Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES représentée par son président, dont le siège est 2 Avenue des IV Pavés du Roi BP 46 à Montigny-le-Bretonneux (78185) venant aux droits de l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES (EPASQY), par la SCP Piwnica Molinié, avocats aux Conseils ;
Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES ; il demande à la Cour d'annuler le jugement n° 9900884 rendu le 27 juin 2003 par le Tribunal administratif de Versailles en ce qu'il n'a pas reconnu la responsabilité du contrôleur technique, la société Socotec, et n'a pas accordé d'indemnisation au titre des désordres survenus sur la peinture de la passerelle dénommée « P6 » ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil et notamment ses articles 1792 et suivants et 2270 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 août 2006 :
- le rapport de M. Evrard, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de l'appel de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES :
Considérant que, par une requête enregistrée le 11 septembre 2003, l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES a demandé l'annulation du jugement du 27 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a fait droit que partiellement à ses conclusions à la condamnation des constructeurs à la réparation des dommages affectant la passerelle de liaison reliant le quartier du Pas du Lac à la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines ; que, par une délibération du 7 avril 2005, le conseil d'agglomération de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, venant aux droits de l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, a décidé de reprendre l'instance engagée par cet établissement public contre le jugement du 27 juin 2003 ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la société Socotec doit être rejetée ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la juridiction administrative, compétente pour statuer sur les litiges relatifs à la garantie décennale des constructeurs à l'égard des maîtres d'ouvrages publics, est notamment compétente pour statuer sur l'appel en garantie formé par un constructeur contre un autre constructeur ; que, par suite, la société Gelexco n'est pas fondée à soutenir que la Cour n'est pas compétente pour statuer sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Socotec dirigées contre M. Spielman, architecte, contre la société Europe Etudes Gecti, contre la société Sitraba et contre le bureau d'études POA ;
Considérant, en revanche, que les conclusions de la société Socotec appelant en garantie la société GAN Incendie Accidents sont dirigées contre une personne privée qui n'a pas la qualité de constructeur ; qu'elles doivent en conséquence être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif a statué sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés devant lui par les parties ; que son jugement n'est, par suite, entaché d'aucune omission à statuer ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif a communiqué tant à la société Sitraba qu'à Me X, mandataire-liquidateur de cette société, la requête de l'établissement public et les mémoires produits par les parties ; que, par suite, la communauté d'agglomération requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularité ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les termes du rapport d'expertise en estimant que l'arrachement des fixations de la passerelle avait été provoqué par un défaut de réalisation du découpage de l'organe de jonction/dilatation entre le tronçon d'accès et la passerelle elle-même et que ces désordres étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ;
Sur les désordres affectant la fixation de la passerelle :
Considérant que le tribunal administratif, après avoir estimé que les désordres affectant la fixation de la passerelle engageaient la responsabilité solidaire de l'entreprise SITRABA, de M. Y, architecte, et du bureau d'études Europe Études Gecti, a considéré que ces désordres n'étaient pas imputables à la société Socotec qui n'avait pas reçu contractuellement du Me de l'ouvrage une mission de surveillance de l'exécution des travaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, « le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le Me de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15 qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose, en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un contrat conclu le 6 juillet 1991, soit antérieurement à la conclusion du marché de construction de la passerelle, l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES a confié à la société Socotec une mission de contrôle technique « de type A et S » consistant notamment à s'assurer de la solidité de l'ouvrage et de la sécurité des usagers ; que les désordres constatés dès 1998, relatifs à la fixation de la passerelle, ont affecté la solidité de l'ouvrage et relèvent de la garantie décennale des constructeurs ;
Considérant que pour demander sa mise hors de cause, la société Socotec fait valoir que l'action en responsabilité engagée par l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES est prescrite ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la réception des travaux de construction de l'ouvrage en litige a été opérée le 6 juillet 1992 et que la requête de cet établissement public recherchant la responsabilité des constructeurs a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Versailles le 5 février 1999, soit avant l'expiration de délai de dix ans fixé par l'article 2270 du code civil ; que la circonstance que cette requête n'ait été communiquée que le 23 janvier 2003 est sans incidence sur le cours de ce délai ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la responsabilité de la société Socotec et ne l'a pas condamnée à réparer solidairement avec les autres constructeurs les dommages résultant des désordres constatés ;
Sur les désordres relatifs à la dégradation des peintures anti-corrosion :
Considérant que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté les désordres résultant de la dégradation des peintures anti-corrosion étendue sur la passerelle en litige du champ d'application de la garantie décennale des constructeurs reconnue par les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la peinture utilisée était une peinture anti-corrosion qui avait pour but d'assurer la protection des éléments assurant la stabilité de l'ouvrage ; que la dégradation rapide de cette peinture a conduit à une oxydation importante des boulons de fixation de la passerelle et a nécessité leur remplacement dans leur presque totalité ; que la circonstance que l'expert aurait estimé que ces désordres n'affectaient que les mains courantes et les grillages des gardes-corps, à la supposer avérée, est sans incidence sur ce principe compte-tenu de l'importance que revêtent les mains courantes et les gardes-corps sur des passerelles piétonnes de ce type ; que les travaux de peinture, qui ne se sont pas limités au revêtement dans un but esthétique des parties métalliques de l'ouvrage, mais ont comporté l'utilisation de procédés et de matériaux spécifiques et étaient destinés à assurer la solidité de l'ouvrage peuvent, à ce titre, engager la responsabilité décennale des constructeurs prévue par les articles 1792 et suivants du code civil ; que la communauté d'agglomération est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté sa demande de réparation de ces désordres par l'ensemble des constructeurs ;
Sur les préjudices :
Considérant, en premier lieu, que le coût des travaux destinés à remédier à l'arrachement des fixations de la passerelles doit être fixé à 18 706 euros, sans qu'il y ait lieu d'opérer un abattement pour vétusté, compte tenu de l'apparition rapide des désordres six ans après la réception des travaux ; qu'il y a lieu, en conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, de mettre cette réparation à la charge solidaire du mandataire-liquidateur de la société Sitraba, de M. Y, architecte, du bureau d'études Europe Etudes Gecti et de la société Socotec ;
Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du coût des travaux destinés à remédier à la dégradation des peintures et au remplacement des boulons oxydés en le fixant à 104 160,22 euros ;
Considérant que ces deux sommes porteront intérêts à compter à compter du 5 février 1999, date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ; que l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES a demandé, le 14 février 2003, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors faire droit à cette demande ;
Considérant, en troisième lieu, que si la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES fait valoir qu'elle doit organiser une nouvelle procédure d'appel à la concurrence pour la dévolution des travaux destinés à remédier aux désordres en litige et demande à ce titre la condamnation solidaire des constructeurs à lui payer la somme de 5 000 euros, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier la somme qu'elle réclame ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 29 903,42 euros ; qu'il y a lieu de mettre cette somme à la charge conjointe et solidaire de M. Y, de la société Gelexco, venant aux droits de la société EEG Simecsol, venant elle-même aux droits de la société Europe Etudes Gecti, de Me X, en qualité de mandataire-liquidateur de la société Sitraba et de la société Socotec ;
Sur les appels en garantie :
Considérant que, devant le tribunal administratif, ni M. Y, ni la SA Europe Etudes Gecti n'ont demandé à être garantis par les autres constructeurs ; que leurs conclusions à cette fin présentées pour la première fois en appel ont le caractère de demandes nouvelles et sont, par suite, irrecevables ;
Considérant que la société Socotec, en ne procédant pas à la vérification des boulons et des éléments de fixation de la passerelle et ne contrôlant pas le nombre des couches de peinture et la qualité de celle-ci, a manqué à ses obligations contractuelles envers le maître d'ouvrage et a concouru à la réalisation des désordres évoqués ci-dessus ; qu'il sera fait une juste appréciation des responsabilités respectives du Me d'oeuvre, du bureau d'études et de l'entreprise en condamnant M. Y, architecte, la Société Gelexco, venant aux droits de la société EEG Simecsol, venant elle-même aux droits de la société Europe Etudes Gecti, bureau d'études et Me X, en qualité de mandataire-liquidateur de la société Sitraba, à garantir solidairement la société Socotec à hauteur de 95% des sommes de 18 706 euros et 104 160,22 euros assorties des intérêts et de leur capitalisation dans les conditions fixées ci-dessus ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement M. Y, Me X en qualité de mandataire liquidateur de la société Sitraba, la société Gelexco venant aux droits de la société SA Europe Etudes Gecti et la société Socotec, à payer à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES la somme de 1 500 euros au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ; qu'il y a également lieu de condamner M. Y, Me X et la société Gelexco à payer à la société Socotec la somme de 1 500 euros sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La société Socotec est condamnée solidairement avec M. Y, Me X en qualité de mandataire liquidateur de la société Sitraba, la société Gelexco venant aux droits de la société SA Europe Etudes Gecti, à payer la somme de 18 706 euros à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES ; cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 5 février 1999, les intérêts échus au 14 février 2003 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 2 : M. Y, Me X en qualité de mandataire liquidateur de la société Sitraba, la société Gelexco venant aux droits de la société SA Europe Etudes Gecti et la société Socotec sont condamnés solidairement à payer la somme de 122 866,22 euros à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES ; cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 5 février 1999, les intérêts échus au 14 février 2003 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : M. Y, la société Gelexco et Me X en qualité de mandataire-liquidateur de la société Sitraba, sont condamnés à garantir solidairement la société Socotec à hauteur de 95% des sommes mises à la charge de celle-ci en application des articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. Y, de Me X et de la société Gelexco et le surplus des conclusions de la société Socotec sont rejetés.
Article 6 : Les frais d'expertise sont, dans la limite de 22 433,42 euros, mis à la charge conjointe et solidaire de M. Y, de la société Gelexco, de Me X en qualité de mandataire-liquidateur de la société Sitraba et de la société Socotec.
Article 7 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 27 juin 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 8 : M. Y, Me X en qualité de mandataire liquidateur de la société Sitraba et la société Gelexco venant aux droits de la société SA Europe Etudes Gecti sont condamnés solidairement à verser la somme de 1 500 euros à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et la somme de 1 500 euros à la société Socotec au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 03VE03721 2