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16/06/2005 | FRANCE | N°03VE03442

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2eme chambre, 16 juin 2005, 03VE03442


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me X... ;

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uête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Pa...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me X... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 26 août 2003, présentée pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement N° 0105050 du 26 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de l'intérieur, en date du 12 septembre 2001, lui infligeant une amende de 10 000 F (1 524,49 €) pour avoir débarqué sur le territoire français en provenance de Hanoï, le 28 décembre 2000, un étranger démuni de visa ;

2°) de la décharger de l'amende de 10 000 F (1 524,49 €) qui lui a été infligée le 12 septembre 2001 ;

3°) subsidiairement, de réduire cette amende à un montant symbolique ;

4°) d'enjoindre à l'Etat de lui rembourser le trop-perçu sous astreinte de 76,22 € par jour de retard à compter du 16ème jour de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 829,39 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'il résulte des dispositions de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ainsi que de la jurisprudence en la matière, que le transporteur ne doit être sanctionné qu'en cas d'erreur manifeste, décelable par un examen normalement attentif à l'oeil nu, dans l'appréciation de la validité du document présenté par le voyageur ; que le juge doit tenir compte de ce qu'elle a pris l'initiative de s'adjoindre à ses frais les services d'une société spécialisée dans le contrôle documentaire et qu'en cas de fraude décelée elle interrompt le départ du voyageur et le remet aux autorités de police, circonstances devant exclure toute sanction ; qu'elle est particulièrement attentive aux passagers pouvant être suspectés de vouloir détruire leurs documents de voyage à bord de l'avion et précise à ses agents de prendre, dans ces cas, une photocopie des documents présentés à l'embarquement ; que, contrairement aux dispositions en vigueur, la copie du procès-verbal constatant l'irrégularité n'a pas été remise à son correspondant, circonstance qui l'a privée de la possibilité de réunir les documents de nature à démontrer sa bonne foi ;

................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n° 93-180 du 8 février 1993 pris pour l'application des articles 19, 20 bis et 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 92-307 DC du 25 février 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2005 :

- le rapport de M. Dacre-Wright, président ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'amende :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I - Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 F l'entreprise de transport aérien ... qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable à raison de sa nationalité. Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par le ministre de l'intérieur. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. L'entreprise a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision du ministre, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. Le ministre ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an. II - L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'est pas infligée : 1°) lorsque l'étranger non-ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui demande l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande n'était pas manifestement infondée ; 2°) lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement ou lorsque les documents présentés ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste. ;

Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux dispositions de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de la Communauté économique européenne, devenue l'Union européenne, sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L.332-2 du code de l'aviation civile, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal dressé le 28 décembre 2000 par un officier de police judiciaire, que Mme X a débarqué le même jour à l'aéroport Roissy-Charles de Gaule du vol AF 1683 en provenance d'Hanoï alors qu'elle était démunie de visa ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 8 février 1993 susvisé : Le procès-verbal mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ... est transmis au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique. ... Il comporte..., le cas échéant, les observations de l'entreprise de transport. Copie du procès-verbal est remise à son représentant qui en accuse réception. ; que l'article 5 du même décret dispose : Le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique notifie à l'entreprise de transport, par lettre recommandée avec accusé de réception, le projet de sanction prévu au troisième alinéa du paragraphe I de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ... L'entreprise de transport est invitée à faire valoir ses observations éventuelles dans le délai d'un mois à compter de cette notification. ... ; qu'il résulte de l'instruction que le procès-verbal précité du 28 décembre 2000 n'a été adressé à la SOCIETE AIR FRANCE que le 15 juin 2001 en même temps que la lettre du ministre de l'intérieur l'informant de la sanction qui serait prise à son encontre pour avoir débarqué sur le territoire français un passager démuni de documents de voyage réguliers ; qu'en ne lui remettant le procès-verbal en question qu'avec la notification du projet de sanction, l'administration a méconnu les dispositions rappelées ci-dessus de l'article 4 du décret du 8 février 1993 qui instituent une formalité substantielle dès lors qu'elles permettent au transporteur de recueillir les éléments nécessaires pour présenter ultérieurement ses observations sur ce projet de sanction ; qu'ainsi, la décision susvisée du ministre de l'intérieur du 12 septembre 2001 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ; que, dès lors, la SOCIETE AIR FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à sa décharge de l'amende infligée par cette décision ;

Sur les conclusions d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; que l'article L.911-3 du même code précise : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L.911-1 et L.911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;

Considérant que l'annulation de la décision attaquée et la décharge du paiement de l'amende infligée par cette décision à la société requérante, prononcées par le présent arrêt, impliquent nécessairement le remboursement par l'Etat de la somme qui lui a été versée par celle-ci en exécution de cette sanction ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à l'Etat de rembourser à la requérante la somme qu'elle lui a déjà versée à ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte à l'encontre de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que la SOCIETE AIR FRANCE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à verser à l'Etat la somme qu'il demande ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner l'Etat à verser à la SOCIETE AIR FRANCE une somme de 100 € au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0105050 du 26 juin 2003 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé. La SOCIETE AIR FRANCE est déchargée du paiement de l'amende susvisée.

Article 2 : Il est enjoint à l'Etat de rembourser à la SOCIETE AIR FRANCE la somme de 1 524,49 € dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE AIR FRANCE une somme de 100 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 03VE03442
Date de la décision : 16/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Gildas DACRE-WRIGHT
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : VISY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-06-16;03ve03442 ?
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