Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 22 décembre 2004, présentée pour la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE, venant aux droits de la société Générale de restauration, dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice, par Me Dal Farra ; la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 0004874, 0103875, 0303921 et 0305012 du 4 octobre 2004 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la commune de Draveil à lui verser, d'une part, la somme de 2 213 411 euros en réparation des conséquences dommageables de la résiliation du contrat conclu le 10 septembre 1990, par lequel la commune de Draveil lui a confié le service de restauration scolaire et municipale, décidée par délibération du conseil municipal en date du 20 juin 2000 et, d'autre part, la somme de 191 767,10 euros correspondant au montant de factures impayées ;
2°) de condamner la commune de Draveil à lui verser les sommes de 191 767,10 euros au titre des prestations réalisées et restées impayées et de 2 123 060,60 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la résiliation du contrat d'affermage, ainsi que les intérêts au taux légal, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
3°) de modifier la mission de l'expert désigné par le tribunal ;
4°) de condamner la commune de Draveil à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a qualifié de marché public le contrat conclu avec la commune de Draveil le 10 septembre 1990 et modifié par l'avenant n° 1 du 15 janvier 1993 et l'a, en conséquence, annulé pour non respect des règles de passation du code des marchés publics, alors qu'il constitue une délégation de service public ; qu'en effet, sa propre rémunération était constituée de recettes calculées en fonction des résultats de l'exploitation, lesquels étaient déterminés par le niveau de fréquentation du service ; que les modalités du calcul de sa rémunération faisaient peser sur elle un risque financier en fonction de la fréquentation du service ; que la clause de révision du prix du repas en cas de variation de plus de 5 % du nombre des repas commandés ne supprimait pas le risque d'exploitation qu'elle supportait ; que ce risque, même limité à 5 %, représentait un impact considérable sur son bénéfice ; qu'ainsi, la Cour annulera le jugement en tant qu'il s'est fondé sur la nullité du contrat litigieux pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées sur un fondement contractuel ; que la convention ayant été résiliée pour un motif d'intérêt général, elle a droit à l'indemnité de résiliation prévue par l'article 54-1 de l'avenant n° 1 au contrat d'affermage ; que les demandes reconventionnelles présentées par la commune de Draveil sont infondées dès lors que la société a respecté ses engagements et qu'aucune faute contractuelle ne peut lui être reprochée ; qu'ainsi, s'agissant des dépenses financées par crédit-bail dont la commune demande le remboursement, d'une part, elles correspondent à des travaux dont la consistance et le coût avaient été fixés par le contrat et ses avenants ou à des investissements en équipements et matériels autorisés au titre du contrat et, d'autre part, les travaux réalisés par la société sous sa propre maîtrise d'ouvrage avaient la nature de prestations de travaux à forfait dont seule la complète et parfaite réalisation au coût convenu, qui n'est pas contestée, importait à la commune ; que, s'agissant de l'augmentation du prix des repas, elle est intervenue à la date convenue ; qu'à titre subsidiaire, si la Cour devait juger que le contrat est entaché de nullité, elle fera intégralement droit à sa demande indemnitaire sur un fondement extra-contractuel ; qu'ainsi, la ville de Draveil est seule responsable du choix de la procédure de passation du contrat conclu le 10 septembre 1990, de sorte que les premiers juges ne pouvaient, sans commettre une erreur d'appréciation, laisser à la charge de la société 40 % des conséquences dommageables de la nullité de ce contrat ; que la demande d'indemnisation d'un montant de 191 767,10 euros, correspondant au montant de six factures émises par la société et restées impayées, qui a été rejetée par le tribunal administratif sur le terrain contractuel, devra être examinée par la Cour sur celui de l'enrichissement sans cause ; que c'est à tort que les premiers juges ont admis que certaines dépenses de la société auraient pu constituer pour elle un enrichissement sans cause au détriment de la commune de Draveil en se fondant sur le non respect des dispositions du contrat, alors qu'ils ont, par ailleurs, jugé que ce contrat était nul ; qu'il y a lieu, en conséquence, pour la Cour de réformer la mission d'expertise ordonnée par le tribunal afin qu'elle ne comporte plus le chiffrage des dépenses dont la commune serait en droit de prétendre au remboursement sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2006 :
- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;
- les observations de Me Dal Farra, avocat de la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE, et de Me Théobald, substituant Me Valadou, avocat de la commune de Draveil ;
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un contrat conclu le 10 septembre 1990, la commune de Draveil a confié à la société Générale de restauration, aux droits de laquelle vient la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE, le service de restauration scolaire et municipale pour une durée de cinq ans ; que, par un avenant n° 1 conclu le 15 janvier 1993, la commune de Draveil a confié à la société le même service pour une durée de quinze ans et, en outre, la réalisation des travaux de réaménagement des points de distribution ; que cet avenant, qui bouleverse les conditions du contrat initial, constitue, nonobstant sa dénomination, un nouveau contrat qui s'est substitué au précédent ; que le conseil municipal de la commune de Draveil, par une délibération du 26 juin 2000, a résilié ce contrat pour un motif d'intérêt général ; que, saisi par la société de demandes tendant, notamment, à l'annulation de cette délibération et à la condamnation de la commune de Draveil au paiement d'une indemnité de résiliation d'un montant de 2 213 411 euros et de six factures non honorées, d'un montant de 191 761, 10 euros, correspondant à des prestations réalisées, le Tribunal administratif de Versailles, par le jugement attaqué, a constaté la nullité du contrat ; qu'il a, en conséquence, jugé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande dirigée contre la délibération prononçant la résiliation de celui-ci et a rejeté les demandes indemnitaires de la société présentées sur un fondement contractuel ; qu'en revanche, s'agissant de la demande de paiement d'une indemnité de résiliation, les premiers juges, estimant que la société était en droit d'obtenir une indemnisation sur le terrain de l'enrichissement sans cause et sur le fondement de la faute de la commune, ont ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer le montant des préjudices subis par la société et de vérifier si cette dernière a profité d'un enrichissement sans cause aux dépens de la commune de Draveil ; qu'il est fait appel de ce jugement ;
Sur la nullité du contrat conclu le 15 janvier 1993 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par le contrat conclu le 15 janvier 1993, la commune de Draveil a confié à la société Générale de restauration la gestion du service public de restauration municipale, destinée aux cantines scolaires, aux centres aérés, aux restaurants du personnel municipal et aux personnes du troisième âge ; que si la rémunération de cette société était assurée principalement par des redevances qui, selon les articles 39-2 et 41 de cette convention, étaient perçues directement auprès des usagers des restaurants scolaires et municipaux, des centres de loisirs maternels et des personnes âgées, il résulte également des stipulations contractuelles que la société s'engageait sur un prix unitaire des repas, fixé initialement sur la base de 303 000 repas par an, comprenant les charges afférentes aux prestations fournies, notamment le coût des investissements pris en compte au fur et à mesure de leur réalisation, et la rémunération du prestataire et que, dans les cas où le nombre de repas commandés au cours d'un exercice s'avèrerait inférieur ou supérieur de plus de 5 % par rapport à la base de référence retenue, le prix unitaire des repas fournis sur l'exercice écoulé serait réajusté par la rectification de divers postes composant ce prix, en fonction du nombre de repas effectivement commandés ; que la commune de Draveil, à laquelle, en application de l'article 41, la société Générale de restauration facturait directement le prix des repas des usagers du centre aéré, prenait en charge, sous forme de subventions à hauteur de 40 %, la différence entre les redevances perçues auprès des usagers et le prix des repas fixé selon les modalités décrites ci-dessus ; qu'en cas de défaut de paiement par les usagers de leurs redevances, l'article 39-2 du contrat permettait à la commune de Draveil de prendre à sa charge lesdites redevances et d'être subrogée aux droits de la société envers ceux-ci ; qu'il résulte ainsi des clauses contractuelles régissant les relations entre la commune de Draveil et la société Générale de restauration que cette dernière ne supportait pratiquement aucun risque d'exploitation, d'autant que le nombre d'usagers, constitués pour l'essentiel d'enfants des centres aérés et des écoles ainsi que de personnes âgées vivant en maisons de retraite, n'était pas susceptible de diminuer de manière substantielle d'une année sur l'autre, ce que confirme l'évolution du nombre de repas servis au cours des années 1993 à 2000 ; qu'il résulte, dès lors, de ce qui précède que la rémunération de la société n'était pas substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation et constituait, dans ces conditions, un prix ; que, par suite, le contrat conclu le 15 janvier 1993 doit être analysé non comme une délégation de service public mais comme un marché dont la passation était soumise aux règles du code des marchés publics ; qu'il n'est pas contesté que ces règles n'ont pas été respectées ; qu'il suit de là que la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a constaté la nullité de ce contrat ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'en raison de sa nullité, le contrat conclu le 15 janvier 1993 n'a pu faire naître d'obligations à la charge des parties ; que, dès lors, les conclusions, présentées sur un fondement contractuel, par lesquelles la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE demande une indemnité en conséquence de la résiliation de cette convention et le paiement de factures correspondant à des prestations réalisées mais non réglées par la commune, ne peuvent qu'être rejetées ; que, toutefois, le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et, le cas échéant, demander à ce titre le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
Considérant, en premier lieu, que la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE demande la condamnation de la commune de Draveil à lui payer la somme de 191 761,10 euros, correspondant à des prestations facturées mais non payées, en se plaçant, pour la première fois en appel, sur le terrain de l'enrichissement sans cause, alors que les premiers juges avaient rejeté cette demande présentée devant eux sur le terrain contractuel ; que, toutefois, elle ne justifie pas, en tout état de cause, que ces dépenses auraient présenté un caractère utile pour la commune ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE ne conteste pas valablement le caractère utile de la mesure d'expertise ordonnée par les premiers juges, en ce qui concerne l'éventuel enrichissement sans cause dont elle aurait bénéficié au détriment de la commune de Draveil, en se bornant à faire valoir qu'ils ne pouvaient implicitement ou explicitement faire référence au contrat qu'ils ont par ailleurs déclaré nul ;
Considérant, en troisième lieu, que la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE conteste le partage de responsabilité effectué par les premiers juges, qui ont laissé à sa charge 40 % des conséquences dommageables de la nullité du contrat ; que la prise en compte d'une éventuelle faute commise par la commune de Draveil n'est, en tout état de cause, pas de nature à exonérer totalement la société requérante de sa responsabilité et à rendre, de ce fait, inutile l'expertise décidée par le jugement contesté ; que, par suite, la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE n'est pas recevable à contester, dans le présent litige, la part de responsabilité laissée à sa charge par les premiers juges ; qu'une telle contestation ne pourra, le cas échéant, être présentée qu'à l'appui d'une requête dirigée contre le jugement statuant au fond de l'affaire ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'à l'appui de son appel dirigé contre le jugement avant dire droit ordonnant une mesure d'expertise, la société requérante n'est pas recevable à contester le rapport établi par l'expert le 15 mars 2006, en soutenant qu'il a sous-évalué la perte des bénéfices escomptés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Draveil, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner ladite société à verser à la commune de Draveil la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE est rejetée.
Article 2 : La société AVENANCE ENSEIGNEMENT ET SANTE versera à la commune de Draveil la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Draveil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
04VE03566 2