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11/12/2007 | FRANCE | N°06VE01622

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 décembre 2007, 06VE01622


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 24 juillet 2006, présentée pour la société anonyme GROUPE VOISIN dont le siège social est 5 grande rue Roussigny à Limours (91470), par Me Bouillot ;

La société GROUPE VOISIN demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302683 en date du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision prise par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 15 avril 2003 lui refusant l'agrément

visé au II de l'article 209 du code général des impôts ;

2°) d'annu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 24 juillet 2006, présentée pour la société anonyme GROUPE VOISIN dont le siège social est 5 grande rue Roussigny à Limours (91470), par Me Bouillot ;

La société GROUPE VOISIN demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302683 en date du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision prise par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 15 avril 2003 lui refusant l'agrément visé au II de l'article 209 du code général des impôts ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision de refus ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



La société GROUPE VOISIN soutient que :

- en jugeant que la décision de l'administration fiscale n'avait pas à être motivée, alors que l'agrément visé à l'article 209-II était de droit depuis l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2002 du 28 décembre 2001, le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit ;

- les premiers juges n'ont pas reconnu le fondement, qui était implicite, du refus d'agrément ; que ce fondement implicite a finalement été explicité dans la proposition de rectification du 14 juin 2005 dans laquelle l'administration affirme « qu'avant l'instruction du 7 juillet 2003 (BOI 4 1-1-3), les fusions par TUP ne pouvaient pas avoir un effet rétroactif » et qu'elle « avait donc demandé à la société Cantin de produire un résultat pour l'exercice débutant le 1er janvier 2002 jusqu'à la date d'effet de la TUP le 30 novembre 2002 » ;

- la décision du 15 avril 2003 par laquelle le ministre a refusé de lui accorder cet agrément est insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

- elle a choisi de donner à l'opération de dissolution sans liquidation de la société Cantin Parcs et Jardins, un effet rétroactif au 1er janvier 2002 ; que la demande de l'administration consistant à ce que la société Cantin Parcs et Jardins produise un bilan de clôture au 30 novembre 2002 était, à cet égard, dépourvue d'objet dès lors que ladite société n'avait plus d'existence légale à cette date ; que la liasse fiscale au titre de l'exercice 2002, qu'elle communique, montre clairement que les éléments comptables de la société absorbée ont été intégrés à son bilan et qu'il y a eu transfert universel et intégral du patrimoine de sa filiale ; qu'il n'y a, en conséquence, pas lieu de tenir compte, pour le calcul du résultat fiscal, d'une quelconque période intercalaire du 1er janvier au 30 novembre 2002, l'opération de restructuration bénéficiant de la rétroactivité fiscale prévue au BOI du 7 juillet 2003 référencé 4 I-1-3, notamment sa section 2 ;

- le maintien des amortissements réputés différés (ARD) est justifié par une rationalisation du Groupe Voisin et obéit à des objectifs autres que fiscaux au niveau du Groupe ; qu'ainsi, elle était en droit de procéder au transfert des amortissements réputés différés compte tenu de ce qu'elle remplissait les critères énumérés au a) de l'article 209 II du code général des impôts ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2007 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;


Considérant que la société anonyme GROUPE VOISIN a sollicité des services fiscaux, le 21 octobre 2002, la délivrance de l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts dans le but d'être autorisée à transférer à son profit, avec effet rétroactif au 1er janvier 2002, les déficits et amortissements réputés différés de la société Cantin Parcs et Jardins qu'elle entendait absorber, et dont elle détenait l'intégralité du capital ; que, par décision rendue le 15 avril 2003, l'administration a refusé de lui accorder l'agrément demandé ; que la société interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus du directeur des services fiscaux ;


Sur la légalité de la décision de refus d'agrément en date du 15 avril 2003 :

En ce qui concerne le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : […] refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir […] » ; qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, tel que modifié par l'article 85 de la loi n°2001-1275 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour 2002 : « […] II. En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs non encore déduits par la société absorbée […] sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs […] L'agrément est délivré lorsque : a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; b. L'activité à l'origine des déficits dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans […] » ;

Considérant que les dispositions du II de l'article 209 instituent au profit des sociétés absorbantes qui remplissent les conditions qui y sont précisées le droit d'imputer dans leurs bénéfices ultérieurs, les déficits antérieurs non encore déduits par la société absorbée ; que, dès lors, les décisions qui refusent l'agrément auquel est subordonné le bénéfice de cet avantage doivent, conformément aux dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, être motivées ; que, par suite, la société GROUPE VOISIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement critiqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société GROUPE VOISIN devant le Tribunal administratif de Versailles ;


Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 210-0 A du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 85 de la loi de finances n°2001-1275 du 28 décembre 2001, en vigueur au 1er janvier 2002 : « I. Les dispositions relatives aux fusions et aux scissions, prévues au […] 210 A […] sont applicables : 1° S'agissant des fusions, aux opérations par lesquelles : a. Une ou plusieurs sociétés absorbées transmettent, par suite et au moment de leur dissolution sans liquidation, l'ensemble de leur patrimoine à une autre société préexistante absorbante, moyennant l'attribution à leurs associés de titres de la société absorbante et, éventuellement, d'une soulte ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale de ces titres […] » ; qu'il n'est pas contesté que l'opération réalisée par convention en date du 22 octobre 2002 conclue entre la société Cantin Parcs et Jardins et sa société mère a la nature d'une dissolution sans liquidation par laquelle la société Cantin Parcs et Jardins transmet au moment de sa dissolution l'intégralité de son patrimoine à la société GROUPE VOISIN ; que, dès lors, une telle opération est assimilable aux fusions définies à l'article 210 A par l'application des dispositions de l'article 210-0 A précitées ; que, par suite, la société GROUPE VOISIN est en droit de demander le bénéfice du régime institué par l'article 209 du code général des impôts susmentionné ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1 [...] le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises […] 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période [...] par les associés » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise, telle qu'elle résulte à cette date des opérations de toute nature faites par l'entreprise ; que, si parmi ces opérations figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise, qu'il s'agisse des droits et des obligations résultant de leurs stipulations ou des profits et des charges entraînés par leur exécution, doivent donc être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus, mais ne peuvent l'être dans le bilan précédent, expression de la situation de l'entreprise à une date à laquelle les contrats n'étaient pas encore conclus ; que, par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité peuvent affecter les résultats de la période au cours de laquelle de pareils contrats ont été effectivement conclus, mais ne peuvent en aucun cas conduire à rectifier ceux de la période précédente ;

Considérant qu'en application de ces règles, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante dans le cas de fusion ou opérations assimilées de deux sociétés prévu à l'article 209-II, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences de la fusion est le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention de fusion a été définitivement conclue ; que si les deux sociétés sont convenues, comme elles y sont d'ailleurs généralement contraintes par les délais nécessaires notamment à l'évaluation des apports et à la réunion des organes délibérants des deux personnes morales, de donner effet à la fusion à une date déterminée, antérieure à celle à laquelle la convention est définitivement conclue, rien ne s'oppose à ce que soient prises en compte toutes les conséquences de la date ainsi stipulée, à laquelle les effets de la fusion remontent, à la condition que ces conséquences restent sans influence sur le bilan de clôture du ou des exercices précédents, donc sur les bénéfices imposables de ceux-ci ;

Considérant qu'en l'espèce, la convention bipartite de dissolution sans liquidation de la société Cantin Parcs et jardins qui est, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, assimilable à une opération de fusion, a été définitivement conclue le 22 octobre 2002, soit avant le 31 décembre 2002, date de clôture de l'exercice ; que la date d'effet de cette fusion a été contractuellement fixée au 1er janvier 2002, date postérieure à celle de la clôture de l'exercice précédent ; que, dans ces conditions, les droits et obligations nés de cette convention ainsi que les profits et les charges résultant de son exécution doivent être rattachés aux résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2002 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GROUPE VOISIN aurait été en droit de déduire des bénéfices imposables de l'exercice 2002 les résultats déficitaires et les amortissements réputées différés de la société absorbée avec effet rétroactif au 1er janvier 2002 sous réserve d'obtenir l'agrément de l'article 209 II qu'elle sollicitait, une telle demande devant dès lors être accordée ou refusée au vu de l'examen du bilan de clôture des opérations au 31 décembre 2001 ; que, cependant, pour refuser l'agrément sollicité, l'administration fiscale s'est limitée à l'examen d'un bilan intermédiaire arrêté au 31 novembre 2002 en refusant de prendre en considération les opérations constatées au bilan de clôture au 31 décembre 2001 et a ainsi commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler la décision critiquée du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 15 avril 2003 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GROUPE VOISIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;


Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire quil n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société GROUPE VOISIN dans la présente instance et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :


Article 1er : Le jugement n° 0302683 du 22 juin 2006 du Tribunal administratif de Versailles, ensemble la décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 15 avril 2003, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société GROUPE VOISIN la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GROUPE VOISIN est rejeté.

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N° 06VE01622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE01622
Date de la décision : 11/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BOUILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-12-11;06ve01622 ?
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