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16/05/2006 | FRANCE | N°04VE01660

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 16 mai 2006, 04VE01660


Vu, l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Martin ;

Vu la requête et le mémoire c

omplémentaire, enregistrés les 12 et 13 mai 2004 au greffe de la C...

Vu, l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Martin ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 13 mai 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par lesquels M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9602377, en date du 1er mars 2004, par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné, d'une part, à verser à l'office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM) du Val-d'Oise une indemnité de 581 439,47 euros, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des désordres affectant l'ensemble immobilier « Résidence la Côte des Carrières » situé à Jouy-le-Moutier, d'autre part, à rembourser à cet office une somme de 17 145,07 euros au titre des frais d'expertise et, enfin, à payer, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à l'OPHLM du Val-d'Oise et une somme de 500 euros à chacune des sociétés Qualiconsult, Sogea et Sobea ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'OPHLM du Val-d'Oise devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire les condamnations prononcées par le Tribunal administratif de Versailles ;

4°) de condamner la société Vinci S.A. et la société Qualiconsult à le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

5°) de condamner les autres parties au paiement des dépens et de mettre à leur charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que, s'agissant de la reprise des toitures, l'indemnité accordée à l'OPHLM du Val-d'Oise, qui couvre leur réfection intégrale, doit être réduite à concurrence de 15/91èmes, dès lors que l'expert n'a visité que 15 appartements sur les 91 que compte l'ensemble immobilier et par application d'un abattement pour vétusté ; que les premiers juges ont retenu à son encontre un défaut de surveillance des travaux, alors que l'expert lui avait reproché une défaillance dans l'exercice de son devoir de contrôle ; qu'en tout état de cause, il a parfaitement rempli son devoir de contrôle en attirant l'attention du maître d'ouvrage, dans les compte-rendus de chantier, sur les malfaçons de couverture et la pose des panneaux de façades ; que le rapport d'expertise démontre que la société Sobea-Balency, aux droits de laquelle vient la société Vinci S.A., a commis des fautes caractérisées de sorte que cette dernière doit être condamnée à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre à hauteur de 100 % en ce qui concerne les toitures et les menuiseries extérieures et de 95 % s'agissant de la ventilation mécanique contrôlée ; que si l'appel en garantie devait être rejeté, la Cour devrait retenir la responsabilité de l'OPHLM du Val-d'Oise pour avoir mis en cause la société Sobea en lieu et place de la société Sogea et laisser à la charge de cet office la quote-part de responsabilité de la société Sobea, soit 90 % ; que M. X devra être garanti à hauteur de 90 % par la société Vinci SA en ce qui concerne les frais d'expertise ; que, compte tenu du caractère décennal des désordres litigieux, une présomption de responsabilité pèse sur la société Qualiconsult ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2006 :

- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;

- les observations de Me Nautou, substituant Me Griffiths, avocat de l'OPHLM du Val-d'Oise et de Me Habert, substituant Me Mauduy-Dolfi, avocat de la société Qualiconsult ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un acte d'engagement du 21 décembre 1984, la société Socea-Balency (Sobea) s'est vu confier par l'OPHLM du Val-d'Oise la réalisation des travaux de construction d'un ensemble immobilier dénommé « Résidence la Côte des Carrières » à Jouy-le-Moutier, constitué de 9 bâtiments comportant 91 logements ; que M. X, architecte, a été désigné comme maître d'oeuvre et la société Qualiconsult comme contrôleur technique ; que les travaux ont fait l'objet de réceptions entre le 14 mai 1986 et le 23 juillet 1986 ; que des désordres d'étanchéité étant apparus postérieurement, l'OPHLM du Val-d'Oise, en sa qualité de maître d'ouvrage, en a demandé réparation à la société Sogea et à M. X, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ; que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à la demande de l'OPHLM du Val-d'Oise en condamnant M. X à lui verser la somme de 581 439,47 euros au titre de la réparation des préjudices subis et a rejeté les appels en garantie présentés par ce dernier à l'encontre des sociétés Sogea, Sobea et Qualiconsult ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la responsabilité :

S'agissant des désordres affectant la couverture des immeubles :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé auprès du Tribunal administratif de Versailles le 19 septembre 2003, que des infiltrations d'eau provenant des toitures, occasionnant des moisissures et l'endommagement des revêtements muraux, ont été constatées dans 29 des 91 appartements de la résidence ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces désordres, signalés dans un rapport d'expertise du 2 mai 1996 et dans la déclaration de sinistre effectuée le même jour par l'OPHLM du Val-d'Oise auprès de son assureur, sont apparus dans le délai de la garantie décennale ; que, eu égard à leur caractère généralisé et à la gêne sérieuse qu'ils constituent pour les occupants, ces désordres sont de nature à rendre les immeubles impropres à leur destination ; qu'ils sont en partie imputables à un défaut de surveillance des travaux par le maître d'oeuvre et sont, dès lors, susceptibles, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, d'engager la responsabilité de M. X ;

S'agissant des désordres affectant les menuiseries extérieures :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que des infiltrations d'eau par les menuiseries extérieures, résultant d'un défaut d'étanchéité des joints entre le dormant des menuiseries et la maçonnerie des façades, se sont produites à l'intérieur des appartements ; que ces désordres, qui, comme les précédents, rendent les immeubles impropres à leur destination, sont en partie imputables à un défaut de conception de la menuiserie et, par suite, de nature à engager la responsabilité de M. X en sa qualité de maître d'oeuvre ; que, compte tenu de la faute qu'a commise, en sa qualité de maître d'ouvrage, l'OPHLM du Val-d'Oise, en n'entretenant pas les menuiseries extérieures, il y a lieu de laisser à la charge de ce dernier 20 % des conséquences dommageables de ces désordres ; que la part de responsabilité de M. X doit, par suite, être fixée à 80 % ;

S'agissant des désordres affectant la ventilation mécanique contrôlée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'ont été constatés des écoulements d'eau à l'intérieur des gaines verticales d'extraction d'air sur lesquelles se raccordent les conduits provenant des appartements, ainsi que des traces d'humidité sur les trappes de visite des gaines techniques ; que ces désordres, qui sont également de nature à rendre les immeubles impropres à leur destination, résultent d'un défaut de conception du dispositif de protection de l'orifice d'évacuation de l'air extrait contre la pénétration de l'eau de pluie et de l'absence d'une isolation thermique des gaines verticales permettant d'éviter les phénomènes de condensation sur les parois ; qu'ils sont en partie imputables à M. X en sa qualité de maître d'oeuvre et, par suite, de nature à engager sa responsabilité envers l'OPHLM du Val-d'Oise ;

Considérant que la garantie qu'impliquent, pour tout constructeur d'un ouvrage, les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil repose sur une présomption de responsabilité dont il ne peut être exonéré qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage ; que, dès lors, M. X ne peut utilement soutenir, pour s'exonérer de sa responsabilité, qu'il n'aurait commis aucune faute, notamment dans l'exercice de son devoir de contrôle ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Versailles a évalué les préjudices indemnisables à hauteur de, respectivement, 483 857,96 euros pour les désordres affectant l'étanchéité des toitures, 92 517,09 euros pour ceux affectant les menuiseries extérieures et 5 064,42 euros pour ceux concernant la ventilation mécanique contrôlée ; que M. X se borne à contester l'évaluation des travaux de réfection de la toiture des immeubles ;

Considérant, en premier lieu, que si M. X fait valoir que l'expert n'aurait visité qu'une partie des appartements composant la « Résidence la Côte des Carrières » avant de conclure à une reprise intégrale des couvertures des immeubles pour un coût global de 483 857,97 euros, il résulte de l'instruction que les désordres affectant les toitures étaient généralisés et que ce montant n'était pas surévalué ;

Considérant, en second lieu, qu'eu égard au délai qui s'est écoulé entre les dates de réception et l'apparition des désordres, entre 1993 et 1996, et de la durée de vie prévisible d'une toiture, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'appliquer un coefficient de vétusté de 35 % sur le montant des travaux de réfection de la toiture des immeubles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que, compte tenu du partage de responsabilité et de l'abattement pour vétusté susprécisés, M. X est seulement fondé à soutenir que la somme qu'il a été condamné à payer à l'OPHLM du Val-d'Oise doit être ramenée de 581 439,47 euros à 393 585,77 euros ;

En ce qui concerne les conséquences de l'absence de mise en cause par l'OPHLM du Val-d'Oise de la société Socea-Balency devant le tribunal administratif :

Considérant que si M. X demande la condamnation de l'OPHLM du Val-d'Oise pour avoir dirigé son action contre la société Sogea et non contre la société Socea-Balency, devant les premiers juges, ce qui aurait eu pour effet de le priver de la possibilité d'appeler en garantie cet entrepreneur, il résulte du dossier de première instance que, devant le tribunal administratif, M. X a appelé en garantie la société Sobea-Ile-de-France, qui venait aux droits de la société Socea-Balency ; que les conclusions présentées sur ce point par M. X ne peuvent ainsi, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur l'appel incident de l'OPHLM du Val-d'Oise :

Considérant, en premier lieu, que si l'OPHLM du Val-d'Oise sollicite une indemnisation complémentaire, d'un montant de 140 668,08 euros, correspondant à des frais annexes, il ne justifie, en tout état de cause, ni de leur réalité, ni de leur montant ;

Considérant, en second lieu, que si l'OPHLM du Val-d'Oise sollicite une indexation du coût des travaux tel qu'il a été déterminé dans le rapport d'expertise déposé au tribunal administratif de Versailles le 19 septembre 2003, il ne justifie pas que, comme il le soutient, il a été dans l'impossibilité financière de faire effectuer immédiatement ces travaux ;

Considérant qu'il résulte de qui précède que l'OPHLM du Val-d'Oise n'est pas fondé à demander une majoration de la somme que M. X a été condamné à lui verser par le jugement contesté ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, en premier lieu, que si M. X appelle en garantie la société Vinci SA, il résulte de l'instruction que cette dernière ne vient pas aux droits de la société Socea - Balency ; que, dès lors, les conclusions dirigées contre cette société ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'appui de son appel en garantie dirigée contre la société Qualiconsult, M. X ne peut utilement se prévaloir de la présomption de responsabilité qui pèserait sur elle, laquelle ne joue qu'à l'égard du maître d'ouvrage ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société Qualiconsult aurait commis une faute en manquant à ses obligations de contrôleur technique ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence de condamnation de la société Vinci S.A. les conclusions d'appel en garantie de celle-ci dirigées contre la société Qualiconsult ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que compte tenu de ce que les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme de 11 290,05 euros, et non à celle de 33 870,15 euros constatée par erreur par le Tribunal administratif de Versailles, en ce qui concerne la mission ordonnée par son président le 24 mars 1998, il y a lieu de ramener la somme mise à la charge de M. X à la somme de 11 290,05 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X et la société Vinci SA, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnés à payer à l'OPHLM du Val-d'Oise une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Vinci SA et par la société Qualiconsult ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner l'Office public de l'habitat à loyer modéré du Val-d'Oise à verser à M. X la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 581 439, 47 euros que M. X a été condamné à verser à l'OPHLM du Val-d'Oise par le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 1er mars 2004 est ramenée à la somme de 393 585,77 euros.

Article 2 : Le montant des frais d'expertise mis à la charge de M. X est ramené à la somme de 11 290,05 euros.

Article 3 : Le jugement n° 9602377 du Tribunal administratif de Versailles, en date du 1er mars 2004, est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : L'OPHLM du Val-d'Oise versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X, les conclusions d'appel incident de l'OPHLM du Val-d'Oise, les appels en garantie des sociétés Vinci S.A. et Qualiconsult, ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'OPHLM du Val-d'Oise, la société Vinci SA et la société Qualiconsult sont rejetés.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE01660
Date de la décision : 16/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIN
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : LE NOBLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-05-16;04ve01660 ?
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