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26/10/2006 | FRANCE | N°05VE02116

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 26 octobre 2006, 05VE02116


Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, présentée pour M. Mohamed X, demeurant au ..., par Me Gallais ; M. Mohamed X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305248 en date du 3 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 31 juillet 2003 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision du 19 novembre 2003 rejetant son recours gracieux, et tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet

des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation pr...

Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, présentée pour M. Mohamed X, demeurant au ..., par Me Gallais ; M. Mohamed X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305248 en date du 3 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 31 juillet 2003 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision du 19 novembre 2003 rejetant son recours gracieux, et tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler les décisions susvisées du 31 juillet 2003 et du 19 novembre 2003 du préfet des Yvelines ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa demande de titre de séjour, dans un délai de 30 jours sous astreinte de 152 € par jour de retard ;

4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision du 31 juillet 2003 du préfet des Yvelines est insuffisamment motivée ; qu'en effet, le préfet devait vérifier s'il pouvait prétendre à l'admission au séjour dans le cadre des stipulations de l'accord franco-marocain et des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 complétant cet accord ; qu'il n'a jamais demandé un titre de séjour pour « soins » ; que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de sa demande fondée sur l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et sur le droit au respect de sa vie familiale ; qu'ainsi le préfet n'a pas procédé à un nouvel examen de sa situation ; que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit puisqu'elle examine la demande au regard de l'article 12 bis 11° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que le préfet a dénaturé sa demande ; qu'elle méconnaît l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et familiale ; que l'annulation du refus de séjour pour violation du droit au respect de la vie privée et familiale implique nécessairement qu'il soit fait injonction au préfet des Yvelines de délivrer un titre de séjour dès lors qu'aucun changement n'est intervenu dans la situation de droit ou de fait du requérant depuis la décision en litige ;

………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord du 9 octobre 1987 modifié entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

Vu l'ordonnance n° 45-68 du 2 novembre 1945 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2006 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

- les observations de Me Gallais pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / …7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus … » ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. X, qui est de nationalité marocaine et qui est né en 1969, est entré en France en 2000 pour y rejoindre son père ; que ce dernier, qui est né en 1925 et qui est titulaire de la croix du combattant, réside en France depuis plus de 50 ans et bénéficie d'une carte de résident ; que l'état de santé de celui-ci, âgé de 78 ans à la date des décisions attaquées, ne lui permettait plus d'accomplir les gestes de la vie quotidienne et nécessitait l'aide d'une tierce personne ; que si l'une de ses filles résidait en France, elle n'était pas en mesure, compte tenu de sa situation familiale et professionnelle, de procurer au père de M. X l'aide quotidienne dont il a besoin ; que, dès lors, M. X apporte à son père une aide indispensable qu'aucun autre membre de sa famille en France n'est en mesure de lui procurer ; que, dans ces conditions, l'arrêté du 31 juillet 2003 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de délivrer à M. X une carte de séjour, ensemble la décision du 19 novembre 2003 par laquelle la même autorité a rejeté le recours gracieux de M. X, ont porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises et ont méconnu les stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911 ;1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'eu égard aux motifs du présent arrêt et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. X se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention des décisions attaquées, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Yvelines de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » dans le délai deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 3 octobre 2005 du Tribunal administratif de Versailles et la décision du 31 juillet 2003 du préfet des Yvelines refusant de délivrer un titre de séjour à M. X, ensemble la décision du 19 novembre 2003 de la même autorité rejetant le recours gracieux de l'intéressé sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 05VE02116
Date de la décision : 26/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : GALLAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-10-26;05ve02116 ?
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