défense s'était borné à conclure au non-lieu à statuer, s'est fondé sur ce que les pièces du dossier ne permettaient pas de regarder comme établis les faits reprochés à l'intéressé ; qu'eu égard au motif d'annulation ainsi retenu, l'autorité absolue de la chose jugée ne faisait pas obstacle à ce qu'une nouvelle sanction soit prise à l'encontre de M. X à raison des mêmes faits ; que, dans ces conditions, le Tribunal administratif de Versailles a pu, sans méconnaitre cette autorité, écarter, au vu des pièces produites devant lui par l'administration, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits reprochés à M. X ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. X soutient que la décision litigieuse serait entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle aurait été prise pour faire échec à la demande d'annulation de la décision du 1er août 2005 prononçant son exclusion de fonctions de deux ans ainsi que de celle du 29 novembre 2005 ramenant celle-ci à dix-huit mois, qui avaient été respectivement suspendues par ordonnances de référé du 20 octobre 2005 et du 6 janvier 2006 du président du Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion au motif, notamment, que le moyen tiré de ce que ces sanctions étaient manifestement disproportionnées apparaissait sérieux ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que le ministre de la défense a pris les mesures d'exécution qu'appelait la suspension de ses précédentes décisions en réintégrant l'intéressé et a entendu édicter, comme il en a la possibilité à tout moment de la procédure, une sanction plus proportionnée que celles initialement décidées à l'encontre du requérant ; que, dès lors, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que si M. X soutient que certaines circonstances feraient obstacle à ce que sa famille le suive dans sa nouvelle affectation, les raisons médicales, financières et affectives qu'il invoque ne suffisent pas à établir que la décision litigieuse aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'en l'absence de toute illégalité de la décision du 30 janvier 2006 susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, les conclusions de M. X tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice moral et financier que lui aurait causé cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

07VE00788 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE00788
Date de la décision : 18/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Isabelle AGIER-CABANES
Rapporteur public ?: Mme GRAND d'ESNON
Avocat(s) : BLATTER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-09-18;07ve00788 ?
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