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20/10/2005 | FRANCE | N°05VE00227

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 20 octobre 2005, 05VE00227


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme X demeurant ..., par Me Mafoua-Badinga ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 27 janvier 2005 par laquelle le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 octobre 2004 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 5

00 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice ...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme X demeurant ..., par Me Mafoua-Badinga ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 27 janvier 2005 par laquelle le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 octobre 2004 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'ordonnance du 27 janvier 2005 est entachée d'une erreur de droit, qu'en effet elle avait indiqué dans sa demande adressée le 21 janvier 2005 au tribunal administratif qu'elle était bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale à la suite d'une demande en date du 18 octobre 2004 formée après qu'elle ait reçu notification le 16 octobre 2004 de la décision du 15 octobre 2004 lui refusant l'octroi d'un titre de séjour ; que le délai que la notification de la décision du 22 décembre 2004 du bureau d'aide juridictionnelle faisait courir n'était pas expiré et que sa demande au tribunal n'était pas tardive ;

………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2005 :

- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du décret 91-1266 du 20 décembre 1991 portant application de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique rendu applicable aux juridictions administratives par l'article R. 441-1 du code de justice administrative : « Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré ( … ) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : ( . . . ) soit, en cas d'admission, de la date si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a formé le 18 octobre 2004 une demande d'aide juridictionnelle après avoir reçu notification le 16 octobre 2004 de la décision en date du 15 octobre 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant l'octroi d'une carte de séjour temporaire ; qu'en application de la décision du 22 décembre 2004 du bureau d'aide juridictionnelle un avocat a été désigné ; que le délai que la notification de cette décision a fait courir n'était en tout état de cause pas expiré lors de l'enregistrement, le 21 janvier 2005 devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, tendant à l'annulation de la décision précitée du 15 octobre 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis de sa demande ; qu'il suit de là qu'en rejetant pour tardiveté la demande formée par Mme X, le président de la troisième chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que, dès lors, Mme X est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir de la demande de première instance opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ( . . . ) saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger à un étranger mentionné à l'article 15 ( . . . ) » ; qu'il résulte des articles 12 bis 7° et 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que le préfet n'est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ;

Considérant que Mme X, ressortissante haïtienne, née le 11 février 1969, est entrée en France le 23 juillet 2001 munie d'un passeport revêtu d'un visa d'une durée de validité de 30 jours ; que si elle soutient que sa mère, sa tante et ses cousines vivent en France et qu'elle n'a plus d'attaches en Haïti, il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu en Haïti sans sa mère jusqu'à l'âge de trente deux ans ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside l'un de ses enfants encore mineur ; que, dans ces conditions, eu égard à l'importance des liens de Mme X avec son pays d'origine, elle ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 12 bis 7° susmentionné, non plus qu'à celles de l'article 12 quater de la même ordonnance ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui . » ;

Considérant que si Mme X fait valoir que sa mère réside en France depuis de nombreuses années, qu'elle n'a jamais connu son père et que l'ensemble de sa famille vit en France, il ressort des pièces du dossier que si la requérante fait valoir la présence en France d'un de ses enfants mineurs qui y est scolarisé, elle possède des attaches familiales en Haïti, pays où réside un autre de ses enfants et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 15 octobre 2004 refusant de l'admettre au séjour en France n'a pas porté aux droits de Mme X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si la requérante a entendu invoquer la méconnaissance par le préfet de la Seine-Saint-Denis des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 aux termes duquel : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale », ce moyen est dépourvu de précisions de nature à permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par Mme X doit être rejetée ;

Sur les conclusions d'injonction et d'astreinte présentées par Mme X devant le tribunal administratif :

Considérant que le rejet, par le présent arrêt, de la demande de Mme X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de la demande de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 152 euros par jour de retard doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu ‘elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 27 janvier 2005 du président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée .

Article 2 : La demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que les conclusions de sa requête devant la Cour tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées .

N° 05VE00227 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00227
Date de la décision : 20/10/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : MAFOUA-BADINGA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-10-20;05ve00227 ?
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