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27/03/2007 | FRANCE | N°05VE00266

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 27 mars 2007, 05VE00266


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2005 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour la société anonyme BREDY, qui a son siège 63 rue Albert Dhalenne à Saint-Ouen (93407), par Me René Hoin, avocat au barreau de Paris ;

La SA BREDY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0009945 en date du 14 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier

1991 au 31 décembre 1992 et des pénalités dont ces droits ont été assortis ;

2°...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2005 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour la société anonyme BREDY, qui a son siège 63 rue Albert Dhalenne à Saint-Ouen (93407), par Me René Hoin, avocat au barreau de Paris ;

La SA BREDY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0009945 en date du 14 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992 et des pénalités dont ces droits ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'administration a appliqué à tort l'article 1740 octies du code général des impôts, alors que sa situation relevait de l'article 1926 alinéa 3 du même code qui prévoit qu'en matière de TVA, la remise de toutes les pénalités et la limitation des intérêts de retard à ceux dus six mois avant jugement déclaratif ; que la notification de redressement du 6 juin 1994 comporte, en matière de TVA, une motivation par référence à la motivation relative aux suppléments d'impôt sur les sociétés qui ne répond pas aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que les dispositions des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts sont contraires aux objectifs de la sixième directive, dans la mesure où, la TVA ayant été facturée et payée par une entreprise assujettie, le Trésor français n'a subi aucun préjudice ; que l'application systématique et automatique du code est contraire au principe de neutralité de la TVA contenu dans la cette directive, selon la jurisprudence de la cour de justice européenne, notamment de la décision Schmeink, Cofreth et Manfred Strobel du 19 septembre 2000 ; que l'administration puis le tribunal n'ont pas tenu compte de l'avis de la commission départementale des impôts qui a estimé, en matière d'impôt sur les sociétés, que la matérialité des prestations était établie et a émis un avis favorable à l'abandon des redressements ; que si elle s'est estimée incompétente pour le litige de TVA, son appréciation de la réalité des prestations de conseil technique et de prospection commerciale aurait du être prise en compte ; qu'ainsi la Cour doit prononcer la décharge des rappels en litige ou, à titre subsidiaire, limiter le montant des pénalités et intérêts de retard au montant prévu par le 3° de l'article 1926 du code général des impôts ;

………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2007 :

- le rapport de M. Evrard, président-assesseur ;

- les observations de Me Houin pour la SA BREDY ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SA BREDY relève appel du jugement en date du 14 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992 et des pénalités dont ces droits ont été assortis ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement adressée le 6 juin 1994 à la SA BREDY comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent, tant en matière d'impôt sur les sociétés qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la proposition de redressement présentée par le vérificateur ; qu'elle répond ainsi aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que la SA BREDY fait valoir que la procédure de redressement dont elle a fait l'objet est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration n'a pas donné suite à sa demande d'entrevue avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, en méconnaissance des indications contenues au paragraphe 5 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration » ; que le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte indique que « Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal... Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à la notification de redressements reçue le 8 juin 1994, l'administrateur judiciaire de la société requérante a fait connaître, par lettre du 28 juin 1994, son désaccord sur les redressements envisagés et a indiqué qu'il souhaitait rencontrer le directeur divisionnaire des impôts, supérieur hiérarchique du vérificateur ; que cette demande, formulée avant la confirmation des redressements par le vérificateur et qui n'a pas été réitérée, ne rentre pas dans le cadre des prévisions du paragraphe 5 précité du chapitre II de la charte ; que, dès lors, la société n'est pas fondée à en invoquer la méconnaissance par l'administration ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 3 de l'article 18 de la sixième directive susvisée du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, il appartient aux Etats membres de prévoir, dans leurs ordres juridiques internes, la possibilité de correction de toute taxe indûment facturée dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi ; qu'aux termes du 8 de l'article 22 de la même directive : « Sans préjudice des dispositions à arrêter en vertu de l'article 17 paragraphe 4, les Etats membres ont la faculté de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude. » ;

Considérant que les dispositions combinées des articles 272 ;2 et 283 ;4 du code général des impôts ne font pas obstacle à ce qu'un assujetti qui a délivré une facture puisse délivrer à son client une facture rectificative, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée a été facturée à tort de bonne foi, dans les conditions prévues à l'article 272 ;1 du même code de façon à ce qu'il puisse récupérer la taxe acquittée au Trésor et que son client soit autorisé à déduire ladite taxe à réception de la facture ; que, par suite, la SA BREDY n'est pas fondée à soutenir que les dispositions des articles 272 ;2 et 283 ;4 du code général des impôts, lesquelles ont pour objet de lutter contre la fraude fiscale, seraient contraires à l'article 22 paragraphe 8 de la sixième directive et au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en application des dispositions combinées des articles 271-1, 272-2 et 283-4 du code général des impôts, ainsi que de l'article 223-1 de l'annexe II à ce même code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir que la société facturière n'avait pas d'activité réelle ou qu'elle n'avait pas effectivement fourni de marchandise ou de prestation de services et que les factures qu'elle émettait étaient des factures fictives ou de complaisance ; que, dans ce cas, il revient au contribuable de justifier que la facture qu'il a réglée correspond néanmoins à une marchandise réellement fournie ou à une prestation réellement exécutée ;

Considérant que la SA BREDY a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992, à l'issue de laquelle le vérificateur a remis en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé les factures émises par M. X, M. Y, la société Seatib et la société Ats, au motif que la société vérifiée n'avait pas démontré le caractère effectif des prestations faisant l'objet des factures émanant de ces prestataires de services ; que la SA BREDY invoque son droit à déduction de la taxe en faisant valoir que les honoraires qu'elle a payés ont rémunéré des prestations d'assistance administrative et commerciale accomplies par les personnes et sociétés susmentionnées en vue de lui permettre d'obtenir plusieurs marchés importants ;

En ce qui concerne les droits rappelés afférents aux factures de MM. X et Y :

Considérant que la société requérante produit, en ce qui concerne ses relations avec M. X un contrat conclu le 5 novembre 1987 confiant à cet agent d'affaires une mission de prospection et de détection d'affaires commerciales nouvelles et, en ce qui concerne M. Y une convention générale signée le 13 novembre 1989 et deux conventions particulières complémentaires confiant à l'intéressé une mission d'assistance technico-commerciale dans le domaine de la recherche et le développement de clients potentiels ; que si le ministre fait valoir que ces missions sont libellées en termes généraux et que la société n'a produit aucun document matérialisant la réalisation de ces missions, aucune stipulation de ces conventions ne prévoyait ni n'impliquait que l'intervention de pure entremise de M. X et de M. Y dût laisser de traces écrites ou donner lieu à la rédaction de documents ; que les allégations de l'administration ne suffisent pas à établir l'absence de réalité de l'entremise commerciale effectuée par M. X et M. Y, entremise ayant permis l'obtention de marchés en contrepartie d'une commission ; qu'il s'ensuit que l'administration ne pouvant être regardée comme apportant la preuve, dont elle supporte la charge, de l'absence de prestation effective, la SA BREDY pouvait à bon droit déduire la taxe sur la valeur ajoutée assise sur les honoraires en cause ; qu'elle est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne les droits rappelés afférents aux factures de la société Seatib :

Considérant que, s'agissant des factures établies les 9 mai, 20 mai, 27 mai et 26 août 1991 par la société Seatib, l'administration fait valoir que celle-ci n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, qu'elle est inconnue de l'administration fiscale et que son établissement en France n'est qu'une adresse de domiciliation ; que la production par la société requérante de diverses correspondances échangées avec la société Seatib relatives à l'achèvement de sa mission ne suffit pas à démontrer que les prestations d'assistance commerciale qui lui ont été facturées ont été effectivement exécutées dès lors qu'aucun élément n'établit qu'elle aurait obtenu un marché grâce à l'intervention de cette société ; que l'administration doit, dans ces conditions, être regardée comme apportant la preuve de l'absence de prestation ouvrant droit à déduction ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1740 octies, l'administration, a prononcé la remise des pénalités fiscales dues par la SA BREDY en matière d'impôt sur les sociétés et en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de cette société, à l'exception de la majoration exclusive de bonne foi prévue à l'article 1729 de ce code ; que contrairement à ce que soutient la requérante, ces dispositions, issues de l'article 31 II de la loi du 10 juin 1994 et entrées en vigueur le 1er octobre 1994, étaient applicables à sa situation, compte tenu de l'intervention, le 17 décembre 1996, du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à demander, à titre subsidiaire, l'application des dispositions du 3° de l'article 1926 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA BREDY est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférente aux honoraires d'assistance commerciale versés à M. X et à M. Y et à demander la réformation sur ce point de ce jugement ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SA BREDY une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La SA BREDY est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992, à concurrence de ceux qui résultent de la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures émises par M. X et par M. Y.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 14 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus de la requête de la SA BREDY est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SA BREDY au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 05VE00266 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00266
Date de la décision : 27/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIPOULON
Rapporteur ?: M. Jean-Paul EVRARD
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : HOIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-03-27;05ve00266 ?
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