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09/02/2006 | FRANCE | N°05VE01441

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 09 février 2006, 05VE01441


Vu la requête, enregistrée le 3 août 2005 par télécopie et le 4 août 2005 en original au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DES YVELINES, Bureau des Etrangers, 1 avenue de l'Europe, Versailles Cedex (78010) ; le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 0304323 en date du 23 mai 2005 par lequel Tribunal Administratif de Versailles a annulé, à la demande de M. X, sa décision du 12 août 2003 de refus de titre de séjour et a condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 1000 euros au titre de l'article L.7

61-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande pré...

Vu la requête, enregistrée le 3 août 2005 par télécopie et le 4 août 2005 en original au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DES YVELINES, Bureau des Etrangers, 1 avenue de l'Europe, Versailles Cedex (78010) ; le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 0304323 en date du 23 mai 2005 par lequel Tribunal Administratif de Versailles a annulé, à la demande de M. X, sa décision du 12 août 2003 de refus de titre de séjour et a condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que le jugement du Tribunal administratif de Versailles est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; que le refus de séjour est légal ; que le signataire de la décision attaquée avait régulièrement reçu délégation de signature ; que le défaut de notification de la décision du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

………………………………………………………………………………………………….

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet des Yvelines qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

Vu le code du travail ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

- les observations de Me Barkat pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : « Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article premier du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail des autorités compétentes, un titre de séjour d'un an renouvelable et portant la mention « salarié ». /Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article premier sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans./ Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article premier du présent accord et titulaire d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnelle ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. /Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit. » ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : « Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux états sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. » ; qu'aux termes de l'article L.341-4 du code du travail : « Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L. 341-2. Cette autorisation est délivrée dans des conditions qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, sous réserve des dispositions applicables en vertu des troisième et quatrième alinéas du présent article. L'autorisation de travail peut être délivrée à un étranger qui demande l'attribution de la carte de séjour temporaire sous la forme de la mention salarié apposée sur cette carte. Elle habilite cet étranger à exercer les activités professionnelles indiquées sur cette carte dans les zones qui y sont mentionnées. L'autorisation de travail peut être délivrée à un étranger sous la forme d'une carte de résident qui lui confère le droit d'exercer sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine toute activité professionnelle salariée de son choix dans le cadre de la législation en vigueur. » ; qu'aux termes de l'article R.341-1 du même code : « Tout étranger, pour exercer à temps plein ou à temps partiel une activité professionnelle salariée, doit être titulaire d'une autorisation de travail en cours de validité. Cette autorisation est délivrée par le préfet du département où réside l'étranger. Elle doit être présentée à toute réquisition des autorités chargées du contrôle des conditions de travail. Hormis le cas visé à l'article R. 341-7, elle autorise l'étranger à exercer, selon les cas, une ou plusieurs activités professionnelles salariées ou toute activité professionnelle salariée de son choix dans un ou plusieurs départements ou sur l'ensemble du territoire métropolitain. » ; qu'aux termes de l'article R.341-3-1 dudit code : « Le travailleur titulaire d'une autorisation venant à expiration peut en demander le renouvellement. Sauf s'il se trouve involontairement privé d'emploi et en dehors du cas du renouvellement de plein droit de la carte de résident prévu à l'article 16 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'étranger doit joindre à sa demande de renouvellement soit un contrat, soit une promesse de contrat de travail précisant la profession, le salaire offert, la durée hebdomadaire du travail et le lieu effectif d'emploi. » ; qu'aux termes de l'article R.341-4 du même code : «Sauf dans le cas où l'étranger bénéficie de plein droit de la carte de résident par application des articles 15 et 16 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, pour accorder ou refuser le titre de travail sollicité, le préfet du département où réside l'étranger prend notamment en considération les éléments suivants d'appréciation : 1. La situation de l'emploi présente et à venir dans la profession demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique où il compte exercer cette profession ; 2. Les conditions d'application par l'employeur de la réglementation relative au travail ; 3. Les conditions d'emploi et de rémunération offertes au travailleur étranger, qui doivent être identiques à celles dont bénéficient les travailleurs français ; 4. Les dispositions prises par l'employeur pour assurer ou faire assurer, dans des conditions normales, le logement du travailleur étranger. Seuls les éléments d'appréciation mentionnés aux 2 et 3 ci-dessus sont pris en considération pour l'examen des demandes présentées par les réfugiés et par les apatrides. En outre, la situation de l'emploi n'est pas opposable à certaines catégories de travailleurs déterminées en fonction soit des liens entretenus avec la France par leur pays d'origine, soit des services qu'ils ont eux-mêmes rendus à la France, soit de l'ancienneté de leur séjour en France. Un arrêté du ministre chargé du travail énumère ces catégories. » ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 30 juin 1946 susvisé : «La délivrance d'un titre de séjour est refusée à l'étranger qui ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée subordonnent la délivrance des titres de séjour ou qui, sollicitant la délivrance d'une carte de séjour au titre de l'exercice d'une activité professionnelle, n'est pas autorisé par le ministre compétent à exercer celle-ci… » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est né en 1978 et qui est de nationalité tunisienne, est entré en France en 2000 et s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire « étudiant » ; qu'il a ensuite bénéficié d'une carte de séjour temporaire « salarié » valable du 6 mai 2002 au 5 mai 2003 ; que cette carte lui a été délivrée au vu d'un contrat de travail de serveur ; que, recruté en juin 2002, il a démissionné de cet emploi en juillet 2002 et a suivi une formation préparant à un BTS de commerce international dans un établissement privé ; qu'il fait valoir que, pour financer ses études, il a occupé un emploi de livreur depuis janvier 2003 ;

Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 3 précité de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et notamment de son dernier alinéa aux termes duquel « ces titres de séjour… sont renouvelables de plein droit. » que cet alinéa ne peut viser que les titres de séjour de dix ans mentionnés au deuxième et au troisième alinéa du même texte, à l'exclusion des titres de séjour temporaires visés au premier alinéa de cet article ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur les stipulations de l'accord précité pour juger que M. X pouvait exercer la profession de son choix dès lors qu'il était titulaire d'un titre de séjour temporaire « salarié » et annuler la décision du 12 août 2003 par laquelle le PREFET DES YVELINES a refusé de renouveler le titre de séjour temporaire « salarié » de M. X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le juge de première instance ;

Considérant que si M. X a démissionné de son emploi de serveur moins de deux mois après son recrutement pour suivre des études, dont la réalité et le sérieux ne sont pas contestées, il n'est pas établi qu'il ne se serait prévalu de cet emploi que pour obtenir par fraude la carte de séjour temporaire « salarié » ;

Considérant, par ailleurs, qu'il est constant que la carte de séjour temporaire délivrée à M. X ne comportait que la mention « salarié » sans les limitations relatives à l'activité professionnelle exercée ou aux zones autorisées que le préfet aurait pu inscrire sur ladite carte en application des dispositions précitées de l'article L.341-4 du code du travail ainsi que des dispositions des articles R341-1 et suivants du même code ; que, dès lors, le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'a pu légalement donner un avis défavorable au titre sollicité au motif qu'après avoir occupé un emploi de serveur, M. X a exercé l'activité de livreur ;

Considérant qu'un emploi de livreur ne nécessite qu'une qualification limitée pouvant être acquise rapidement sur le poste occupé ; que, dès lors, en supposant que la notion de « profil pour occuper un emploi » puisse être au nombre des critères non limitativement énumérés à l'article R. 341-4 du code du travail et susceptibles de justifier légalement un refus de titre de travail, le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que, compte tenu des études d'hôtellerie et de tourisme qu'avait suivies M. X, l'emploi de livreur, qu'il occupait depuis plus de six mois à la date de la décision attaquée, ne correspondait pas au profil de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à exciper de l'illégalité de l'avis du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 21 juillet 2003 et à demander l'annulation de la décision du 12 août 2003 par laquelle le PREFET DES YVELINES a refusé de renouveler son titre de séjour temporaire « salarié » ; qu'en conséquence, le PREFET DES YVELINES n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 12 août 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DES YVELINES est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 05VE01441
Date de la décision : 09/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : BARKAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-02-09;05ve01441 ?
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