Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés le 6 octobre 2006, le 10 octobre 2006 et le 21 novembre 2006 au greffe de la cour, présentés pour Mme Fortunée X, demeurant ..., par Me Ouidja ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0506123 en date du 6 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ouijda d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que si l'administration fiscale prétend avoir estimé le montant des pensions alimentaires sur la base des décisions de justice, elle n'a pas perçu l'intégralité des pensions alimentaires visées dans celles-ci, mais seulement une somme de 6 126,50 € versée par la caisse de retraite complémentaire de son ex-mari ; que l'administration fiscale n'a pas tenu compte de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 20 décembre 2001 pour distinguer deux périodes ; que les sommes exigibles sur le fondement des décisions de justice représentent la somme totale de 8 887,77 € ; que l'administration fiscale a estimé qu'elle avait perçu 6 366 € de pensions alimentaires au titre de l'année 2002 alors qu'aux termes des décisions judiciaires, les pensions alimentaires n'étaient plus exigibles à compter du 20 décembre 2001 ; que le caractère erroné de l'appréciation des faits par l'administration fiscale est avéré mais est opposable à cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que l'article 79 du code général des impôts sur lequel s'est fondée l'administration fiscale ne vise pas les pensions alimentaires allouées en nature par attribution gratuite du logement conjugal ; que l'administration fiscale, qui avait la charge de la preuve, n'a pas fondé l'imposition de cet avantage en nature sur une demande corrélative de déductibilité de son ex-mari ; que l'imposition de la jouissance du bien est donc dénuée de fondement légal ; que la convention de liquidation après divorce dressée le 14 octobre 2003 atteste du paiement de l'indemnité d'occupation ; qu'elle a en effet cédé la moitié des droits qu'elle détenait sur un appartement situé aux Mureaux en contrepartie des sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation ; qu'elle n'a pas encaissé l'intégralité des loyers exigibles ; qu'aux termes de sa lettre du 6 décembre 2004, elle a opté pour le régime réel de la déduction des charges ; que le total des règlements effectués au titre des charges de copropriété s'élève à 12 648,61 € pour l'année 2001 et à 4 700,84 € pour l'année 2002 ; que dans l'hypothèse où elle aurait perçu l'intégralité des revenus fonciers, le résultat foncier aurait été déficitaire en 2001 et légèrement bénéficiaire en 2002 ; que, compte tenu des termes de l'article 31-I 1 e) du code général des impôts, la déduction forfaitaire de 14 % ne peut couvrir les charges de copropriété ; que l'instruction de l'affaire par l'administration fiscale a manifestement manqué d'exhaustivité dès lors qu'elle n'a pas demandé la communication des relevés bancaires et a estimé de façon unilatérale le montant de ses revenus ; qu'elle ne dispose plus de domicile après l'expulsion à laquelle a procédé son ex-mari ; qu'étant bénéficiaire du revenu minimum d'insertion, ses capacités contributives ne lui permettent pas de payer les cotisations réclamées ; que la décision par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande de décharge gracieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2008 :
- le rapport de Mme Jarreau, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : « Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) de l'administration des impôts (...) dont dépend le lieu d'imposition » ; qu'aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : « Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation préalable » ; qu'enfin, selon l'article L. 199 C de ce livre, le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peut faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction ;
Considérant que si le ministre fait valoir que la requérante n'a pas contesté, dans sa réclamation au directeur des services fiscaux, les rehaussements liés à la réintégration des pensions alimentaires perçues, ses conclusions sur ce point demeurent recevables dans la limite du dégrèvement total demandé par ladite réclamation ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que Mme X se plaint de ce que l'administration a procédé au rehaussement de ses revenus provenant des pensions alimentaires versées par son ex-mari et de ses revenus fonciers sans avoir exigé, sur le fondement des articles L. 12, L. 13, L. 16 et L. 188 A du livre des procédures fiscales, la communication de ses relevés bancaires auprès des organismes bancaires compétents ; qu'il résulte de l'instruction que les redressements litigieux ont été effectués à la suite d'un contrôle sur pièces ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration fiscale, dans le cadre de cette procédure, d'exiger une telle communication ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les revenus fonciers :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : « Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré » ; qu'il n'est pas contesté que la requérante n'a formulé aucune observation avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses le 30 juin 2004, et supporte par conséquent la charge de la preuve ;
Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code général des impôts : « Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété » et qu'aux termes de l'article 31 de ce même code : « I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1º Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) e) Une déduction forfaitaire fixée à 14 % des revenus bruts et représentant les frais de gestion, l'assurance à l'exclusion de celle visée au a bis et l'amortissement (...) » ;
Considérant que Mme X conteste le redressement relatif aux revenus fonciers non déclarés au titre des années 2001 et 2002 au motif que le locataire de l'appartement dont elle est propriétaire ne lui aurait versé aucun loyer ; que, toutefois, l'administration a produit en première instance le contrat de bail conclu le 10 juillet 2000 stipulant un loyer mensuel de 3 000 F outre une provision sur charges de 1 500 F ; qu'ainsi, Mme X, qui ne justifie pas ni même n'allègue avoir engagé une action en paiement de ces sommes auprès des juridictions compétentes, n'établit pas ne pas avoir perçu de loyers au titre des années 2001 et 2002 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a évalué les revenus fonciers de Mme X en incluant la totalité des provisions pour charges prévues par le bail ; que Mme X produit en appel différents documents établis par la société Maaf immobilier, gestionnaire de la copropriété, faisant état de règlements effectués par elle, au titre des charges des années 2001 et 2002 ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, ces documents présentent un caractère suffisamment probant quant à la réalité des versements effectués ; que, toutefois, ces documents, faute de mentionner la nature exacte des différentes dépenses effectuées par la copropriété, ne permettent pas d'établir que ces charges sont au nombre de celles dont la déduction est autorisée par les dispositions précitées du I de l'article 31 du code général des impôts ; qu'en l'état des pièces du dossier, Mme X n'est pas fondée à se plaindre de ce que le service a retenu, pour l'évaluation des charges foncières afférentes aux revenus en litige, la somme forfaitaire de 14 % prévue par les dispositions de ce même article 31 et représentant les frais de gestion et d'amortissement et non le montant réel des charges ayant grevé ses revenus fonciers ;
En ce qui concerne les pensions alimentaires :
Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient, à l'appui de sa demande de décharge des cotisations supplémentaires relatives aux pensions alimentaires perçues au cours des années en litige, que son ancien conjoint n'a versé aucune des sommes retenues par le service conformément aux décisions de justice successives condamnant l'intéressé au paiement d'une pension alimentaire ; qu'il résulte de l'instruction que lesdites sommes ont fait l'objet, en partie, d'un paiement direct de la part de l'Institution de Retraite Prévoyance des Voyageurs, Représentants et Placiers, dont son ancien conjoint était créancier, et qu'elle a elle-même déclaré avoir perçu les sommes de 5 460 € au titre de l'année 2001 et de 2 760 € au titre de l'année 2002 ; que, toutefois, le service a réintégré une somme supplémentaire de 899 € qui aurait été perçue en 2002 ;
Considérant que si, par un arrêt du 5 avril 1993, la Cour d'appel de Versailles avait fixé à 2 000 F par mois la pension alimentaire due par M. Y, son ex-époux, à Mme X, l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 21 décembre 2001, confirmant le jugement du Tribunal de grande instance de Versailles du 9 mars 2000 prononçant le divorce aux torts partagés, n'a prononcé aucune condamnation de M. Y au versement d'une pension alimentaire après le 8 avril 2002, date à laquelle l'arrêt est devenu définitif ; que si Mme X a déclaré avoir perçu de son ex-époux une somme supérieure à celle qui lui était due aux termes de ces décisions, le versement d'une nouvelle somme, qui n'aurait ainsi résulté d'aucune obligation, n'est pas établi ; que, dans ces conditions, Mme X doit être regardée comme apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues, à hauteur de 899 € au titre de l'année 2002 ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts : « Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu » ; qu'aux termes de l'article 254 du code civil : « Lors de la comparution des époux (...) ou de l'ordonnance de non-conciliation dans les autres cas, le juge prescrit les mesures qui sont nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants » et qu'aux termes de l'article 255 du même code : « le juge peut notamment : (...) 2° attribuer à l'un des époux la jouissance du logement (...) 4° fixer la pension alimentaire que l'un des époux devra verser à son conjoint (...) » ;
Considérant qu'il résulte des termes de l'ordonnance de non-conciliation rendue par le juge aux affaires matrimoniales du Tribunal de grande instance de Versailles le 9 juillet 1992 que Mme X et son ex-époux ont été autorisés à résider séparément et que la jouissance gratuite du logement commun dont M. Y était propriétaire a été attribuée à Mme X ;
AZAR que, par suite, son ex-époux était tenu par une décision de justice de lui abandonner la jouissance du domicile conjugal ; que, dès lors, l'attribution exclusive à titre gratuit de l'ancien domicile conjugal a représenté pour Mme X un avantage en nature constitutif d'une pension alimentaire et concourant à la formation du revenu global en application des dispositions de l'article 79 du code général des impôts ; que le service était donc en droit de réintégrer cet avantage en nature dans les revenus de Mme X, sans avoir à apporter la preuve d'une déduction corrélative desdites sommes dans les revenus de son ex-mari ;
Considérant, enfin, que Mme X, qui n'a exercé aucun recours à l'encontre de la décision du 1er septembre 2004 par laquelle sa demande de remise gracieuse a été rejetée, ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir, devant le juge de l'impôt, de ses difficultés financières et des dispositions de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ouidja, avocat de Mme X , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celui-ci d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Pour la détermination des bases des cotisations d'impôt sur le revenu dues par Mme X au titre de l'année 2002, le montant des pensions alimentaires perçues est diminué d'une somme de 899 €.
Article 2 : Mme X est déchargée de la différence entre les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 et celles qui résultent des bases d'imposition définies à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 0506123 en date du 6 juillet 2006 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me Ouidja, avocat de Mme X, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de première instance et de la requête d'appel de Mme X est rejeté.
N° 06VE02237 2