Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Christian Y et Mme Valérie Y, demeurant ..., M. Laurent Z, demeurant ..., Melle Marie-Hélène Y, demeurant ..., Mme Marie-Claude A demeurant ... par Me Forin ;
Vu la requête, enregistrée le 27 août 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. et Mme Y et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement N° 0103956 en date du 13 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune X et de Groupama Ile-de-France à verser à M. Christian Y la somme de 120 000 F (18 293,88 euros), à Mme Valérie Y la somme de 120 000 F (18 293,88 euros), à M. Laurent Z la somme de 60 000 F (9 147 euros), à Melle Marie-Hélène Y la somme de 60 000 F (9 147 euros), à Mme Marie-Claude Y la somme de 60 000 F (9 147 euros) en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi à la suite du décès du jeune François Y ainsi qu'une somme de 12 000 F (1829,39 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner la commune X à payer à M. Christian Y la somme de 18 293,88 euros, à Mme Valérie Y la somme de 18 293,88 euros, à M. Z la somme de 9 147 euros, à Melle Marie-Hélène Y la somme de 9 147 euros, à Mme Marie-Claude A née Y la somme de 9 147 euros ;
3°) de condamner la commune X à leur payer les entiers dépens et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que l'inattention et le défaut de surveillance reprochés aux animateurs du centre aéré ont été constatés par le Tribunal de grande instance d'Evry dans son jugement du 23 janvier 2001 ; que les constatations de fait contenues dans ce jugement revêtu de la chose jugée, qui sont le support nécessaire du dispositif du jugement et qui s'imposent au juge administratif sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que le motif retenu par les premiers juges pour écarter le moyen tiré d'une faute du centre aéré, fondé sur le respect des normes d'encadrement des enfants, en faisant abstraction des fautes dans l'exercice du devoir de surveillance des animateurs, est de nature à infirmer le jugement du tribunal ; que le comportement du jeune François, qui était le plus jeune du groupe, qui venait pour la première fois à la piscine à vague, qui s'était éloigné du périmètre de baignade à deux reprises et qui a, d'ailleurs, été découvert par deux baigneurs à l'écart du groupe, nécessitait de la part des animateurs une attention accrûe, qui, faute d'avoir été exercée, caractérise un défaut dans le fonctionnement de la baignade organisée par le centre aéré ; que le défaut de vérification des aptitudes à la natation du jeune François constitue un défaut d'organisation du service de surveillance de la baignade organisée par le centre aéré ; que leur préjudice est manifeste et incontestable ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2006 :
- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;
- les observations de Me Mendy substituant Me Becam, pour la commune X ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le jeune François Y, âgé de six ans, est décédé par noyade à la piscine à vagues de la base de loisirs d'Etampes le 11 août 1997 alors qu'il participait à une sortie organisée par le centre aéré X ; qu'il résulte de l'instruction que si au moment de l'accident, le bassin était surveillé par trois maîtres-nageurs et si conformément aux dispositions de l'arrêté du 8 décembre 1995, qui prévoient un animateur pour l'encadrement de huit enfants, trois animateurs encadraient les enfants du centre aéré et se trouvaient, dans le bassin dans le périmètre limité où la vingtaine d'enfants avaient pied, le jeune François, dont le corps a été retrouvé inanimé par deux baigneurs à l'écart du groupe, à la limite de ce périmètre, n'a pas fait l'objet d'un rappel à l'ordre de la part des moniteurs alors qu'il s'était déjà éloigné du groupe à deux reprises ;
Considérant qu'en cas de jugement pénal ayant acquis force de chose jugée, il appartient seulement au juge administratif de ne pas dénier ceux des faits constatés par le juge pénal qui commandent nécessairement le dispositif du jugement ; que si, par jugement du 23 janvier 2001, le tribunal correctionnel d'Evry a prononcé la relaxe des animateurs du chef d'homicide involontaire et a débouté les requérants de leur constitution de partie civile au motif que les conditions liées à l'existence d'une faute caractérisée et à la conscience d'un risque d'une particulière gravité n'apparaissent pas en l'espèce remplies, et si ce jugement est définitif, cette décision du juge pénal ne comporte pas négation des faits susrelatés ;
Considérant qu'après avoir relevé qu'au moment de l'accident, la piscine de la base de loisirs connaissait une affluence moyenne, le Tribunal administratif s'est fondé, pour écarter le moyen tiré d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service de surveillance de la baignade organisée par le centre aéré, consistant en un défaut de surveillance, sur la circonstance que le bassin était surveillé par trois maîtres-nageurs et que trois animateurs encadraient les enfants du centre aéré et se trouvaient dans le bassin avec les enfants dans un périmètre limité où la vingtaine d'enfants avaient pied et que la capacité des enfants à nager avait été vérifiée au préalable par les animateurs du centre aéré ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte du fait qu'aucune surveillance accrue n'était effectivement exercée à l'égard de ce jeune enfant, le Tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que M. et Mme Y et les autres requérants sont dès lors fondés à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le comportement du jeune François, qui était le plus jeune des enfants du groupe et dont c'était la première sortie en centre aéré, qui avait déjà dû être rappelé à l'ordre à deux reprises pour s'être éloigné du groupe et dont les animateurs n'avaient pas remarqué qu'il s'était éloigné une troisième fois, nécessitait, une surveillance accrue ; que nonobstant la circonstance que sa capacité à nager avait été vérifiée au préalable par un animateur du centre, l'ensemble des circonstances de l'espèce révèlent l'existence d'une insuffisance de surveillance constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune X ;
Considérant que si la commune X soutient, en se prévalant des rapports des experts médicaux nommés dans le cadre de la procédure pénale, que la noyade est intervenue brutalement en raison d'une perte de connaissance imputable soit au syndrome de Reye soit à un « petit syndrome probablement infectieux évoluant à bas bruit », et que ces syndromes sont la cause exclusive de la noyade, l'insuffisance de surveillance a néanmoins compromis les chances de sauvetage du jeune François Y ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a écarté la responsabilité de la commune X ;
Sur les préjudices :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral des requérants en le fixant à la somme de 15 000 euros pour M. Christian Y et à la somme de 15 000 euros pour Mme Valérie Y, parents de la victime ; que, toutefois, même si M. Laurent Z, oncle de la victime et Melle Marie-Hélène Y et Mme Marie-Claude A, tantes de la victime soutiennent avoir eu des liens étroits avec leur neveu et entretenir des contacts réguliers avec ce dernier, il ne résulte pas de l'instruction que ces liens soient de nature à justifier une indemnisation de leur préjudice moral ; que leurs demandes à indemnisation doivent donc être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la commune X à payer globalement à M. Christian Y, Mme Valérie Y, M. Laurent Z, Melle Marie-Hélène Y et Mme Marie-Claude A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par ceux-ci en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Christian Y, Mme Valérie Y, M. Laurent Z, Melle Marie-Hélène Y et Mme Marie-Claude A, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à payer à la commune X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 13 mai 2004 est annulé.
Article 2 : La commune X est condamnée à verser la somme de 15 000 euros à M. Christian Y et la somme de 15 000 euros à Mme Valérie Y.
Article 3 : La commune X versera globalement à M. Christian Y, Mme Valérie Y, M. Laurent Z, Melle Marie-Hélène Y et Mme Marie-Claude A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L . 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Commune X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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