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08/11/2005 | FRANCE | N°04VE01914

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 08 novembre 2005, 04VE01914


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. et Mme Lionel X, ayant élu domicile au cabinet de Me Saint Marcoux, 11 Place d

e la Madeleine à Paris (75008), par Me Saint Marcoux ;

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Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. et Mme Lionel X, ayant élu domicile au cabinet de Me Saint Marcoux, 11 Place de la Madeleine à Paris (75008), par Me Saint Marcoux ;

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris par laquelle M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°0105999 en date du 27 avril 2004 par laquelle le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le trésorier-payeur général de la Seine-Saint-Denis a, le 26 juillet 2001, rejeté leur demande en décharge gracieuse de leur responsabilité solidaire du paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société anonyme Bureau d'études de mécanique (BEM) a été assujettie au titre des années 1982 et 1983 ;

2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de prononcer la décharge des impositions dues au titre des années 1982 et 1983 qui restent à leur charge ;

Ils soutiennent que le jugement en date du 20 mai 1987, par lequel le Tribunal correctionnel de Bobigny les a solidairement condamnés avec la société anonyme BEM, redevable légal, au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes auxquels cette dernière a été assujettie, ne pouvait pas faire obstacle à ce que l'administration applique les dispositions de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales ; que cet article confère à l'administration un pouvoir d'appréciation qui n'est pas limité ; qu'en considérant que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny en date du 20 mai 1987 faisait obstacle à ce que l'administration examine le bien-fondé de leur demande, le trésorier-payeur général de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision du 26 juillet 2001 d'une erreur de droit ; que ce dernier ne pouvait rejeter leur demande gracieuse qu'après avoir examiné leur situation personnelle et le mérite de cette demande ; qu'eu égard à l'ancienneté de leur dette, à leur situation personnelle et aux circonstances de l'affaire, ils étaient en droit de réclamer une mesure gracieuse de décharge de responsabilité ;

…………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2005 :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur ;

- les observations de Me Saint Marcoux, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 26 juillet 2001 du trésorier-payeur général de la Seine-Saint-Denis :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1745 du code général des impôts : « Tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes. » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : « (…) L'administration peut également décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers » ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 1745 du code général des impôts, lorsqu'une personne a été condamnée comme complice d'un délit de fraude fiscale, le juge répressif est seul compétent pour décider s'il y a lieu de la déclarer solidairement tenue au paiement de l'impôt fraudé et des pénalités fiscales y afférentes ; que si, par voie de conséquence, l'intéressé ne peut utilement contester devant le juge de l'impôt le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'intéressé, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, présente utilement une demande gracieuse tendant à être dispensé de son obligation de payer ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions de l'article 1745 du code général des impôts, des poursuites pénales ont été engagées contre M. et Mme X, respectivement directeur général et président-directeur général de la société anonyme Bureau d'études de mécanique (BEM) ; que, par jugement en date du 20 mai 1987 devenu définitif, le Tribunal de grande instance de Bobigny a condamné M. et Mme X pour délit de fraude fiscale et au paiement solidaire des impôts fraudés par la société BEM ; que, pour rejeter, par décision en date du 26 juillet 2001, la demande du 21 octobre 1996 de M. et Mme X tendant à la décharge gracieuse de leur responsabilité solidaire, le trésorier-payeur général de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur ce que ce jugement ne pouvait être remis en cause par l'administration ; que cette décision prise sans que le trésorier-payeur général, après examen du mérite de cette demande, ait exercé le pouvoir d'appréciation qui lui est dévolu par les dispositions précitées de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales et examiné le bien-fondé de la demande, repose sur un motif entaché d'erreur de droit ; que, par suite, il y a lieu de l'annuler ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2e chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions du trésorier-payeur général tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une collectivité publique, qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat et qui ne se prévaut pas de frais spécifiques exposés par elle, ne saurait présenter une demande à ce titre ; que, par suite, les conclusions susvisées du trésorier-payeur général de la Seine-Saint-Denis ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°0105999, en date du 27 avril 2004, du président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision, en date du 26 juillet 2001, du trésorier-payeur général de la Seine-Saint-Denis sont annulées.

Article 2 : Les conclusions présentées par le trésorier-payeur général de la Seine-Saint-Denis tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

04VE01914 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE01914
Date de la décision : 08/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - GÉNÉRALITÉS. - RECOUVREMENT. - PAIEMENT DE L'IMPÔT. - AUTRES QUESTIONS RELATIVES AU PAIEMENT DE L'IMPÔT. - SOLIDARITÉ - PERSONNES AYANT FAIT L'OBJET D'UNE CONDAMNATION POUR FRAUDE FISCALE (ART. 1745 DU CGI) - INOPÉRANCE DE LA CONTESTATION DU PRINCIPE ET DE L'ÉTENDUE DE LA SOLIDARITÉ - RECEVABILITÉ D'UNE DEMANDE GRACIEUSE TENDANT À LA DÉCHARGE DE LA RESPONSABILITÉ DE PERSONNES TENUES AU PAIEMENT D'IMPOSITIONS DUES PAR UN TIERS (ART. L. 247 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES).

z19-01-05-02-03z Si les dispositions de l'article 1745 du code général des impôts impliquent que la personne condamnée à être solidairement tenue au paiement de l'impôt fraudé ne peut utilement contester devant le juge de l'impôt le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale, elles ne font pas obstacle à ce que l'intéressé, sur le fondement de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, présente utilement une demande gracieuse tendant à être dispensé de son obligation de payer. Par suite, saisi d'une telle demande, un trésorier-payeur général qui, au motif de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal, n'exerce pas son pouvoir d'appréciation sur le mérite de cette demande, entache d'erreur de droit sa décision.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Dominique BRIN
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : SCP MARCOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-11-08;04ve01914 ?
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