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01/12/2005 | FRANCE | N°05VE00903

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 01 décembre 2005, 05VE00903


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, ainsi que le mémoire rectificatif enregistré le 22 septembre 2005, présentés pour Mme Jelena X, demeurant ..., par Me Rochefort ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 28 janvier 2005 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale », de la décision im

plicite par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux et de...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, ainsi que le mémoire rectificatif enregistré le 22 septembre 2005, présentés pour Mme Jelena X, demeurant ..., par Me Rochefort ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 28 janvier 2005 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale », de la décision implicite par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux et de la décision du 30 août 2004 par laquelle le préfet de police a ordonné sa reconduite à la frontière, et tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution du jugement en vue de lui délivrer une carte de séjour ;

2°) d'annuler la décision du 19 juillet 2004 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'arrêté du 30 août 2004 par laquelle le préfet de police a ordonné sa reconduite à la frontière et la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté son recours gracieux dirigé contre ces deux décisions ;

Elle soutient que la tardiveté de ses demandes n'était pas manifeste dans la mesure où les voies et délais de recours contre les décisions implicites de rejet n'avaient pas été mentionnés ; que les décisions attaquées font état, de manière erronée, qu'elle est de nationalité yougoslave ; qu'elles sont donc entachées d'erreur de fait ; qu'elles mentionnent également de manière erronée qu'elle est mariée à M. Y ; qu'elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2005 :

- le rapport de M. BLIN, président-assesseur ;

- les observations de Me Rochefort ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité des conclusions présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2004 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de police à la suite du recours gracieux qu'elle a présenté le 15 septembre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article R.421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. » ; qu'aux termes de l'article R.421-2 du même code : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. » ; qu'aux termes de l'article R.421-5 dudit code : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. » ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 Juin 1946 : « Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titre de séjour présentées en application du présent décret vaut décision de rejet. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, qui est de nationalité serbo-monténégrine, a sollicité l'asile territorial le 23 octobre 2003 ; que le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande par une décision du 27 mai 2004 qui a été notifiée à Mme X le 19 juillet 2004 ; que, le même jour, le préfet de police lui a notifié un refus de titre de séjour ; que, par lettre du 13 septembre 2004, reçue par l'administration le 15 septembre 2004, soit dans le délai de deux mois prévu aux dispositions réglementaires précitées, Mme X a présenté un recours gracieux au préfet de police à l'encontre de ce refus de titre de séjour ; qu'en application de l'article 2 du décret du 30 juin 1946, dans sa rédaction applicable en l'espèce, une décision implicite de rejet n'a été acquise qu'à la suite du silence gardé plus de quatre mois par le préfet de police et non pas de deux mois comme l'a estimé le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; qu'ainsi, la demande que Mme X a présentée devant le Tribunal administratif de Paris le 24 janvier 2005 n'était pas tardive ; qu'il suit de là que c'est à tort que le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de Mme X comme étant manifestement irrecevable ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi susvisée du 25 juillet 1952, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » et qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ;

Considérant que si Mme X soutient, sans produire aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, qu'en raison de difficultés respiratoires, elle ne pourrait supporter la pollution de l'environnement en Serbie-Monténegro causée par les bombardements à l'uranium enrichi qu'aurait subi son pays en 1990, ces troubles éventuels ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme la conséquence de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, en refusant l'asile territorial à Mme X, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision ministérielle lui refusant l'asile territorial ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure (...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme X, qui est née en 1961, est entrée en France le 1er septembre 2003 ; qu'elle s'y est mariée le 18 mai 2004 avec un ressortissant serbo-monténégrin qui est en France depuis 1972 et qui est titulaire d'une carte de résident ; que sa fille, née en 1992, l'a rejointe en France en juillet 2004 ; que, toutefois, en supposant que les époux se soient connus plusieurs années auparavant, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux éléments énoncés ci-dessus et notamment à la durée du séjour en France de Mme X à la date de la décision attaquée, au caractère récent du mariage et à la possibilité pour Mme X de solliciter un regroupement familial, que l'arrêté attaqué porte au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant enfin, que si Mme X fait valoir que les conditions de vie seraient pénibles en Serbie-Monténégro et qu'elle a créé une entreprise en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2004 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'annulation du rejet implicite du recours gracieux qu'elle a présenté au préfet de police le 14 septembre 2004 ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions susvisées de Mme XA, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme X A doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de Mme X dirigées contre l'arrêté du 30 août 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière et contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de police à la suite du recours gracieux qu'elle a présenté contre cet arrêté le 15 septembre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article R.222-1 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : …4° Rejeter les requêtes irrecevables pour défaut d'avocat, pour défaut de production de la décision attaquée, ainsi que celles qui sont entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance … » ;

Considérant que les dispositions de l'article R.222-1 du code de justice administrative qui permettent aux présidents de tribunal administratif de rejeter par ordonnance des conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste, non susceptible d'être couverte en cours d'instance, ne sont pas applicables au jugement des requêtes formées contre des arrêtés de reconduite à la frontière, qui était régi, à la date de l'ordonnance attaquée, par les seules dispositions de l'article 22 bis ajouté à l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, l'ordonnance par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, en raison de sa tardiveté, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le recours dirigé contre l'arrêté du 30 août 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X, est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme X ;

Considérant qu'à l'appui des conclusions susvisées, Mme X doit être regardée comme excipant de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur en date du 27 mai 2004 lui refusant l'asile territorial et de la décision du 19 juillet 2004 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, toutefois, il résulte de ce qui précède que ces moyens ne sont pas fondés ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance du 28 janvier 2005 du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme X le 24 janvier 2005 devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Jelena X est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00903
Date de la décision : 01/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : ROCHEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-12-01;05ve00903 ?
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