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20/03/2008 | FRANCE | N°06VE02587

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 20 mars 2008, 06VE02587


Vu, la requête, enregistrée au greffe de la Cour, en télécopie le 28 novembre 2006 et en original le 29 novembre 2006, présentée pour M. Didier X, demeurant ..., par Me Dupaigne ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406824 du 18 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 juin 2004 du directeur général du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) le révoquant de ses fonctions, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;<

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2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

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Vu, la requête, enregistrée au greffe de la Cour, en télécopie le 28 novembre 2006 et en original le 29 novembre 2006, présentée pour M. Didier X, demeurant ..., par Me Dupaigne ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406824 du 18 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 juin 2004 du directeur général du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) le révoquant de ses fonctions, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) de condamner le département de l'Essonne à lui verser la somme de 2 392 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient, en premier lieu, qu'il avait demandé le témoignage de son responsable hiérarchique, lequel ne s'est pas présenté devant le conseil de discipline ; qu'en application tant des règles de la procédure disciplinaire que des principes dont s'inspire l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, la commission de discipline ne pouvait passer outre l'absence de ce témoin capital et devait le convoquer à nouveau ; que la direction du CNRS devait le cas échéant enjoindre à cet agent de se présenter ; qu'il suit de là que la décision attaquée a été prise sur une procédure irrégulière ; qu'en outre, le CNRS a utilisé les notes personnelles de l'exposant, lesquelles ont nécessairement été obtenues frauduleusement et ne pouvaient en conséquence être utilisées contre leur auteur ; en deuxième lieu, qu'il n'est pas établi qu'il ait compromis à plusieurs reprises la conduite des travaux et la fiabilité des résultats des équipes de recherches et occasionné des pertes financières ; qu'aucun fait précis n'est allégué à cet égard ; que plusieurs attestations démontrent au contraire qu'il faisait correctement son travail et pouvait prendre des initiatives utiles aux chercheurs ; qu'en outre, le comportement inapproprié à l'égard du personnel féminin qui lui a été reproché repose sur une accusation mensongère et diffamatoire ; qu'il en est de même de l'allusion à une plainte, non versée aux débats, pour utilisation à son profit de matériels appartenant à l'administration ; que le grief relatif au non respect des consignes de sécurité n'est étayé par aucun élément ; que le refus d'obéir aux ordres ne repose sur aucun fait précis ; qu'enfin, alors qu'il avait une formation de chimiste et a été recruté en connaissance de cause par le CNRS, cet organisme l'a employé à des taches de micro-biologie qui, si elles correspondaient à son grade, ne correspondaient pas à sa formation et à ses compétences ; que le CNRS lui a refusé la formation spécifique sur la préparation des milieux qu'il avait demandé à suivre ; qu'en application des principes dont s'inspirent les articles 1134 § 3 du code civil et L. 120-4 du code du travail, le CNRS était tenu de ne pas le maintenir dans un poste pour lequel il n'était pas fait et de l'affecter sur un autre poste ; qu'enfin, alors qu'il avait suivi une formation en micro-informatique, secteur dans lequel il existait une possibilité d'emploi qui lui convenait, le CNRS ne pouvait prendre la sanction de licenciement, sanction la plus grave, sa mutation constituant une solution raisonnable ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, modifiée ;

Vu le décret n°83-993 du 24 novembre 1982 portant organisation et fonctionnement du centre national de la recherche scientifique, modifié ;

Vu le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques, modifié ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, modifié ;

Vu le décret n° 84-1185 du 27 décembre 1984 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires du centre national de la recherche scientifique, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2008 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur ;
- les observations de Me Dupaigne, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, adjoint technique de la recherche, fait appel du jugement du 18 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 juin 2004 du directeur général du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) le révoquant de ses fonctions à compter du 1er juillet 2004 ;

Sur la légalité externe de la décision du 7 juin 2004 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 25 octobre 1984 : « Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration » ; qu'en vertu de l'article 4 du même décret, ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer, à la demande du fonctionnaire ou de son ou ses défenseurs, l'examen de l'affaire à une autre réunion ;

Considérant que M. X soutient que la procédure disciplinaire préalable à l'adoption de la sanction de révocation de ses fonctions a été irrégulière dès lors que le conseil de discipline a statué en l'absence de l'un des deux témoins que l'intéressé avait cités ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X a été régulièrement informé, par lettre du 9 avril 2004 le convoquant à la réunion du conseil de discipline du 13 mai 2004, du droit qu'il tenait de citer des témoins devant ce conseil et produit d'ailleurs copie de la lettre qu'il a adressée le 10 mai 2004 à son supérieur hiérarchique pour solliciter sa présence ; que ni l'administration, à laquelle le requérant n'a au demeurant transmis la liste des personnes citées que le matin même de la réunion et qui ne dispose pas du pouvoir de contraindre ses agents à se présenter, ni le conseil de discipline ne s'étant opposés à l'exercice de ce droit, la circonstance que le témoin ne se soit pas présenté devant le conseil est sans incidence sur la régularité de la procédure ; qu'il ressort, en outre, du procès-verbal de la séance du 13 mai 2004 que M. X n'a pas sollicité le report de la réunion ainsi que l'y autorisaient les dispositions précitées ; que, dans ces conditions, le requérant, qui ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de tout accusé d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge, lesquelles ne sont applicables qu'en matière pénale, n'est pas fondé à soutenir que l'avis du conseil de discipline a été rendu dans des conditions irrégulières ;

Considérant, en second lieu, que si M. X fait valoir que le CNRS a utilisé à son encontre des notes dont cet établissement ne pouvait faire état dès lors qu'elles lui étaient personnelles, il n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée ; que la contestation de la matérialité des faits met en cause la légalité interne de la décision attaquée ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort tant des évaluations annuelles du travail de M. X depuis son affectation au sein de l'institut de génétique et microbiologie (IGM) du CNRS, que des nombreux rapports établis par ses supérieurs hiérarchiques, qui font état de faits précis et concordants, et notamment du rapport dressé le 26 août 2003 par trois des responsables d'équipes et chefs de service du requérant, du rapport établi le 1er septembre 2003 par le directeur de l'IGM et de la note que le délégué régional Ile-de-France sud a adressée à la commission administrative paritaire le 5 avril 2004, que M. X, qui occupait un poste de préparateur en biologie au sein du service laverie-milieux, a refusé, de manière réitérée et en dépit de plusieurs rappels à l'ordre, de respecter les instructions et procédures de travail applicables, remettant en cause les protocoles définis par les équipes de recherche alors que ses tâches requéraient d'être menées dans le strict respect des consignes données sous peine de nuire à la conduite des expérimentations et à la fiabilité des résultats des recherches, contestant et dénigrant, de façon récurrente, sa hiérarchie par un comportement qui a perturbé le service ; que, dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à M. X est établie et ne saurait être remise en cause par la seule production de trois témoignages favorables au requérant ; que la décision litigieuse n'étant pas fondée sur un comportement inapproprié à l'égard du personnel féminin et sur l'utilisation à des fins personnelles de matériels appartenant à l'administration, M. X ne peut utilement faire valoir que de tels faits n'ont pas été établis ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des rapports précités que les faits reprochés à M. X, qui avait au surplus accepté son affectation au sein de l'IGM et reçu une formation interne, ne relèvent pas d'une insuffisance professionnelle mais sont constitutifs de manquements tant à son obligation d'assurer correctement des tâches afférant à un emploi d'adjoint technique de la recherche, qu'à ses devoirs d'obéissance et de réserve, justifiant l'application d'une sanction disciplinaire ; que M. X ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles 1134 du code civil et L. 120-4 du code du travail, lesquelles ne sont pas applicables aux agents publics, pour soutenir que le directeur général du CNRS était tenu de l'affecter sur un autre emploi ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que compte tenu, d'une part, des multiples mises en garde adressées à l'intéressé, reçu à plusieurs reprises en entretiens individuels tant par les chefs de service que par le directeur de l'IGM et la responsable des ressources humaines, qui lui ont rappelé son devoir de suivre les consignes de sa hiérarchie, et de la circonstance que le requérant a fait l'objet d'un changement d'affectation en septembre 2000 puis, le 12 avril 2002, d'un avertissement à raison de faits similaires, et eu égard, d'autre part, à l'atteinte portée au bon fonctionnement du service, qui résulte de la perturbation portée à la réalisation et aux résultats des expériences scientifiques ainsi que de la détérioration des relations dans le service, la sanction de la révocation prononcée à raison de ces faits n'est pas manifestement disproportionnée, alors même que le requérant soutient qu'il pouvait être détaché à l'Ecole nationale supérieure de chimie pour occuper un poste au sein du service informatique et avait suivi une formation à cet effet ;

Considérant enfin que, si M. X prétend avoir été victime de discrimination et de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonctions et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du CNRS tendant à l'application des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CNRS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 06VE02587
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02587
Date de la décision : 20/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : DUPAIGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-03-20;06ve02587 ?
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