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15/12/2005 | FRANCE | N°03VE01447

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 15 décembre 2005, 03VE01447


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le recours présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Vu le recours, enregistré le 4 avril 2003 en téléc

opie et le 8 avril 2003 en original, au greffe de la Cour administ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le recours présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Vu le recours, enregistré le 4 avril 2003 en télécopie et le 8 avril 2003 en original, au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par lequel le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement N° 011720 en date du 19 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé, à la demande de M. X..., la décision en date du 19 février 2001 par laquelle le MINISTRE DE LA DEFENSE a refusé d'accorder à M. X... le bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension civile à cinquante-cinq ans ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que seuls certains emplois particuliers exercés par les techniciens d'études et de fabrications du ministère de la défense étaient classés dans la catégorie B (catégorie active) annexé au code des pensions civiles et militaires de retraite et permettaient à leurs titulaires un départ en retraite dès l'âge de cinquante-cinq ans dès lors que les intéressés avaient accompli quinze ans de services actifs ; que le reclassement de M. X..., en application du décret du 18 octobre 1989, dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense qui n'est pas classé en catégorie active au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite ne lui permettait plus de bénéficier du dispositif autorisant un départ à la retraite à cinquante-cinq ans ; que le statut du corps des techniciens d'études et de fabrications du ministère de la défense n'existe plus depuis la création du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrication du ministère de la défense ; que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en estimant que les techniciens supérieurs d'études et de fabrications devaient conserver les avantages statutaires liés à l'appartenance à leur ancien corps car, d'une part, les fonctionnaires reclassés dans un nouveau corps n'ont aucun droit acquis au maintien du statut et des avantages de l'ancien corps dont ils sont issus, d'autre part, le tableau des emplois classés dans la catégorie B (active) au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite n'a pas été modifié pour y inclure les emplois correspondants du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications ; que les techniciens supérieurs d'études et de fabrications ne sont majoritairement pas amenés dans l'exercice de leurs fonctions à remplir des emplois les exposant à un risque particulier ; que la circonstance que le décret du 15 décembre 1982 modifiant le tableau des emplois classés dans la catégorie B n'a pas été expressément abrogé ne peut justifier son application à des agents devenus techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense ;

…………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6, et son premier protocole additionnel, notamment son article 1er ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu l'ordonnance n° 82-1065 du 15 décembre 1982 modifiant le tableau des emplois classés dans la catégorie B, annexé au code des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat ;

Vu le décret n° 89-749 du 18 octobre 1989 relatif au statut des corps de techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2005 :

- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;

- les observations de M. Denis X... ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 8 décembre 2005, présentée par M. X... ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X... au recours du ministre de la défense :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois . Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 . ( . . .) ;

Considérant qu'il ressort de l'avis de réception versé au dossier que le jugement attaqué a été notifié le 5 février 2003 au MINISTRE DE LA DEFENSE ; que le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE a été enregistré, sous forme de télécopie, le 4 avril 2003, dans le délai d'appel de deux mois prévu à l'article R. 811-2 précité du code de justice administrative, et a été régularisé par production du recours original enregistré le 8 avril 2003 ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir pour tardiveté opposée par M. X... doit être écartée ;

Au fond :

Considérant qu'en vertu des dispositions du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la jouissance de la pension civile est immédiate à l'âge de cinquante-cinq ans pour les fonctionnaires civils qui ont accompli au moins quinze ans de services dans la catégorie B, cette catégorie comprenant les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles dont la nomenclature est établie par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., s'il a occupé entre 1982 et 1989 des emplois de techniciens d'études et de fabrications du ministère de la défense correspondant à l'une des catégories mentionnées à l'article 1er du décret du 15 décembre 1982 susvisé, a ensuite été intégré dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications, en application des dispositions du décret du 18 octobre 1989 relatif au statut du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense qui a abrogé les dispositions portant statut des corps des techniciens d'études et de fabrications ; qu'aucune disposition du décret du 18 octobre 1989 précité, non plus qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire, n'a conféré aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications le droit de conserver dans ce nouveau corps le bénéfice de l'inscription de certains emplois de techniciens d'études et de fabrications au tableau des emplois classés dans la catégorie B ; que, dès lors, en jugeant que les dispositions du décret du 15 décembre 1982 étaient applicables aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications occupant des emplois aux caractéristiques équivalentes à celles des emplois mentionnés par ce décret occupés par des techniciens d'études et de fabrications et que, par suite, la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE du 19 février 2001 était entachée d'illégalité, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... à l'appui de sa demande devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions du décret du 15 décembre 1982 précité relatives à des emplois de techniciens d'études et de fabrications classés en catégorie B au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent, en l'absence de mention expresse d'application, être regardées comme applicables à des emplois de techniciens supérieurs d'études et de fabrications, même si ces emplois correspondent à des fonctions identiques ;

Considérant, en deuxième lieu, que les droits et obligations des fonctionnaires sont définis par des textes législatifs ou réglementaires et que les avantages que les agents tirent de la réglementation qui leur est applicable en matière de constitution du droit à pension sont subordonnés au maintien en vigueur des textes qui les confèrent ; que, par suite, le moyen tiré par M. X... de ce que la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE porterait atteinte à des droits acquis ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. X... soutient qu'il a été intégré dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications sans possibilité d'exercer une option pour demeurer dans son corps d'origine et s'il résulte effectivement des dispositions de l'article 15 du décret n° 89-749 du 18 octobre 1989 que pour la constitution initiale des corps de techniciens supérieurs d'études et de fabrications, les techniciens d'études et de fabrications dont le corps se trouvait supprimé ont tous été intégrés dans ces nouveaux corps sans qu'un droit d'option ne leur soit réservé, l'assimilation des services effectués dans les anciens corps des techniciens d'études et de fabrications à des services effectués dans les nouveaux corps de techniciens supérieurs prévue à l'article 17 du décret susmentionné du 18 octobre 1989, qui a une influence pour l'appréciation de l'ancienneté effectuée dans le nouveau corps notamment pour l'avancement, est sans incidence sur la nomenclature des emplois qui, présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles, classés dans la catégorie active au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut résulter, aux termes des dispositions du I de l'article L. 24 dudit code, que d'un décret en Conseil d'Etat que seul le pouvoir réglementaire est habilité à prendre ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer que l'emploi que détenait M. X... dans le corps des techniciens d'études et de fabrications et qui figurait au tableau des emplois classés dans la catégorie B annexée au code des pensions civiles et militaires de retraite en application de l'ordonnance n° 82-1065 du 15 décembre 1982 soit identique à celui qu'il détenait dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications, aucun décret en Conseil d'Etat n'est venu modifier, lors de la création du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications, la rubrique du ministère de la défense nationale pour y faire figurer ces mêmes emplois au titre du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications dans lequel M. X... a été intégré, comme il a été dit ci-dessus, lors de sa constitution initiale ; que le moyen tiré du caractère pérenne de l'emploi occupé par M. X... lors de son passage du corps des techniciens à celui des techniciens supérieurs ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que si le droit à l'allocation d'une pension ressortit à la matière civile au sens et pour l'application du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont M. X... entend se prévaloir et qui garantit aux personnes protégées par la convention la possibilité d'accéder à un tribunal pour faire valoir leurs droits ainsi que le droit à un procès équitable, l'adoption du décret n° 89-749 du 18 octobre 1989 relatif au statut du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense, qui est intervenue à une date antérieure à la demande présentée par M. X... le 21 juin 2000, alors qu'il n'existait aucun litige entre M. X... et l'Etat sur le droit à la jouissance à l'âge de cinquante-cinq ans n'a pas eu pour objet ni pour effet d'influer sur l'issue d'une procédure juridictionnelle en cours opposant M. X... à l'Etat ; qu'ainsi, elle n'a pas privé l'intéressé de son droit d'accéder à un tribunal pour y faire valoir ses droits ; que dans ces conditions, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que les dispositions du décret précité du 18 octobre 1989 n'auraient pas classé en catégorie active le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications et seraient incompatibles avec les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en sixième lieu, que le droit de bénéficier d'une pension de retraite à jouissance immédiate constitue une créance qui étant suffisamment établie pour être exigible par tout fonctionnaire remplissant les conditions que posait la loi, a le caractère d'un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention qui stipule que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens . Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international . Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens ( . . . ) » ; que si ces stipulations ne font pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause des droits découlant de lois en vigueur, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ; que, toutefois, il découle de l'objet même des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'elles ne sont pas méconnues à l'égard de fonctionnaires qui, comme M. X..., n'avait pas constitué quinze années de services actifs au sein d'un corps classé en catégorie active, puisque M.YX qui ne comptait que sept années dans l'emploi de technicien d'études et de fabrications lorsqu'il a été intégré en 1989 dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications classé en catégorie sédentaire au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite ne détenait pas de créance à la date de son intégration dans ce nouveau corps ;

Considérant, enfin, que la circonstance que l'administration ait établi des états annuels de travaux insalubres pour des périodes postérieures à l'intégration de M. X... dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications est sans incidence sur le droit de l'intéressé à obtenir le bénéfice des dispositions de l'article L. 24-I du code des pensions civiles et militaires de retraite, dès lors que celui-ci, comme il a été dit ci-dessus, ne remplissait pas les conditions de cet article pour obtenir une pension à jouissance immédiate à l'âge de cinquante-cinq ans ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision en date du 19 février 2001 refusant d'accorder à M. X... le bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension civile à cinquante-cinq ans ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles du 19 décembre 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 03VE01447
Date de la décision : 15/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Composition du Tribunal
Président : M. BLIN
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-12-15;03ve01447 ?
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