Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 05VE00433, présentée pour la SARL EDITIONS EPSILON, dont le siège est ..., par Me Gassiat ;
La X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0302580 en date du 16 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige et le remboursement de sa créance de report en arrière des déficits ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les provisions pour frais de fabrication de livrets d'accueil non encore édités, qui ont été constituées conformément aux conditions édictées à l'article 39-1-5° du code général des impôts, sont fondées ; qu'elles sont destinées à faire face à des charges déductibles ; que la charge est évaluée avec une approximation suffisante, est probable et résulte d'événements en cours à la clôture de chaque exercice ; que les déductions extra-comptables auxquelles elle a procédé sont justifiées dès lors qu'elles constituent la contrepartie de la reprise en produits d'exploitation au titre de l'exercice 1994 du solde comptable des charges à payer pour frais de fabrication de livrets d'accueil à éditer redressées lors d'un précédent contrôle ; qu'il y a eu double taxation d'une même base d'un même impôt ce qui est contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme ; qu'une compensation de 1 361 190 F au titre de l'année 1996 est demandée ; que les redressements contestés n'étant pas justifiés, la créance sur le Trésor détenue par la société et remise en cause à tort par le service doit être maintenue et remboursée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 :
- le rapport de Mme Brin, président assesseur ;
- les observations de Me Gassiat, avocat de la X ;
- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la X ne conteste en appel que les impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 qui résultent des redressements portant sur la réintégration d'une provision pour frais de fabrication et d'une déduction extra-comptable ainsi que les pénalités afférentes à ces impositions ;
Sur les provisions pour frais de fabrication :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « I. le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant… notamment : … 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice… » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature, qu'elles soient susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges ;
Considérant que la X fait fabriquer des livrets d'accueil pour des établissements médicaux et paramédicaux, qu'elle édite gratuitement ; qu'elle finance leur impression et leur édition en démarchant des entreprises commerciales qui font paraître des encarts publicitaire dans ces livrets ; qu'elle a constitué lors des exercices 1996 et 1997 des provisions pour charges correspondant aux frais de fabrication de ces brochures ; que l'administration n'ayant pas admis la déduction des provisions comptabilisées, il a été notifié un redressement en bases de 6 658 666 F au titre de l'année 1996 et un « dégrèvement » de 278 604 F au titre de l'année 1997 ;
Considérant qu'aux termes des conventions d'édition qui lient la société requérante aux établissements, l'engagement de celle-ci de livrer les ouvrages en cause est ferme et définitif dès la signature des conventions ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que la provision pour frais de fabrication des livrets est calculée et dotée comptablement dès lors qu'est assuré le placement des espaces publicitaires et qu'une plaquette d'au moins quatre pages est financée ; que la société était ainsi en droit d'estimer que ces frais constituaient une charge précisée quant à sa nature et apparaissant comme probable à la clôture de l'exercice, nonobstant la circonstance qu'un bon à tirer soit soumis ultérieurement à l'approbation de la direction de l'établissement ; que la X a par ailleurs comptabilisé la provision concernant les livrets en même temps qu'elle inscrivait en produits le montant correspondant aux annonces publicitaires recueillies ;
Considérant que, pour déterminer le montant de la provision, la société requérante a retenu les caractéristiques d'un livret moyen comprenant douze pages, treize publicités et huit photographies sur une base statistique portant sur les années 1990, 1991 et 1992 et, pour chacun des exercices 1996 et 1997, a évalué un prix de revient de ce livret moyen selon les coûts tirés de sa propre exploitation ; que si cette méthode, qui ne saurait être, contrairement à ce que soutient le ministre, qualifiée de forfaitaire, contient des imperfections tenant à l'absence de pondération des coûts et des types de livret vendus et à la non prise en compte de ce que tous les livrets ne sont pas nécessairement fabriqués, la X produit le rapport d'un expert-comptable établi le 19 mars 2001, portant sur la détermination des prix de revient des livrets selon leur nombre de pages d'après les données propres à l'entreprise à partir de laquelle ont été évalués les frais de fabrication ; qu'il ressort de ce rapport, auquel l'administration n'apporte aucune critique, que les montants évalués par son auteur sont voisins de ceux effectivement provisionnés par la société ; que, dans ces conditions, il y a lieu de regarder les charges pour frais de fabrication comme ayant été évaluées avec une approximation suffisante ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la déduction des montants provisionnés passés en charges par la X ; qu'ainsi, il y a lieu d'accorder à celle-ci la décharge correspondante des impositions litigieuses ;
Sur les déductions extra-comptables :
Considérant que la X prétend que, pour tenir compte des redressements notifiés à l'issue d'un précédent contrôle portant sur les années 1991 et 1992, elle a changé sa méthode de comptabilisation dès 1994 et a inscrit en produits d'exploitation à la clôture de cet exercice le solde comptable des charges à payer existant à l'ouverture de cet exercice et que, de ce fait, ces mêmes charges, ayant fait l'objet des rehaussements résultant de ce contrôle, auraient été soumises une seconde fois à l'impôt ; qu'elle soutient que, pour corriger cette double imposition, elle a déduit de façon extra-comptable lors des exercices clos en 1996 et 1997 la somme totale de 8 913 407 F, d'ailleurs estimée insuffisante à hauteur de 1 361 190 F ;
Considérant qu'en procédant ainsi, alors qu'elle ne justifie par aucun document probant les déductions ainsi pratiquées, la société a remis en cause les redressements qui lui ont été notifiés à l'occasion du précédent contrôle ; qu'il lui appartenait, au lieu de procéder elle-même à ces déductions extra-comptables, de présenter une réclamation auprès du service d'assiette aux fins d'obtenir la réduction de ses bases d'imposition établies au titre de l'année 1994 ; que, par suite, sans que la requérante puisse se prévaloir utilement, en tout état de cause, des dispositions de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'administration a, à bon droit, réintégré les sommes litigieuses sans les bénéfices imposables au titre des exercices 1996 et 1997 ;
Sur l'annulation de la créance de report en arrière du déficit au titre de l'année 1996 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maintien du redressement afférent aux déductions extra-comptables a pour effet de substituer un bénéfice imposable au déficit déclaré par la X au titre de l'exercice clos en 1996 ; que, par suite, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'extinction de la créance sur le Trésor résultant de l'annulation du déficit de cet exercice reporté en arrière constaté par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la X est fondée à demander la réformation du jugement qu'elle attaque ; que, par voie de conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la X de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la X au titre de l'année 1996 est réduite de la somme résultant du redressement relatif à la provision pour frais de fabrication.
Article 2 : La X est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que de la majoration de 40 % pour absence de bonne foi correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement n° 0302580 en date du 16 décembre 2004 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2.
Article 4 : L'Etat versera à la X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la X est rejeté.
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