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08/11/2005 | FRANCE | N°03VE03008

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 08 novembre 2005, 03VE03008


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Vu ledit recours, enr

egistré le 28 juillet 2003 au greffe de la Cour administrative ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Vu ledit recours, enregistré le 28 juillet 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9803340 et 984638 en date du 13 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, accordé à la SNC Paysages de France la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1993 par avis de mise en recouvrement du 8 décembre 1997 et du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993, d'autre part, condamné l'Etat à verser à la SNC Paysages de France la somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de la SNC Paysages de France ;

Il soutient que pour justifier de la réalité des prestations réalisées par la société Sicopar, la SNC Paysages de France invoque seulement les factures ainsi que la convention et son avenant qui ont été présentés au vérificateur au cours des opérations de contrôle sur place ; qu'aucun document n'a été produit afin de justifier la réalité d'une intervention effective de la société Sicopar ; que, dans le cadre des procédures d'obtention des marchés publics, la justification des prestations donne lieu nécessairement à un échange de courriers et la nature des prestations objet de la convention oblige la société prestataire à rendre compte de ses travaux de manière écrite ; que ces faits constituent des éléments sérieux et suffisants pour faire douter de la réalité des services fournis et établir que la matérialité des opérations n'est pas justifiée ; que les premiers juges ont méconnu les règles ayant trait à la dévolution de la charge de la preuve ; qu'il appartient à la société de démontrer que les sommes facturées constituent la contrepartie de services qui lui ont été effectivement rendus ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les justificatifs apportés par la société ne permettent pas d'établir la réalité des prestations facturées par la société Sicopar ;

………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2005 :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire au gouvernement ;

Considérant que la SNC Paysages de France a pour activité l'étude, la conception et la réalisation d'espaces verts ; qu'à la suite de la vérification de sa comptabilité portant sur les années 1992 et 1993, le service a remis en cause la réalité des prestations de démarchage facturées par la société Sicopar, bureau d'études spécialisé dans les marchés publics, et a refusé la déduction des charges correspondantes du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée relative à ces prestations ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a déchargé la SNC Paysages de France des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison des factures établies par la société Sicopar ;

Considérant, d'une part, s'agissant de la déduction des charges, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) » ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de la prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature , qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant qu'il résulte des principes susrappelés que, dans le cas où une entreprise justifie, comme en l'espèce, d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un prestataire de service, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise n'a pas été livrée ou que la prestation de services facturée n'a pas été réellement exécutée ;

Considérant, d'autre part, s'agissant de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271-1, 272-2 et 283-4 du code général des impôts, ainsi que de l'article 223-1 de l'annexe II à ce même code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir que la société facturière n'avait pas d'activité réelle ou qu'elle n'avait pas effectivement fourni de marchandise ou de prestation de services et que les factures qu'elle émettait étaient des factures fictives ou de complaisance ; que, dans ce cas, il revient au contribuable de justifier que la facture qu'il a réglée correspond néanmoins à une marchandise réellement fournie ou à une prestation réellement exécutée ;

Considérant que le ministre soutient que la SNC Paysages de France n'a pu apporter aucun élément de nature à justifier la matérialité des prestations réalisées par la société Sicopar, en faisant valoir que la contribuable n'a invoqué que les factures établies par cette dernière ainsi qu'une convention et son avenant conclus avec la société Sicopar présentés au vérificateur lors des opérations de contrôle sur place, sans fournir aucun document tels que courriers, études, rapports, enquêtes de marchés faisant apparaître la réalité d'une intervention effective de cette société, alors que la nature des prestations prévues par la convention oblige la société à rendre compte de ses travaux de manière écrite ; qu'en relevant les faits mentionnés ci-dessus, le ministre apporte des indices sérieux susceptibles de faire douter de la réalité des services fournis ; que la SNC Paysages de France, malgré une mise en demeure dont elle a accusé réception, n'a présenté aucune observation en défense devant la Cour ; qu'en vertu de l'article R. 612-4 du code de justice administrative, elle est réputée avoir admis l'exactitude matérielle des faits allégués dans le recours du ministre ; que l'inexactitude de ces faits ne ressort d'aucune pièce du dossier ;

Considérant que, dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément de justification apporté par la SNC Paysage de France, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l'absence de réalité de l'entremise commerciale effectuée par la société Sicopar ; que le ministre est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles, au motif que la SNC Paysages de France justifiait par les seuls documents susrappelés de l'étendue des tâches qu'elle aurait confiées à la société Sicopar en contrepartie d'une rémunération, a accordé à la société la décharge des impositions litigieuses, alors que l'administration faisait état d'un faisceau d'indices suffisamment sérieux pour contester la réalité des prestations en cause ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SNC Paysages de France devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Considérant, que la SNC Paysages de France soutient que la notification de redressement en date du 26 septembre 1995 et la réponse aux observations du contribuable en date du 9 janvier 1996 ne sont pas suffisamment motivées ; qu'en ce qui concerne le chef de redressement en matière d'impôt sur le sociétés, elle n'apporte aucune précision à l'appui de son allégation ; que, s'agissant du redressement envisagé en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le vérificateur, dans cette notification, après avoir fait référence aux articles 283-4 et 272-2 du code général des impôts, indique que n'est pas déductible la taxe mentionnée sur des factures faisant état de prestations de services dont la réalité n'est pas établie et écarte, au motif qu'elles ne correspondent pas à des prestations effectives, des factures d'honoraires émises par la société Sicopar, qui sont énumérées, au titre des années 1992 et 1993 ; que la réponse aux observations du contribuable explique de façon précise et complète les raisons pour lesquelles la contribuable n'apportait pas de justification de la réalité de la mission d'assistance et de conseil de la société Sicopar ; que, dans ces conditions, ces deux documents doivent être regardés comme suffisamment motivés au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles, d'une part, a accordé à la SNC Paysages de France la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1993 et du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993, d'autre part, a condamné l'Etat à verser à la SNC Paysages de France la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 9803340 et 984638 en date du 13 mars 2003 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts de retard dont ils sont assortis qui ont été réclamés à la SNC Paysages de France au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1993 sont remis à sa charge.

Article 3 : La SNC Paysages de France est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1992 et 1993 à raison de l'intégralité des cotisations supplémentaires qui lui ont été assignées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03VE03008
Date de la décision : 08/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Dominique BRIN
Rapporteur public ?: M. BRESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-11-08;03ve03008 ?
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