Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Ahmed X, demeurant ..., par Me Beer ; M. Ahmed X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201478 en date du 8 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre des années 1994, 1995 et 1996 ainsi que les pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la procédure d'imposition était irrégulière ; que la vérification de comptabilité a débuté le 17 avril 1998 par une perquisition irrégulière ; que l'administration a refusé de communiquer toutes les pièces ayant servi à l'établissement des redressements ; qu'il a été privé d'une interlocution objective puisqu'elle a eu lieu après la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que la preuve des achats à l'étranger n'est pas rapportée ; que la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire n'aurait pas dû être mise en recouvrement ; que le chiffre d'affaires a été reconstitué à l'aide de coefficients non vérifiés au cours des opérations de contrôle ; que les déclarations du contribuable ne pouvaient être extrapolées ; que les pénalités ne sont pas fondées dès lors que le bien-fondé des impositions n'est pas établi ; que le taux des intérêts légal constitue une sanction supplémentaire ; que les majorations et l'amende, en l'absence de modulation, méconnaissent le principe de proportionnalité des peines prévu par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2005 :
- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête . La requête indique les nom et domicile des parties . Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge . L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours . » ;
Considérant que M. X a présenté, dans le délai de recours, une requête qui n'a pas reproduit littéralement sa demande de première instance et qui a énoncé à nouveau les critiques adressées au rejet de sa demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre des années 1994, 1995 et 1996 ainsi que des pénalités y afférentes ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et tirée de l'absence de motivation de la requête d'appel sera écartée ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : « … En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. » ; que ces dispositions reconnaissent à l'administration la possibilité de procéder à un contrôle inopiné des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables à condition que l'avis de vérification de comptabilité soit remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles et que l'examen au fond des documents comptables ne commence qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister d'un conseil ;
Considérant qu'il est constant que l'avis de vérification de comptabilité mentionnant la faculté pour le contribuable de se faire assister d'un conseil a été remis à M. X au début de la première intervention sur place du vérificateur le 17 avril 1997 ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'intervention du vérificateur le jour où a été remis en main propre l'avis de vérification qui fixait à la date du 28 avril 1997 le début des opérations de vérification de comptabilité, avait le caractère d'un contrôle inopiné au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; que les procès-verbaux des constatations réalisées à cette occasion portent le nom et la signature du vérificateur ; que le moyen tiré de ce qu'aucune autorité judiciaire n'avait autorisé le contrôle est dès lors inopérant ; que le vérificateur s'est borné à relever les quantités de marchandises en stock et que son intervention a ainsi été limitée à des constations matérielles de la nature de celles qui peuvent légalement procéder d'un contrôle inopiné et n'a pas constitué le début d'une vérification de comptabilité ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X soutient que l'administration ne lui a pas communiqué les pièces obtenues dans le cadre de l'exercice de son droit de communication sur lesquelles elle fonde les redressements, et en particulier des factures de la société britannique Dibbag dont le supérieur hiérarchique du vérificateur a produit la liste en annexe à son courrier du 11 mai 1998 ; qu'il résulte de la notification de redressement du 28 août 1997 que l'existence et les montants des achats non déclarés, en Grande-Bretagne, qui motivent les redressements en litige, ont été établis à partir d'informations transmises par l'administration des douanes, à la suite de l'exploitation de la base de données intra-communautaire mise en place par le règlement communautaire n° 218/92 du 27 janvier 1992 ; qu'à la suite de la demande formulée par M. X dans sa lettre du 26 septembre 1997 en réponse à la notification de redressements, l'administration a transmis au contribuable, en annexe à la réponse à ces observations, copie sommaire des états informatiques tirés de cette base, de trois factures émises par la société Aziz et de titres de transports entre la Grande-Bretagne et la France ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à cette date, l'administration était en possession d'autres pièces, et notamment des factures de l'entreprise Dibbag ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme ayant répondu à la demande de communication des pièces utilisées en vue du redressement ; qu'après réception de la réponse aux observations du contribuable, M. X n'a formulé aucune nouvelle demande de communication de pièces antérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; qu'en particulier, il n'a pas formulé une telle demande après avoir reçu la lettre du supérieur hiérarchique du vérificateur qui comportait en annexe une liste de factures de la société britannique Dibbag consultées par l'administration ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la non communication de ces factures par le service aurait entaché d'irrégularité la procédure de vérification ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.10 du livre des procédures fiscales : « … Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L.12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. » ; que la circonstance que M. X a été reçu par l'interlocuteur départemental le 26 juin 1998, postérieurement à la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 19 mai 1998, n'a privé M. X d'aucune des garanties attachées à la procédure contradictoire et mentionnées dans la charte du contribuable vérifié ; que le moyen tiré d'une procédure irrégulière ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en quatrième lieu, que si M. X soutient que l'administration se serait refusée à tout échange de vues et l'aurait privé ainsi de la possibilité d'un débat oral et contradictoire au cours de la première intervention sur place ou ultérieurement au cours des opérations de contrôle, il ne l'établit pas ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant que les impositions contestées par M. X ont été établies selon la procédure contradictoire ; que les impositions mises en recouvrement sont conformes à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à laquelle le litige a été soumis le 19 mai 1998 et qui a admis tant le défaut de caractère probant de la comptabilité que le montant des recettes reconstituées par le service ; que, par suite, il appartient au requérant, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dans sa version alors applicable, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal a été établi le 30 juin 1997 par le vérificateur et signé du requérant, aux termes duquel le registre des achats n'a pas été présenté ; qu'aucune pièce justificative des recettes réalisées par le requérant n'a été présentée au vérificateur et que seules huit factures d'achats ont été présentées pour l'année 1994, neuf factures pour 1995 et une seule pour 1996 ; que l'administration, en l'absence de comptabilité régulière, était fondée à reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise de M. X ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
Considérant, d'une part, que si M. X soutient que l'administration a retenu un montant exagéré des achats qu'il aurait effectués et s'il invoque le caractère irréaliste de ce montant eu égard à la nature de l'activité personnelle de vente sur les marchés qu'il exerçait, l'administration fait valoir que M. X a acheté en Grande-Bretagne de la marchandise destinée a être revendue en France pour des montants de 138 171 francs en 1994, 1 192 248 francs en 1995 et 1 357 776 francs en 1996 ; que, notamment, les factures des fournisseurs portent le nom et le numéro d'identifiant intra-communautaire de M. X ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme établissant la réalité des achats dissimulés qu'elle invoque ; que le moyen du contribuable tiré de ce qu'aucune trace de paiement de ces achats n'apparaîtrait sur ses comptes bancaires est sans portée dès lors qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que les comptes personnels de M. X n'ont pas été examinés, d'autre part, que M. X a reconnu lui-même avoir opéré ses achats en espèces ;
Considérant, d'autre part, que la fixation des nouveaux forfaits des années 1994 et 1995 a été faite par le vérificateur selon la reconstitution du chiffre d'affaires à partir des déclarations de forfait de l'année 1994 déposées par le contribuable ; que l'administration, faute de pouvoir déterminer les taux réellement pratiqués à partir d'éléments précis propres à l'entreprise, en raison de l'inexistence de la comptabilité, en particulier dans la mesure où ni la ventilation des recettes ni les prix de revente des tissus achetés n'ont été communiqués, a dû recourir à un coefficient de marge brute déterminé par le rapport constitué par le prix de revente indiqué par le requérant sur le prix de revient pondéré résultant de l'examen des factures d'achat ; que M X qui se borne à critiquer le coefficient de 1.89 retenu par le service au motif qu'il est le plus élevé des coefficients retenus sur trois années ne fournit pas d'éléments de nature à prouver que ce coefficient, qui a été calculé sur le chiffre d'affaires déclaré pour l'imposition selon le régime forfaitaire et qui a été utilisé pour reconstituer un autre bénéfice forfaitaire, relèverait d'une méthode viciée dans son principe ; qu'il suit de là, que le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions qu'il conteste ;
Sur les pénalités :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, les pénalités ont été suffisamment motivées dans la notification de redressements par l'exposé des circonstances de fait et de droit fondant leur application ; que si M. X critique de manière générale l'application de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 septies du code général des impôts et les pénalités de 40 % et 10 % appliquées aux redressements en litige au motif que ces pénalités seraient irrégulières du fait de l'absence de bien-fondé des redressements, ce moyen ne peut qu'être rejeté compte tenu de ce qui a été dit précédemment sur le bien-fondé des impositions en litige ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1 - Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... » ; que les dispositions du I de l'article 1729 qui proportionnent les pénalités aux agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de l'intéressé, sont compatibles avec les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux de ces pénalités ; que ces dispositions, qui ne prévoient d'infliger une majoration d'impôt que lorsque les faits reprochés à l'intéressé ont été légalement constatés par l'autorité investie du pouvoir de sanction, ne portent pas atteinte au principe de la présomption d'innocence édicté par le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, enfin, que l'intérêt de retard institué par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'État à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre des années 1994, 1995 et 1996 ainsi que des pénalités y afférentes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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