Vu la requête, enregistrée en télécopie le 1er juin 2005 au greffe de la Cour et régularisée en original le 6 juin 2005, présentée pour M. Jean-Yves X, demeurant ..., par Me Nonnon ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300668 en date du 24 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 1985 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation le révoquant sans suspension de ses droits à pension, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 354 076,62 € ;
2°) d'annuler l'arrêté susvisé du 6 mai 1985 ;
3°) de condamner l'Etat, après reconstitution de sa carrière, à lui verser 11 196,44 € au titre de la période du 6 mai 1985 au 31 décembre 1985, 301 849,05 € au titre de la période du 1er janvier 1986 au 30 septembre 1999, 78 043,64 € au titre de rappel de pension de retraite du 1er octobre 1999 au 28 février 2005 et 1 178,97 € par mois du 1er mars 2005 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, ces sommes étant abondées des intérêts de droit, ainsi que 100 000 € au titre de perte de chance de carrière et 200 000 € au titre de dommages- intérêts ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 7 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que, faute d'avoir pu répondre au mémoire en défense de l'administration, le principe du contradictoire a été méconnu ; que la réalité des menaces de mort qu'il aurait proférées à l'encontre de sa hiérarchie et d'autres personnes n'est pas établie ; que s'il a été condamné par un jugement du Tribunal correctionnel d'Evry du 1er mars 1985 pour des faits de menaces sous condition avec arme commis le 7 octobre 1984, il n'a jamais été démontré qu'il avait fait usage d'un fusil armé alors qu'il s'agissait d'une simple matraque ; que le comportement agressif et les refus d'obéissance qui lui sont reprochés ne sont pas plus établis ; que s'il était irritable en raison de graves problèmes de santé ayant nécessité, à partir de 1982, de nombreux arrêts de travail et de lourds traitements à base d'anxiogènes et de neuroleptiques, la sanction litigieuse est disproportionnée par rapport aux seuls faits avérés ; qu'il a, en réalité, été sanctionné en sa qualité de militant syndical revendicatif et actif dans la défense de ses mandants, alors que ses notations pour les années 1981 et 1982 établissent son comportement de bon fonctionnaire attaché à ses fonctions et compétent ; que sa carrière doit être reconstituée en conséquence de l'annulation de sa révocation ; qu'il a droit aux indemnités correspondantes ainsi qu'à la revalorisation du montant de sa retraite, soit au total la somme de 391 089,13 € abondée des intérêts au taux légal ; que l'indemnisation de la perte de chance de faire une carrière normale justifie l'octroi d'une indemnité de 100 000 € ; que l'indemnisation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence doit être évaluée à 200 000 € ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu la loi n° 66-492 du 9 juillet 1966 modifiée portant organisation de la police nationale ;
Vu le décret n° 68-70 du 24 janvier 1968 modifié fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2007 :
- le rapport de M. Dacre-Wright, président ;
- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : « …La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties … » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la demande introductive d'instance présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a produit un mémoire en défense le 4 mars 2005 ; que la communication de ce mémoire à M. X a été faite le 7 mars 2005 ; que l'affaire étant venue à l'audience publique du 10 mars 2005, le délai dont M. X a disposé pour prendre connaissance du mémoire en défense du ministre et éventuellement y répondre n'a pas été suffisant pour que le principe du contradictoire de l'instruction puisse être regardé comme ayant été respecté à l'égard du requérant ; que celui-ci est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander pour ce motif l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 1985 :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que M. X fait valoir que si le rapport en date du 7 octobre 1984 rédigé par le brigadier Uranie lui avait été communiqué, il n'aurait pas manqué de récuser ce dernier qui siégeait en qualité de représentant du personnel à la commission administrative paritaire ; qu'il en déduit que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; qu'en se bornant à se référer à l'impossibilité où il se serait trouvé de mettre en oeuvre un droit de récusation qu'au demeurant aucune disposition législative ou réglementaire ne lui conférait, M. X n'établit pas le caractère incomplet du dossier dont il n'allègue pas ne pas avoir eu connaissance avant la séance disciplinaire du 10 janvier 1985 de la commission administrative paritaire interdépartementale compétente, qui a émis un avis favorable au prononcé à son encontre de la sanction disciplinaire de la révocation ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à au moins deux reprises, le 25 avril 1984 et le 4 juin 1984, M. X a refusé d'accomplir les ordres de ses supérieurs hiérarchiques et a quitté le service sans y être autorisé ; qu'il a proféré par téléphone le 6 octobre 1984, étant hors service, des menaces de mort à l'encontre d'un garde de l'Office national de la chasse ; qu'il a été condamné par un jugement devenu définitif du Tribunal de grande instance d'Evry en date du 1er mars 1985 à 2 500 F d'amende pour avoir le 7 octobre 1984, étant hors service, menacé deux personnes privées avec une arme ; que, sur ce dernier point, le doute existant sur la nature de l'arme en question n'enlève rien à la violence du comportement de M. X, établie par le compte rendu des policiers intervenus à cette occasion et sanctionnée par le juge pénal ;
Considérant que si M. X soutient qu'il était, à l'époque des faits, soumis à de lourds traitements à base d'anxiogènes et de neuroleptiques qui ont pu être à l'origine d'un comportement désordonné et irrationnel, il ressort des certificats médicaux qu'il a lui-même produits devant le tribunal administratif, notamment du certificat en date du 16 novembre 1984 délivré en cours d'hospitalisation, qu'il devait bénéficier d'une cure de désintoxication alcoolique dès le début du mois de décembre 1984 ; que, dans ces conditions, les faits rapportés ci-dessus ne sauraient être expliqués par le seul effet des médicaments qui lui étaient prescrits ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure disciplinaire prise à l'encontre de M. X ait eu, en réalité, pour objet de sanctionner son action en qualité de représentant syndical ;
Considérant, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs énoncés par le ministre défendeur à l'encontre de M. X, que les faits qui viennent d'être cités, qui doivent être tenus pour matériellement exacts et qui étaient de nature à porter la déconsidération sur le corps de la police nationale auquel il appartenait, pouvaient légalement justifier une sanction disciplinaire alors même que l'intéressé n'avait pas été mal noté par ses supérieurs hiérarchiques en 1981 et 1982 ; qu'en prononçant à raison de ces faits la sanction de la révocation, qui n'est pas disproportionnée par rapport aux fautes commises par l'intéressé, le ministre de l'intérieur et de la décentralisation s'est livré à une appréciation qui n'est pas entachée d'erreur manifeste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté susvisé du 6 mai 1985 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'en l'absence de faute commise par le ministre de l'intérieur et de la décentralisation en révoquant M. X, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée envers le requérant ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser, après reconstitution de sa carrière, les indemnités qu'il réclame ;
Considérant que, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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