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06/06/2006 | FRANCE | N°05VE00037

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4eme chambre, 06 juin 2006, 05VE00037


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Michel X, Mme Chantal , demeurant 22 rue Charles Infroit Montreuil (93100) et Mme Yvette Z, veuve X, demeurant 24 rue Charles Infroit Montreuil (93100), par Me Dreux ; M. X, Mme et Mme Z demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201630 du 4 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, la demande de M. X et de Mme tendant à la condamnation solidaire de la commune de Montreuil et de la société Vivendi,

venant aux droits de la Compagnie générale des eaux, au versemen...

Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Michel X, Mme Chantal , demeurant 22 rue Charles Infroit Montreuil (93100) et Mme Yvette Z, veuve X, demeurant 24 rue Charles Infroit Montreuil (93100), par Me Dreux ; M. X, Mme et Mme Z demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201630 du 4 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, la demande de M. X et de Mme tendant à la condamnation solidaire de la commune de Montreuil et de la société Vivendi, venant aux droits de la Compagnie générale des eaux, au versement d'une somme de 51 832,67 euros hors taxes, montant augmenté de la TVA et actualisé selon le coût de la construction à la somme de 57 653,57 euros, assortie des intérêts au taux légal pour les travaux de réparation de leur pavillon, et d'une somme 8 000 euros au titre des troubles de jouissance de leur bien et au paiement des frais d'expertise, et, d'autre part, la demande de Mme Z, veuve X tendant à la condamnation solidaire de la commune de Montreuil et de la société Vivendi au versement d'une somme de 27 136 euros hors taxes, montant augmenté de la TVA et actualisé selon le coût de la construction à la somme de 30 674,11 euros, assortie des intérêts au taux légal pour les travaux de réparation de son pavillon, et d'une somme de 8 000 euros au titre des troubles de jouissance de son bien et aux dépens ;

2°) de condamner solidairement la commune de Montreuil et la société Vivendi au versement de ces sommes et au dépens qui ont été fixés à 6 021,23 euros par une ordonnance du Tribunal de grande instance de Bobigny du 20 mars 2001 ;

3°) de condamner solidairement la commune de Montreuil et la société Vivendi à verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à M. X et Mme ainsi qu'à Mme Z ;

Ils soutiennent qu'une fuite d'eau a été constatée le 1er mars 1997 sur la canalisation de desserte d'eau potable, au droit du branchement particulier desservant l'immeuble de M. X ; que cette fuite a provoqué un affaissement de la chaussée et du trottoir ainsi que des désordres dans les pavillons riverains ; qu'un nouvel affaissement de la chaussée s'est produit en 1998 pour lequel la commune a demandé au Tribunal de grande instance de Bobigny un constat d'urgence ; que l'expertise qu'ils ont demandée au TGI conclut que les désordres constatés sur les deux maisons relèvent à raison de 40% de la responsabilité de la commune de Montreuil et de 60% de la Compagnie générale des eaux puisqu'ils proviennent des fuites sur la canalisation du réseau d'assainissement communal, de la rupture de la canalisation d'eau potable de la Compagnie générale des eaux, et, pour une faible part aux travaux de terrassement effectués par la commune pour la pose de la canalisation d'assainissement en fonte ; que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs requêtes pour défaut de motivation puisque la référence au rapport de l'expert y était explicite et que l'engagement de la responsabilité de la commune de Montreuil et de la Compagnie générale des eaux y était clairement demandée ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2006 :

- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller ;

- les observations Me Rousso pour la société Vivendi et celles de Me Herault-Delanoë pour la commune de Montreuil ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort du mémoire introductif de première instance que pour demander la condamnation conjointe et solidaire de la commune de Montreuil et de la société Vivendi à raison des désordres affectant leurs pavillons, M. X, Mme et Mme Z ont fait valoir leur qualité de riverains des canalisations d'eau potable et d'assainissement défectueuses ; que, dès lors qu'ils invoquaient, notamment par la production d'un rapport d'expertise, l'existence d'un lien de causalité entre lesdits dommages et les ouvrages publics en cause, les requérants devaient être regardés comme ayant entendu invoquer la responsabilité sans faute de la commune et de son concessionnaire ; que dans ces conditions c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté la demande précitée faute pour elle d'avoir précisé, dans le délai de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, le fondement au titre duquel les requérants entendaient rechercher la responsabilité de la commune de Montreuil et de la Compagnie générale des eaux ; qu'ainsi, le jugement en date du 4 novembre 2004 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X, Mme et Mme Z devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise ordonné par le juge judiciaire versé au dossier et qui peut être retenu à titre d'élément d'information, que les désordres affectant les pavillons de M. X et Mme et de Mme Z ont été provoqués par la rupture, en 1997 de la conduite souterraine d'eau potable alimentant leurs pavillons, implantée au droit des constructions, qui a entraîné deux effondrements de la chaussée et du trottoir à un an d'intervalle et non par le déversement des eaux pluviales émanant d'une propriété voisine dès lors qu'il résulte de l'instruction que les désordres ont été effectifs après la rupture de la canalisation d'eau potable en cause et les effondrements consécutifs de la chaussée en 1997 et 1998 ; qu'ainsi, les dommages subis par les requérants sont directement imputables à la rupture de la canalisation d'eau potable ;

Considérant que la Compagnie générale des eaux, dont il n'est pas allégué qu'elle serait insolvable, doit être tenue pour responsable, même en l'absence de faute, des dommages causés aux tiers par le fait de cet ouvrage public dont la gestion et l'entretien lui ont été confiés par la commune ; que M. X, Mme et Mme Z qui ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public en cause, dès lors qu'il s'agit de la canalisation principale et non de leur branchement privé d'adduction d'eau, sont fondés à demander à la Compagnie générale des eaux la réparation des dommages anormaux et spéciaux qu'ils ont subis du fait de son fonctionnement défectueux ; que la Compagnie générale des eaux ne peut être exonérée de la responsabilité qui lui incombe que si ces dommages sont imputables à une faute de la victime ou à la force majeure ; que la Compagnie générale des eaux ne peut, par suite, utilement soutenir, pour s'exonérer de sa responsabilité à l'égard des victimes, qu'elle a satisfait à son obligation d'entretien de la canalisation dont s'agit ; que, contrairement à ce qu'elle prétend, il ne saurait être établi, en l'absence de tout élément probant permettant d'en mesurer les conséquences, que les dommages subis par M. X, Mme et Mme Z auraient été provoqués ou aggravés par l'inadaptation des constructions et l'insuffisance de leurs fondations ou par des infiltrations d'eaux usées provenant du branchement privé de M. X sur le réseau d'assainissement ; que la circonstance que la rupture de la canalisation incriminée aurait pour origine les fontis créés par les infiltrations pendant plusieurs années en provenance des réseaux d'assainissement de la commune ne présente pas un caractère de force majeure de nature à exonérer la Compagnie générale des eaux de sa responsabilité ; que, si la Compagnie générale des eaux invoque également la force majeure en raison de l'état de sécheresse de la zone qui, constaté par arrêté préfectoral, aurait aggravé l'instabilité du terrain d'assise des constructions, il résulte de plusieurs rapports d'expert que le sol à cet endroit était insensible aux effets de la sécheresse et que les désordres sont imputables à son imbibition ; que, dès lors, sans qu'il soit utile d'ordonner la contre-expertise demandée par la Compagnie générale des eaux, cette dernière doit être déclarée entièrement responsable des dommages causés par la rupture de la canalisation ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que si l'expert a estimé le coût des réparations à 51 832,67 euros hors taxes pour M. X et 27 136 euros hors taxes pour Mme Z, il n'a pas tenu compte de la vétusté des immeubles ; qu'il en sera fait une juste appréciation en appliquant au montant des travaux en cause un abattement de 50% ; qu'il y a lieu, dès lors, de ramener le montant des sommes évaluées au titre des réparations de ces locaux à 25 916,33 euros hors taxes, pour M. X et Mme et à 13 568 euros hors taxes pour Mme Z ;

Considérant, en deuxième lieu, que les conséquences dommageables des désordres doivent être évaluées à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; qu'il y a lieu d'actualiser au 29 janvier 2001, date du dépôt du rapport d'expertise, en fonction de l'évolution du coût de la construction, les sommes auxquelles la Compagnie générale des eaux est condamnée sur la base des devis fournis le 20 novembre 1998 pour les travaux de réparations des immeubles ; que le montant de l'indemnité allouée, d'une part à M. X et Mme et d'autre part à Mme Z doit, à ce titre, être porté respectivement aux sommes non contestées de 28 826,78 euros et de 15 337,05 euros, toutes taxes comprises ;

Considérant, en troisième lieu, que compte tenu des troubles de toute nature qu'ils ont supportés, M. X, Mme et Mme Z sont fondés à demander à être indemnisés des troubles de jouissance de leur bien causés pendant plusieurs années par les ouvrages publics en question ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles invoqués par les requérants en leur allouant à ce titre une somme de 2 000 euros chacun ;

Considérant, enfin, que les requérants n'apportent aucune justification des frais qu'ils auraient exposés dans le cadre de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Bobigny ; qu'ils ne sont, par suite, pas fondés à en demander le remboursement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Compagnie générale des eaux doit être condamnée à payer à M. X, Mme la somme de 30 826,78 euros et à Mme Z celle de 17 337,05 euros, sommes qui correspondent au total des montants d'indemnisation indiqués ci-dessus pour chacun ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. X, Mme et Mme Z ont droit aux intérêts respectivement de la somme 30 826,78 euros et de celle de 17 337,05 euros à compter du 30 mars 2002, date de l'enregistrement de leurs demandes ;

Sur l'appel en garantie présenté par la Compagnie générale des eaux :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que lors d'une inspection télévisée du réseau d'assainissement effectuée le 29 octobre 1993, des fuites ont été constatées ; que les infiltrations d'eau qui en ont résulté pendant plusieurs années ont contribué au tassement du sous-sol instable de la chaussée et à la création de fontis à l'origine de la rupture de la canalisation principale d'adduction d'eau exploitée par la Compagnie générale des eaux ; que les défectuosités constatées sur le réseau d'assainissement exploité par la commune révèlent des négligences d'entretien qui constituent une faute de nature à engager partiellement la responsabilité de la commune de Montreuil à l'égard de la Compagnie générale des eaux ; qu'il sera fait une juste appréciation de cette responsabilité en condamnant ladite commune à garantir la Compagnie générale des eaux à concurrence de 40% des condamnations prononcées contre elle au profit de M. X, Mme et Mme Z ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Compagnie générale des eaux et la commune de Montreuil à payer chacune 800 euros à M. X et Mme ensemble, d'une part, et chacune 800 euros à Mme Z, d'autre part ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Compagnie générale des eaux tendant à la condamnation de la commune de Montreuil à lui verser la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, à ce que M. X et Mme et Mme Z, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soit condamnés à verser à la Compagnie générale des eaux et à la commune de Montreuil les frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés à l'occasion du présent litige ; que les conclusions présentées à ce titre par la Compagnie générale des eaux et la commune de Montreuil doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 novembre 2004 est annulé.

Article 2 : La société Vivendi, venant aux droits de la Compagnie générale des eaux, versera à M. X et Mme la somme de 30 826,78 euros.

Article 3 : La société Vivendi, Compagnie générale des eaux, versera à Mme Z, épouse X la somme de 17 337,05 euros.

Article 4 : Les sommes auxquelles la société Vivendi, Compagnie générale des eaux, est condamnée en vertu des articles 2 et 3 ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2002.

Article 5 : La commune de Montreuil garantira la société Vivendi, Compagnie générale des eaux, à hauteur de 40 % des sommes ci-dessus.

Article 6 : La société Vivendi, Compagnie générale des eaux, et la commune de Montreuil verseront chacune 800 euros à M. X et Mme ensemble, d'une part, et chacune 800 euros à Mme Z, d'autre part, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de M. X, Mme et de Mme Z et les conclusions de la société Vivendi, Compagnie générale des eaux, et de la commune de Montreuil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

N°05VE00037

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00037
Date de la décision : 06/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIPOULON
Rapporteur ?: Mme Martine KERMORGANT
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : DREUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-06-06;05ve00037 ?
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