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05/07/2005 | FRANCE | N°03VE04447

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 05 juillet 2005, 03VE04447


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la COMMUNE DE RIS-ORANGIS, représentée par son maire en exercice, par Me X... ;



Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administra...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la COMMUNE DE RIS-ORANGIS, représentée par son maire en exercice, par Me X... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 1er décembre 2003, par laquelle la COMMUNE DE RIS-ORANGIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801580, en date du 22 septembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la société Bureau d'études techniques Berim une indemnité de 49 145, 01 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 1997, en réparation des préjudices que cette société a subis du fait de l'absence de règlement du solde de cinq marchés de maîtrise d'oeuvre conclus en 1989, 1991 et 1995 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Berim devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert ayant pour mission de déterminer le montant des dépenses utiles exposées par la société Berim, ainsi que le montant des bénéfices escomptés par cette société au titre desdits marchés ;

4°) de condamner la société Berim à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le montant de l'indemnité mise à sa charge est erroné ; que la société Berim ne pouvait ignorer que les contrats en cause étaient entachés de graves illégalités ; qu'en signant ces contrats alors qu'elle avait connaissance de ces irrégularités, elle a commis des fautes susceptibles d'atténuer la responsabilité de la commune ; que le caractère utile des dépenses relatives aux marchés passés en 1989 et 1991 n'est pas démontré ; que la réalité des prestations alléguées par la société Berim sur le fondement des lettres des 23 février et 10 avril 1995 n'est pas établie ; que le montant des dépenses utiles résultant des trois autres marchés, passés les 17 novembre 1989 et 4 octobre 1991, ne pouvait pas correspondre au montant des factures produites par la société Berim, dès lors que le prix de ces marchés, qui ont été conclus de façon irrégulière, n'a pas été normalement évalué ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2005 :

- le rapport de Mme Brin, président ;

- les observations de Me X..., pour la COMMUNE DE RIS-ORANGIS ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement du 22 septembre 2003, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société Bureau d'études techniques Berim sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en raison de la nullité des contrats de maîtrise d'oeuvre qu'elle avait conclus les 17 novembre 1989, 4 octobre 1991, 23 février et 10 avril 1995 avec la COMMUNE DE RIS-ORANGIS en vue, respectivement, de réaliser un centre de musique et de danse, de réhabiliter une salle de cinéma et de réaliser des voies et réseaux divers (VRD), d'aménager les VRD d'un programme de réalisation de quarante logements, ainsi que de réaliser un passage pour piétons ; qu'il a toutefois condamné la commune à verser à la société Berim une somme de 49 145, 01 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la collectivité et des fautes qu'elle a reconnu avoir commises ; que la COMMUNE DE RIS-ORANGIS fait appel de ce jugement ;

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant, en l'espèce, que la commune requérante, sans contester les illégalités qu'elle a commises, soutient toutefois que les fautes ou imprudences de la société Berim doivent conduire à un partage de responsabilité et donc à une réduction de l'indemnité due ;

Sur le droit à indemnisation des dépenses engagées au titre de l'enrichissement sans cause :

Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses exposées par la société Berim en vue de s'acquitter des prestations mises à sa charge sur le fondement du contrat conclu le 17 novembre 1989, des deux marchés de maîtrise d'oeuvre passés le 4 octobre 1991 et de la lettre en date du 10 avril 1995, n'ont pas été utiles à la collectivité requérante ; que la commune n'établit pas, à défaut de toutes précisions sur ce point, l'existence d'une surfacturation des prestations réalisées ; que, d'autre part, si la COMMUNE DE RIS-ORANGIS conteste, sans le justifier, la réalité des prestations réalisées par la société Berim sur le fondement des contrats passés par les lettres des 23 février et 10 avril 1995, ces allégations sont contredites par les courriers que cette société a adressés au maire de la commune les 28 mars et 22 mai 1995, desquels il ressort que les dossiers d' avant-projet détaillé relatifs à la réalisation d'un passage pour piétons et à l'aménagement des VRD d'un programme de création de quarante logements qui lui avaient été demandés ont été transmis aux services de la commune à ces mêmes dates ; qu'en conséquence, la société Berim, même si elle a commis des fautes ou imprudences à l'occasion de la passation des marchés, a droit au paiement des dépenses engagées par elle au titre des différents marchés d'études passés avec la COMMUNE DE RIS-ORANGIS ;

Sur le droit à indemnisation des pertes de bénéfice au titre de la responsabilité quasi-délictuelle :

Considérant qu'il n'est pas contesté que la signature par le maire de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS des trois contrats de maîtrise d'oeuvre en date des 17 novembre 1989 et 4 octobre 1991 et que les signatures par le premier adjoint au maire et l'adjoint chargé des travaux de la commune, des contrats passés par les lettres des 23 février et 10 avril 1995 sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de la collectivité requérante à l'égard de la société Berim ; qu'il y a lieu toutefois de vérifier pour chacun des contrats si le comportement de l'entreprise a été de nature à atténuer la responsabilité de la commune ;

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, la société Berim n'a aucune part dans la faute commise par la commune ayant consisté à ne pas transmettre au préfet la délibération autorisant le maire de Ris-Orangis à signer le marché de maîtrise d'oeuvre du 17 novembre 1989 pour la construction du centre de musique et de danses traditionnelles avant l'intervention de cette signature ; que, d'autre part, il n'est pas démontré que ledit marché d'études serait irrégulier au regard des dispositions de l'article 314 bis du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable qui définissait les seuils de mise en concurrence des marchés de maîtrise d'oeuvre, dès lors que le second marché d'études du 4 octobre 1991 relatif à la réhabilitation du cinéma, qui, selon la commune, en serait le complément indivisible, n'a été passé que près de deux ans plus tard, seuls les marchés de construction faisant suite à ces études ayant été passés à la même date en 1991 ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE RIS-ORANGIS n'est pas fondée à soutenir qu'en signant ce contrat, la société Berim a commis une faute susceptible d'atténuer sa responsabilité ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à la connaissance et aux capacités juridiques dont elle disposait, la société Berim ne pouvait ignorer que les contrats passés le 4 octobre 1991 ne répondaient pas aux hypothèses prévues à l'article 312 bis du code des marchés publics dans lesquelles il était possible de passer des marchés négociés sans mise en concurrence préalable ; que, dans ces conditions, en acceptant de les signer malgré leur irrégularité, la société Berim a elle-même commis une faute à l'origine de la conclusion de ces contrats ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a condamné la COMMUNE DE RIS-ORANGIS à verser à ladite société une indemnité correspondant à l'entier préjudice qu'elle soutenait avoir subi du fait de la nullité des marchés passés le 4 octobre 1991 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du partage des responsabilités encourues par les deux parties, en limitant l'indemnité due par la commune à 70 % des bénéfices dont la société Berim a, le cas échéant, été privée du fait de la nullité desdits contrats ;

Considérant, en troisième lieu, que, dès lors qu'elles ne définissaient ni le cadre d'exécution des prestations, ni leur terme, ni les modalités de leur paiement, les lettres des 23 février et 10 avril 1995 qui, au demeurant, ont été signées par des autorités incompétentes, ne présentaient pas les caractéristiques d'actes d'engagement ; que la première était intitulée lettre devis/commande , tandis que la seconde ne mentionnait aucun prix ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que leur objet ait été confirmé ultérieurement ; qu'ainsi, en acceptant de réaliser des études sur le fondement de ces seules lettres, la société Berim a commis une imprudence de nature à atténuer la responsabilité de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce, en limitant l'indemnité due par la commune du fait de la nullité des engagements signés les 23 février et 10 avril 1995, à 50 % des bénéfices dont la société Berim a, le cas échéant, été privée ;

Sur le montant de l'indemnisation :

Considérant, en premier lieu, qu'au titre du contrat signé le 17 novembre 1989, en l'absence de tout partage de responsabilité, la société Berim peut prétendre au versement d'une indemnité déterminée sur la base du montant des dépenses utiles qu'elle a exposées au profit de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS, augmentée, dans la limite du montant prévu de ses honoraires contractuels, d'une somme correspondant à la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la privation des bénéfices qu'elle pouvait escompter de la conclusion de ce contrat ; que, pour déterminer le montant global de ces deux chefs de préjudice, il y a lieu, en ce qui concerne ledit contrat, de retenir les montants figurant sur les factures produites par la société Berim que la commune n'a pas réglés et, en conséquence, de confirmer sur ce point le jugement attaqué ;

Considérant, en second lieu, que la Cour ne trouve pas au dossier les éléments lui permettant d'évaluer, tant les dépenses utiles exposées par la société Berim pour l'exécution des contrats entachés de nullité signés les 4 octobre 1991, 23 février et 10 avril 1995 que les bénéfices dont cette société s'est, le cas échéant, trouvée privée du fait de leur nullité ; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur les droits à indemnité de cette société au titre de ces contrats, d'ordonner un supplément d'instruction contradictoire pour inviter les parties à produire, dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt, tous les éléments utiles à la détermination du montant des dépenses utiles engagées par la société Berim et du bénéfice escompté par elle au titre de ces contrats ; qu'il n'y a pas lieu, par conséquent, de recourir à une expertise sur ce point ;

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS sont rejetées en tant qu'elles concernent le marché signé le 17 novembre 1989 avec la société Bureau d'études techniques Berim.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS, procédé à un supplément d'instruction aux fins indiquées dans les motifs du présent arrêt.

Article 3 : Il est accordé à la COMMUNE DE RIS-ORANGIS et à la société Bureau d'études Technique Berim un délai de deux mois pour faire parvenir au greffe de la Cour les éléments résultant de la mesure d'instruction demandée définis à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03VE04447
Date de la décision : 05/07/2005
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIN
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : SIMON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-07-05;03ve04447 ?
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