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01/12/2005 | FRANCE | N°05VE00128

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 01 décembre 2005, 05VE00128


Vu, sous le n° 05VE000128 la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 20 janvier 2005, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0402297 du 4 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision de prolongation de mise à l'isolement de M. Y en date du 19 mars 2004 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Versailles ; Il soutient que le Tribunal administratif de Versailles a co

nsidéré à tort que les faits avancés pour justifier la prolongation de la...

Vu, sous le n° 05VE000128 la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 20 janvier 2005, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0402297 du 4 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision de prolongation de mise à l'isolement de M. Y en date du 19 mars 2004 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Versailles ; Il soutient que le Tribunal administratif de Versailles a considéré à tort que les faits avancés pour justifier la prolongation de la mise à l'isolement de l'intéressé étaient trop anciens pour être retenus ; qu'en effet, dès son arrivée au quartier d'isolement de la maison d'arrêt de Fleury X..., en janvier 2004 M. Y s'est montré agressif envers les membres du personnel, a proféré des menaces de mort et a participé à un mouvement collectif de revendication de détenus placés au quartier d'isolement ; que les premiers juges ont considéré à tort que les faits survenus pendant la mise à l'isolement ne pouvaient être pris en compte pour motiver un maintien à l'isolement ; que c'est à tort qu'ils ont considéré que la décision de prolongation de la mise à l'isolement de M. Y était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision de prolongation a été prise par mesure de précaution et de sécurité conformément aux dispositions de l'article D. 283-1 du code de procédure pénale ; qu'elle est motivée par les risques pour la sécurité de l'établissement pénitentiaire que représente le détenu, compte-tenu de la violence de son comportement et de l'ascendant qu'il exerce sur ses co-détenus ; que des faits récents renforcent la présomption de dangerosité de M. Y ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2005 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article D. 283-1 du code de procédure pénale : « Tout détenu se trouvant dans un établissement ou quartier en commun peut soit sur sa demande, soit par mesure de précaution ou de sécurité, être placé à l'isolement. La mise à l'isolement est ordonnée par le chef de l'établissement qui rend compte à bref délai au directeur régional et au juge de l'application des peines. Le chef de l'établissement fait en outre rapport à la commission de l'application des peines dès la première réunion suivant la mise à l'isolement ou le refus opposé à la demande d'isolement du détenu (…) La durée de l'isolement ne peut être prolongée au-delà de trois mois sans qu'un nouveau rapport ait été fait devant la commission de l'application des peines et sans une décision du directeur régional. La mesure d'isolement ne peut être prolongée au-delà d'un an à partir de la décision initiale que par décision du ministre de la justice, prise sur rapport motivé du directeur régional qui recueille préalablement les avis de la commission de l'application des peines et du médecin intervenant à l'établissement (…) » ;

Considérant que M. Y, incarcéré depuis le 6 novembre 1995 à la suite de l'attentat commis au RER Saint-Michel en 1995, a été condamné le 30 octobre 2002 par la Cour d'assises de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité dont une période de sûreté de 22 ans ; qu'il a été placé à l'isolement depuis le 8 novembre 2002 ; que par une décision du 19 mars 2004 dont le Tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation par jugement du 4 novembre 2004, le directeur de l'administration pénitentiaire a, sur délégation du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, prolongé pour trois mois le placement à l'isolement de M. Y ; que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, fait valoir en appel que les premiers juges ont estimé à tort que la décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ont entaché leur jugement d'erreur de droit en jugeant que la décision ne pouvait légalement se fonder sur des faits trop anciens ou sur des faits survenus pendant la période de mise à l'isolement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dès son arrivée au quartier d'isolement de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, M. Y qui avait précédemment dégradé la porte de sa cellule et organisé des prières collectives dans la cour de promenade de la maison d'arrêt, a manifesté un comportement agressif envers le personnel, proféré des menaces de mort et participé à des mouvements collectifs de revendication de détenus placés à l'isolement ; que l'ensemble de ces éléments, qui attestent à la fois du comportement violent de l'intéressé et de l'ascendant qu'il exerce sur ses co-détenus, pouvaient faire craindre à l'administration pénitentiaire des risques de perturbation de la population carcérale en cas de retour de M. Y au quartier en commun ; que si M. Y soutient que le motif tiré du retentissement médiatique de son procès qui s'est tenu en 2002, ne pouvait être retenu pour justifier la décision attaquée, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, qui pouvait légalement fonder sa décision sur l'ensemble du comportement de l'intéressé et prendre en compte aussi bien des faits survenus avant la mise à l'isolement de l'intéressé que des faits survenus pendant la durée de sa mise à l'isolement, n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en estimant qu'elle était nécessaire pour préserver l'ordre et la sécurité dans la prison ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'erreur de droit et l'erreur d'appréciation commises par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE pour annuler sa décision ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. Y tant devant le tribunal administratif de Versailles que devant la Cour ;

Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que si M. Y fait valoir que la motivation de la décision est insuffisante au regard des dispositions de la circulaire du 8 décembre 1998 du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, il ne peut utilement s'en prévaloir dès lors que ces dispositions, qui présentent le caractère de simples recommandations, sont dépourvues de toute valeur réglementaire ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant que la mise à l'isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire mais une mesure de police administrative ; que cependant, des faits constitutifs d'une faute disciplinaire et qui ont été sanctionnés comme tels peuvent révéler des risques pour la sécurité et le bon ordre de l'établissement et ainsi justifier, indépendamment d'une sanction disciplinaire, une mesure préventive de maintien à l'isolement ; que tel est le cas en l'espèce des menaces de mort proférés par M. Y, de sa participation à des mouvements collectifs de protestation ou des dégradations commises par l'intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait été prise pour des motifs autres que le souci de garantir le bon ordre et la sécurité dans l'ensemble de la maison d'arrêt ; que, dès lors, M. Y n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière ou qu'elle sanctionnerait deux fois les mêmes faits ; qu'ainsi le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Versailles a annulé sa décision en date du 19 mars 2004 prolongeant la mise à l'isolement de M. Y ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, en l'espèce la partie perdante soit condamné à payer à M. Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement n°0402297 du 4 novembre 2004 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

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N°05VE00128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00128
Date de la décision : 01/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : PASQUET MARINACCE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-12-01;05ve00128 ?
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