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16/10/2007 | FRANCE | N°05VE00167

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 octobre 2007, 05VE00167


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2005 en télécopie et le 4 février 2005 en original, la requête sommaire, ensemble le mémoire ampliatif, enregistré le 11 mars 2005, présentés pour la SOCIETE COMPASS GROUP FRANCE Enseignement Santé et Services hospitaliers, dont le siège est 40 boulevard de Dunkerque à Marseille (13002), par Me Pascale Poupelin, avocat au barreau de Paris ;

La société demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0103730 en date du 3 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a fait droit que partielleme

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Vu la requête, enregistrée le 3 février 2005 en télécopie et le 4 février 2005 en original, la requête sommaire, ensemble le mémoire ampliatif, enregistré le 11 mars 2005, présentés pour la SOCIETE COMPASS GROUP FRANCE Enseignement Santé et Services hospitaliers, dont le siège est 40 boulevard de Dunkerque à Marseille (13002), par Me Pascale Poupelin, avocat au barreau de Paris ;

La société demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0103730 en date du 3 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a fait droit que partiellement à sa demande de condamnation de la commune de Goussainville à réparer les conséquences dommageables de la décision de résiliation de la convention de délégation du service public de la restauration collective communale conclue le 5 janvier 2001 ;

2°) de condamner la commune de Goussainville à lui payer la somme de 1 608 371,80 euros avec intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Goussainville le versement de la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE COMPASS GROUP France demande réparation du préjudice résultant de la résiliation par la commune de Goussainville, le 5 avril 2001, de la convention de délégation du service public de restauration collective conclue avec cette commune le 5 janvier 2001 ; elle soutient à titre principal que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que la convention en litige était entachée de nullité en raison de l'absence de mention de la durée de la concession dans les documents de l'appel public à la concurrence ;

Elle soutient à titre subsidiaire qu'elle détient un droit à réparation du fait de la faute quasi-délictuelle commise, à titre exclusif, par la commune ; que cette faute flagrante résultant de l'irrégularité de la procédure de passation du contrat est imputable à la seule commune ; que le lien de causalité entre cette faute et les préjudices subis est établi, de même que l'étendue de ces préjudices s'élevant à 1 608 371,80 euros ;

Elle soutient encore, à titre subsidiaire, que la décision de résiliation est illégale en raison de son caractère abusif, de sa motivation lacunaire et imprécise, de son absence de fondement au titre de l'intérêt général ; que la convention de délégation de service public n'est pas entachée d'illégalité ; que son « périmètre » pouvait être étendu aux services de la commune et à ceux des CCAS ; qu'elle ne porte aucune atteinte à l'égalité entre les candidats en ce qui concerne la période transitoire ; que la convention a été signée au terme d'une procédure régulière, la commission d'appel d'offres, régulièrement composée, ayant statué compétemment et ayant fait porter son examen sur les garanties professionnelles des candidats, le comité technique paritaire n'ayant pas à être saisi ; qu'elle a droit à la réparation de son entier préjudice s'élevant à 10 550 227, 38 F, soit 1608 371,80 euros, dont 6 382 674, 50 F et 1 300 000 F au titre de la privation du bénéfice escompté et 1 867 552,88 F au titre des frais engagés en pure perte ainsi que 3 000 000 F au titre de la résiliation abusive et brutale du contrat ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2007 :

- le rapport de M. Evrard, président assesseur ;

- les observations de Me Pelé pour la SOCIETE COMPASS GROUP France ;

- les observations de Me Legentilhomme pour la commune de Goussainville ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par une convention conclue le 5 janvier 2001 pour une durée de dix-huit ans, la commune de Goussainville a confié à la société Scolarest, aujourd'hui dénommée SOCIETE COMPASS GROUP FRANCE Enseignement Santé et Services hospitaliers, le service public de restauration collective municipale ; qu'à ce titre, la société a été chargée de réaliser une cuisine centrale et de préparer et fournir des repas à plusieurs services de la commune ; que, par délibération du 5 avril 2001, notifiée le 6 avril 2001, le conseil municipal de Goussainville a décidé de résilier la convention pour un motif d'intérêt général tenant à la nécessité, pour la commune, de conduire une réflexion sur le mode de gestion du service de restauration collective, sur l'organisation d'un tel service et sur la durée de la relation contractuelle ;

Sur la nullité de la convention du 5 janvier 2001 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. /Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. Les garanties professionnelles sont appréciées notamment dans la personne des associés et au vu des garanties professionnelles réunies en son sein. Les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées peuvent être admises à présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes. /La commission mentionnée à l'article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés prévue à l'article L. 323-1 du code du travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. /La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. /Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. » et qu'aux termes de l'article R. 1411-1 du même code : « L'autorité responsable de la personne publique délégante doit satisfaire à l'exigence de publicité prévue à l'article L. 1411-1 par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné. /Cette insertion précise la date limite de présentation des offres de candidature, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication. Elle précise également les modalités de présentation de ces offres et mentionne les caractéristiques essentielles de la convention envisagée, notamment son objet et sa nature. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la fixation de la durée d'une convention de délégation de service public ou, à défaut, l'indication des conditions dans lesquelles la collectivité délégante appréciera les offres au regard de la durée de contrat qu'elles proposent, constitue une caractéristique de la convention envisagée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que ni l'avis d'appel public à la concurrence, ni le dossier de consultation ne mentionnaient la durée de la convention de concession par laquelle la commune de Goussainville entendait déléguer le service public de restauration collective municipale étendu aux établissements scolaires et aux personnes âgées ainsi qu'à la construction d'une cuisine centrale ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces produites que la collectivité concédante ait indiqué aux candidats qu'elle apprécierait leurs offres au regard de la durée de contrat qu'ils proposent ; que, par suite, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a pu en déduire légalement que cette omission constituait un manquement aux obligations de publicité entachant la procédure de passation du contrat ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont constaté la nullité de la convention du 5 janvier 2001 ;

Sur la légalité de la décision de résiliation de la convention :

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la convention du 5 janvier 2001 est nulle et doit être regardée comme n'ayant jamais été conclue ; que, par suite, les conclusions dirigées contre la décision de résiliation de cette convention sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Goussainville à verser à la société Scolarest la somme de 101 865,79 euros en réparation des dépenses engagées en pure perte par cette dernière en vue de l'exécution de la convention dont la nullité a été constatée, mais a rejeté, d'une part, les demandes indemnitaires fondées sur la responsabilité contractuelle de la commune et, d'autre part, la demande de réparation des bénéfices dont la société a été privée du fait de la nullité du contrat résultant de la faute commise par la commune lors de la conclusion de la convention ;

En ce qui concerne l'indemnisation de la rupture abusive de la convention :

Considérant que la constatation de la nullité de la convention fait obstacle à ce que la société concessionnaire puisse invoquer une faute contractuelle de la personne publique concédante ; que, par suite, les conclusions de la société tendant à ce que la Cour condamne la commune de Goussainville à lui verser une somme de 3 000 000 F en réparation du préjudice résultant de la rupture « brutale et abusive » de la convention doivent être rejetées ;

En ce qui concerne l'indemnisation des dépenses engagées en pure perte :

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer à la collectivité envers laquelle il s'était engagé, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, la réparation intégrale du dommage imputable à cette faute ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité la réparation aux seules dépenses engagées en pure perte en vue de l'exécution du contrat de restauration collective municipale ;

En ce qui concerne l'indemnisation de la perte des bénéfices escomptés :

Considérant qu'en raison de sa nullité, le contrat conclu le 5 janvier 2001 n'a pu faire naître d'obligations à la charge des parties ; que, dès lors, les conclusions, présentées sur un fondement contractuel doivent être rejetées ; que, toutefois, le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et, le cas échéant, demander à ce titre le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant que la société requérante, qui ne fonde pas son action sur l'enrichissement sans cause de la commune, ne recherche pas le remboursement des dépenses utiles, mais demande la condamnation de la commune à lui verser les sommes de 6 382 674,50 F HT et 1 300 000 F en réparation des bénéfices dont la société Scolarest a été privée du fait de la faute de la commune résultant de l'irrégularité de la procédure ;

Considérant qu'en ne mentionnant ni dans l'avis d'appel public à la concurrence, ni dans le dossier de consultation la durée de la convention de concession et en la fixant ultérieurement à dix-huit années par entente directe avec le candidat retenu, la commune a commis une faute qui engage sa responsabilité ; que, de son côté, la société Scolarest a commis une faute en acceptant une clause dont elle ne pouvait ignorer l'illégalité au regard des dispositions en vigueur ; que, dans ces circonstances, elle a commis une imprudence fautive qui, dans les circonstances de l'espèce, exonère la commune de sa responsabilité pour 40 % ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bénéfice dont la société requérante a été privée du fait de la faute de la commune doit être calculé par référence à la rémunération prévisionnelle dont elle a été privée pendant toute la durée prévue de la concession, soit 0,95 F hors taxe par repas pour 359 310 repas prévus par année et ce durant dix-huit ans et huit mois et demi ; que la perte de bénéfice ainsi calculée s'élève à 6 382 674,50 F hors taxes, soit 972 032,45 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité mentionné ci-dessus, la société requérante est fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser la somme de 648 688,30 euros ;

Considérant que si la société demande également l'indemnisation du gain manqué sur les repas qui auraient pu livrés à des tiers extérieurs, le préjudice qu'elle invoque est purement éventuel, la fourniture de repas et de prestations de restauration présentant, aux termes du cahier des charges et du contrat signé, un caractère facultatif, à la seule initiative de la commune ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société COMPASS GROUP France est seulement fondée à demander que le montant de l'indemnité que la commune de Goussainville doit lui verser soit portée à la somme de 648 688,30 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que la société requérante a droit aux intérêts sur la somme de 648 688,30 euros à compter du 6 juin 2001, date de réception par la commune de Goussainville de sa demande préalable ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Goussainville à verser à la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 101 865,79 euros que la commune de Goussainville a été condamnée par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 décembre 2004 à verser à la société Scolarest est portée à 648 688,30 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2001.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE COMPASS GROUP FRANCE Enseignement Santé et Services hospitaliers et les conclusions de la commune de Goussainville sont rejetés.

Article 4 : La SOCIETE COMPASS GROUP FRANCE Enseignement Santé et Services hospitaliers versera la somme de 1 500 euros à la commune de Goussainville en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 05VE00167 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00167
Date de la décision : 16/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIPOULON
Rapporteur ?: M. Jean-Paul EVRARD
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : POUPELIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-10-16;05ve00167 ?
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