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13/03/2008 | FRANCE | N°07VE00304

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 13 mars 2008, 07VE00304


Vu la requête, enregistrée à la Cour administrative d'appel de Versailles le 12 février 2007, présentée pour Mme Amal Y demeurant ... par Me Papi ; Mme Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507478 du 22 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 29 août 2005 par laquelle le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

2° ) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui

délivrer un titre de séjour sous astreinte de 15 euros par jour de retard et de condam...

Vu la requête, enregistrée à la Cour administrative d'appel de Versailles le 12 février 2007, présentée pour Mme Amal Y demeurant ... par Me Papi ; Mme Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507478 du 22 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 29 août 2005 par laquelle le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

2° ) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 15 euros par jour de retard et de condamner le préfet à lui verser 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que la demande de regroupement familial présentée par son mari ayant fait l'objet d'un refus le 22 juin 2004, elle a présenté une demande de titre de séjour fondée sur l'article L. 313-11 alinéa 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 29 juin 2005 ; que sa demande était recevable et qu'elle n'était pas tenue de se présenter en personne au guichet de la préfecture pour l'introduire valablement ; qu'elle ne pouvait bénéficier du regroupement familial et ne l'a donc pas demandé car son époux ne dispose que du revenu minimum d'insertion ; qu'un retour au Maroc porterait atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2008 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller ;
- les observations de Me Papi, pour Mme Y ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;


Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction issue du décret du 23 août 2005 : « Tout étranger, âgé de plus de 18 ans, est tenu de se présenter à Paris à la préfecture de police et dans les autres départements à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de carte de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant. (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de carte de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies à l'article 3 du décret du 30 juin 1946 est applicable, que les intéressés se présentent physiquement à la préfecture ; que, cependant, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi la fin de non-recevoir opposée par le préfet à la demande formée contre la décision implicite de rejet attaquée au motif que Mme Y ne s'est pas présentée personnellement à la préfecture n'est pas fondée ; que la demande présentée au tribunal par Mme Y n'était pas tardive dès lors que sa demande au préfet ne constituait pas un recours gracieux contre la décision de rejet du 22 juin 2004 mais une nouvelle demande présentée plus d'un an plus tard sur un nouveau fondement ;


Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que Mme Y a demandé le 29 juin 2005 au préfet de l'Essonne la délivrance d'un titre de séjour « vie privée et familiale » sur le fondement de l'article L. 313-11 alinéa 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ; qu'il résulte des pièces du dossier que Mme Y est entrée en France le 2 janvier 1999 pour rejoindre son mari qu'elle avait épousé en 1992 au Maroc ; que son mari séjourne en France depuis 1971 et est titulaire d'une carte de résident ; que dans les circonstances particulières de l'espèce, en refusant à Mme Y qui résidait en France depuis plus de six ans à la date de la décision attaquée le bénéfice d'un titre de séjour alors qu'il avait refusé le 22 juin 2004 la demande de regroupement familial présentée par son mari et que celui-ci ne dispose pour toute ressource que du revenu minimum d'insertion, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme Y un titre de séjour temporaire « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de condamner l'Etat à verser à Mme Y la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0507478 du 22 décembre 2006 du Tribunal administratif de Versailles est annulé, ensemble la décision attaquée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme Y un titre de séjour « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir.

Article 3 : Le préfet de l'Essonne est condamné à verser à Mme Y une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

N°07VE00304
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07VE00304
Date de la décision : 13/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : PAPI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-03-13;07ve00304 ?
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