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03/12/2007 | FRANCE | N°06VE01201

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 03 décembre 2007, 06VE01201


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, pour M. Guy Y, demeurant ..., par Me Sfez ; M. Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507423 en date du 24 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 juin 2002 par laquelle le directeur de la maison de retraite « La Pie Voleuse » a procédé à son licenciement, à ce qu'il soit enjoint au directeur de la maison de retraite « La Pie Voleuse » de procéder à sa réintégrati

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Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, pour M. Guy Y, demeurant ..., par Me Sfez ; M. Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507423 en date du 24 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 juin 2002 par laquelle le directeur de la maison de retraite « La Pie Voleuse » a procédé à son licenciement, à ce qu'il soit enjoint au directeur de la maison de retraite « La Pie Voleuse » de procéder à sa réintégration ou, à défaut, à la condamnation de cet établissement à lui verser la somme de 20 085,84 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette décision, majorée des sommes correspondant à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de congés payés et à l'indemnité de licenciement, à la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, à la condamnation de la maison de retraite « La Pie Voleuse » aux entiers dépens et à ce que soit ordonnée l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

2°) d'annuler la décision du 15 juin 2002 par laquelle le directeur de la maison de retraite « La Pie Voleuse » a procédé à son licenciement ;

3°) d'enjoindre à la maison de retraite de le réintégrer ou de la condamner à lui verser une somme totale de 25 645,85 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de condamner la maison de retraite « La Pie Voleuse » aux entiers dépens et à lui verser une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

5°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

Il soutient qu'il a été licencié car il faisait écrire ses renouvellements de prescription par le personnel infirmier ; que l'employeur a fait une lecture erronée ou de mauvaise foi de l'article 76 du code de déontologie médicale, confondant la prescription et l'acte matériel d'écriture de l'ordonnance ; que cette opération aurait pu être déléguée à une secrétaire médicale ; que cette organisation était due au fait que les patients étaient nombreux et qu'il n'officiait que le lundi, mercredi et le vendredi ; que l'article 76 n'impose pas au médecin la tâche de rédiger, de manière manuscrite, le corps du document médical ; que seule la signature du médecin doit être manuscrite ; qu'il signait lui-même ses ordonnances, visa qui matérialise clairement le contrôle par le médecin des prescriptions renouvelées auprès des pensionnaires ; qu'il s'agit de renouvellements et non de prescriptions initiales ; qu'il a travaillé pendant 20 ans au sein de cet établissement sans que l'employeur ne puisse déplorer un seul incident dû à cette pratique administrative durant toute cette période ; que sa pratique était connue depuis des années ; que la maison de retraite ne s'en est jamais émue jusqu'à présent ; qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée ; que les juges de première instance n'ont pas pris en considération l'évolution du droit de la santé et se sont attachés à la lettre des textes en faisant fi de leur esprit ; qu'en constatant que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le juge ordonnera sa réintégration avec ses avantages acquis ou à défaut condamnera la maison de retraite à lui verser des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis et de licenciement, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère vexatoire du licenciement au regard de son ancienneté et de son âge et une somme équivalente à la contribution Delalande ; que le tribunal a mis en exergue le lien de subordination en omettant de rappeler qu'il oeuvrait dans le cadre de vacations à temps partiel et que dans l'exercice de son art médical, il recouvrait toute liberté ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

Vu le décret n° 93-221 du 16 février 1993 ;

Vu le décret n° 95-1000 du 6 juillet 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Jarreau, premier conseiller ;

- les observations de Me Sfez ;

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 novembre 2007, présentée pour M. Y ;

Considérant que par une décision en date du 15 juin 2002, le directeur de la maison de retraite « La Pie Voleuse » a procédé au licenciement de M. Y, médecin non titulaire, en lui reprochant, d'avoir fait rédiger, depuis plusieurs années, les renouvellements de prescriptions médicales à l'attention des résidents de l'établissement par le personnel infirmier, en violation notamment de l'article 76 du code de déontologie médicale, même s'il signait ensuite ces prescriptions, et d'avoir persisté dans ce comportement malgré les avertissements qui lui ont été adressés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du décret n°91-155 du 6 février 1991 : « les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont : (…) 4°) le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 76 du décret n° 95-1000 du 6 juillet 1995 en vigueur à la date de la décision attaquée : « L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci » ; qu'aux termes de l'article 6 du décret n°2002-194 du 11 février 2002 applicable au moment des faits : « Outre les actes et activités visés aux articles 11 et 12, l'infirmier est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin : (…) Administration des médicaments (…) » et qu'aux termes de l'article 29 du décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières « déontologie » également applicable à la date de la décision attaquée : « L'infirmier ou l'infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur, ainsi que les protocoles thérapeutiques et de soins d'urgence que celui-ci a déterminés. Il vérifie et respecte la date de péremption et le mode d'emploi des produits ou matériels qu'il utilise. Il doit demander au médecin prescripteur un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile, notamment s'il estime être insuffisamment éclairé. L'infirmier ou l'infirmière communique au médecin prescripteur toute information en sa possession susceptible de concourir à l'établissement du diagnostic ou de permettre une meilleure adaptation du traitement en fonction de l'état de santé du patient et de son évolution. Chaque fois qu'il l'estime indispensable, l'infirmier ou l'infirmière demande au médecin prescripteur d'établir un protocole thérapeutique et de soins d'urgence écrit, daté et signé. En cas de mise en oeuvre d'un protocole écrit de soins d'urgence ou d'actes conservatoires accomplis jusqu'à l'intervention d'un médecin, l'infirmier ou l'infirmière remet à ce dernier un compte rendu écrit, daté et signé » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y a enjoint au personnel infirmier de rédiger des projets de renouvellement de prescriptions médicales destinées aux résidents de la maison de retraite « La Pie Voleuse » avant de les signer après les avoir éventuellement corrigés ; qu'il a ainsi méconnu les dispositions précitées du décret n° 2002-194 du 11 février 2002 et n° 93-221 du 16 février 1993 dont il résulte qu'il n'entre pas dans les compétences des infirmiers et infirmières de rédiger des projets d'ordonnances portant renouvellement de prescriptions, quand bien même seraient-elles ultérieurement signées par un médecin ; qu'en dépit de multiples rappels à l'ordre sur ce point, émanant tant de la direction de l'établissement que du médecin inspecteur de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, M. Le Maréchal a refusé de modifier son comportement, de sorte que l'établissement a dû organiser et rémunérer l'intervention d'un autre médecin afin que le traitement des pensionnaires ne soit pas interrompu ; que les faits reprochés à M. Y sont de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire ; que, compte tenu de la gravité de la faute commise par l'intéressé , et même si l'établissement des projets de prescriptions par le personnel infirmier a été toléré par la direction de l'établissement jusqu'à la publication du décret susvisé du 11 février 2002, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que s'il est allégué que la décision aurait été prise dans un but autre que de mettre fin à ces comportements, le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi ; que, par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2002 prononçant son licenciement ; qu'en conséquence, les conclusions de M. Y tendant à ce que la Cour enjoigne à la maison de retraite de le réintégrer ne peuvent être que rejetées ;

Considérant que dès lors que la décision attaquée n'est pas entachée d'illégalité, la maison de retraite « La Pie Voleuse » n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative, les arrêts des cours administratives d'appel sont exécutoires ; que, par suite les conclusions de M. Y tendant à l'exécution provisoire du présent arrêt sont sans objet ; que, par suite, elles doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Considérant qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la maison de retraite « La Pie Voleuse » qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner à M. Y à verser une somme de 1500 € à la maison de retraite « La Pie Voleuse » au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.

Article 2 : M. Y versera à la maison de retraite « La Pie Voleuse » une somme de 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 06VE01201 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE01201
Date de la décision : 03/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BLIN
Rapporteur ?: Mme Brigitte JARREAU
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SFEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-12-03;06ve01201 ?
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